La France perdra-t-elle l’Afrique à jamais ?

[Africa Diligence] Le partenariat France/Afrique fait toujours rêver. Pourtant sa réalité et son intérêt se réduisent au fur et à mesure que le temps passe et que l’Afrique se développe et multiplie ses alliances. Pour qu’elle puisse encore être privilégiée, il faudrait que cette relation soit reconstruite sur d’autres objectifs et de nouveaux chantiers.

La France n’est plus dans les cinq premiers investisseurs sur le continent africain. La  première tournée africaine du président français était attendue. Puis scrutée. Lien historique oblige, puisque la France et l’Afrique sont des partenaires économiques, commerciaux et culturels depuis plus d’un siècle.

Les yeux et les oreilles étaient donc rivés sur Emmanuel Macron et ce qu’il compte entreprendre dans le cadre de sa politique africaine.

Mais si la France reste un partenaire important du continent noir, elle n’est plus l’investisseur qu’elle a été. Pour preuve, le dernier rapport publié par l’OCDE sur les apports financiers extérieurs en Afrique analysant la période 2015-2016. Revue de détail.

Quels pays misent le plus sur l’Afrique ?

Le  potentiel du continent africain, la Chine l’a perçu depuis quelques années. Ses investissements sont exponentiels atteignant 38,4 milliards de dollars sur la période analysée par l’OCDE. Une somme plaçant immédiatement l’Empire du milieu en tête des investisseurs les plus impliqués en Afrique.

Et ce, malgré le ralentissement de l’économie chinoise et la baisse de la demande de pétrole et de minerais. « Les investissements chinois en Afrique entre janvier et novembre 2016 ont augmenté de 1.400 % par rapport à 2015 », insistent les auteurs du rapport.

Loin derrière, les Émirats Arabes Unis, second au palmarès, se sont contentés d’un montant de 15 milliards de dollars. L’écart entre les différentes enveloppes se réduit ensuite puisque l’Italie, dernier pays du podium, a cumulé 11,6 milliards de dollars d’investissement publics et privés entre 2015 et 2016.

L’Italie, premier pays européen donc, à investir en Afrique. De quoi tordre le cou à certains préjugés, faisant figurer la France comme un investisseur indétrônable. L’Hexagone, qui reste un partenaire historique de l’Afrique, n’est en réalité arrivé qu’en sixième position l’année dernière, selon le document, avec 7,7 milliards de dollars investis.

A la quatrième et cinquième places apparaissent les États-Unis (10,4 milliards de dollars) et le Maroc (8,1 milliards de dollars), premier pays investisseur intra-africain.

« Tandis que l’Europe et les États-Unis, partenaires traditionnels du continent pour les investissements, réalisent de moins en moins d’IDE en Afrique, les économies d’Extrême-Orient et du Moyen-Orient sont de plus en plus intéressées par les projets nouveaux », confirme l’OCDE.

Quels secteurs attirent le plus les investissements étrangers ?

Chaque pays a sa préférence même si le secteur stratégique des hydrocarbures occupe une place de choix dans les investissements en Afrique toutes nationalités confondues. Cependant, l’OCDE observe une diversification accrue des investissements en direction des secteurs de la construction, des industries manufacturières, des transports ou encore l’électricité et les technologies de l’information et des communications. Voici les quelques spécificités des occupants du podium.

La Chine

L’épaisse enveloppe chinoise se répartit entre le pétrole, les transports, la construction et l’habillement. Mais si l’année dernière les milliards chinois à destination de l’Afrique se sont comptés par dizaine, c’est d’abord grâce à l’accord de 20 milliards de dollars signé entre l’Égypte et la China Fortune Land Development Co en octobre 2016.

Le projet : l’aménagement et la gestion de 5.700 hectares à l’Est de la ville du Caire pour abriter la nouvelle capitale administrative du pays.

D’après l’OCDE, les firmes chinoises auraient créé pas moins de 38.000 emplois pour un total de 64 projets, un nombre inédit, annoncés en l’espace de dix mois à peine.

Les Émirats Arabes Unis

Le conglomérat national Al-Habtoor Group est devenu le deuxième plus gros investisseur en capital sur le continent, frôlant les 9 milliards de dollars investis et créant près de 3.000 emplois. Il est surtout connu dans le secteur de la construction, mais il intervient également dans l’hôtellerie, l’industrie automobile, l’immobilier, l’éducation et l’édition.

L’Italie

L’Italie destine ses fonds  aux infrastructures, à l’énergie, aux technologies, à l’agriculture et au tourisme. Son fleuron pro Afrique, l’entreprise ENI, spécialisée notamment dans l’exploration, la production et la distribution du pétrole et du gaz naturel est celle qui a le plus misé sur le continent noir sur la période, avec plus de 8,1 milliards d’euros. Et prévoit d’ailleurs d’injecter 20 milliards d’euros au total d’ici 2020, soit environ 60 % des investissements prévus par la firme italienne durant cette période.

Une raison entre autres à cela : la multinationale a réalisé, en août 2015, une découverte gazière majeure en Égypte dans le champ offshore Zohr, soit l’équivalent de 5,5 milliards de barils de pétrole.

Autre investisseur italien majeur : l’entreprise agroalimentaire Ferrero, également très présente sur le continent. Avec ses marques phares « Nutella » et « Kinder » notamment, l’entreprise vend ses produits dans la quasi-totalité des pays africains et dispose d’entreprises en Afrique du Sud et au Cameroun.

Quels sont les pays africains les plus bénéficiaires ?

Dix pays captent à eux seuls 92 % des investissements étrangers annoncés pour le continent en 2016. En premier figure l’Égypte, suivie du Maroc, de l’Angola, du Ghana, du Mozambique, de l’Éthiopie, de l’Afrique du Sud, du Nigéria, de la Tanzanie et du Kenya. Au total, 495 entreprises ont investi en Afrique sur la période.

D’après l’OCDE, les investissements des entreprises ont pour principale motivation « des considérations de localisation ». En effet, plus de 50 % des projets avaient pour objet l’accès aux marchés intérieurs.

Même si la France est en perte de vitesse en Afrique, elle possède néanmoins dans sa partie francophone, d’une consistance encore multiforme. C’est à partir de ce socle que la France peut construire un nouveau partenariat vigoureux et privilégié avec l’ensemble du continent africain.

La Rédaction (avec Hélène Gully)