La RCA sous embargo d’un conflit à guichet fermé

[Africa Diligence] Décembre 2012, la RCA bascule dans une guerre civile sans précédent. La résolution du Conseil de sécurité de l’ONU donnant mandat aux forces françaises pour intervenir  afin de rétablir la sécurité n’y fera rien. La poudrière va continuer à retentir, laissant derrière elle un chaos qui va paralyser la vie politique et surtout économique du pays.

Les acteurs de la guerre en RCA

Depuis la fin 2012, la Centrafrique traverse une crise militaire, politique et sociale particulièrement grave, rythmée par l’augmentation des violences qui opposent des membres de l’ex-rébellion Séléka qui avait pris le pouvoir par les armes à Bangui au mois de mars 2013 et qui contrôle aujourd’hui de vastes régions à l’intérieur du pays et des formations d’autodéfense dites « anti-balaka », montées en puissance à l’automne-hiver 2013-2014, qui s’en prennent en particulier aux communautés musulmanes établies sur le territoire. Cette situation dégradée, à laquelle les missions militaires internationales déployées dans les derniers mois ne semblent pas avoir apporté de solution, se répercute sur les populations civiles  et de manière plus générale sur le développement économique du pays.

Situation humanitaire déplorable

Les humanitaires ont de quoi s’inquiéter de la situation en RCA. Selon RFI, Alors que Faustin Archange Touadéra vient de fêter sa première année à la tête de la Centrafrique, la situation empire pour les personnes déplacées. Ils sont encore 400 000 à vivre dans des camps à l’intérieur du pays, soit 100 000 de plus qu’en septembre. Le financement des ONG ne représente aujourd’hui que 5% de leurs besoins pour l’année 2017 et le conflit continue de se tendre à l’est.

Plus grave, selon certaines sources dignes de foi, on aurait enregistré plus de 2000 morts au cours du trimestre passé.

Une économie en lambeau aux échos lointains

La Centrafrique est un pays peu peuplé  et pauvre, avec un Pib/hab. qui s’élevait à 446 dollars américains en 2012. Ce pays fait partie des PMA (pays les moins avancés), avec un indice de développement qui le place au 180e rang sur 186 pays répertoriés. L’économie centrafricaine se caractérise par la prédominance du secteur primaire (environ 50% du PIB), composé d’une agriculture de subsistance qui occupe 66% de la population, de l’élevage, de la sylviculture et des industries extractives (essentiellement le diamant). Les industries de transformation restent embryonnaires, alors que le secteur des services est particulièrement dynamique, notamment à cause de la percée de la téléphonie mobile.

Les mines de diamant constituent traditionnellement la grande richesse nationale, mais leur exploitation reste largement artisanale et soumise à la contrebande. Avec une production qui oscille entre 350 000 et 400 000 carats par an, la Centrafrique exploite, selon les experts, moins de 1% de son potentiel minier. En outre, comme certaines mines se trouvent dans des régions contrôlées par des groupes dissidents, l’État a du mal à établir sa mainmise sur ce secteur.

La sylviculture qui représente 4,6% du PIB, constitue un autre atout majeur de l’économie centrafricaine. Cependant, ces dernières années, du fait de la crise économique mondiale, le commerce du bois s’est ralenti avec la chute de la demande, notamment dans les marchés européen et nord-américain où se trouvent ses principaux clients.

L’économie sous régionale victime du conflit centrafricain

Les échanges commerciaux entre le Cameroun et la Centrafrique tournent au ralenti depuis presque un an. La crise sociopolitique en RCA a généré des pertes considérables, comme le souligne le coordinateur du Bureau de gestion du fret terrestre (BGFT) du Cameroun, el Hadj Oumarou, sur le site Cameroun 24. Il estime à 3,7 milliards de francs CFA par mois (environ 6 millions d’euros), relate le site Cameroun 24.

Le port de Douala, la capitale économique du Cameroun, est la principale voie pour les exportations de la République centrafricaine. Avant le coup d’État de Michel Djotodia, en mars 2013, la route commerciale entre les deux pays voyait transiter plus de 1.300 camions par an, aujourd’hui la plupart d’entre eux sont immobilisés aux frontières. Une situation onéreuse puisque l’immobilisation d’un véhicule de cette taille coûte 1.000.000 Francs CFA par jour (1500 euros).

Prévisions  désastreuses

La crise politique et sécuritaire que connaît la RCA depuis fin décembre 2012 a amplifié les difficultés économiques habituelles de ce pays. Les prévisions pour 2013 sont pour le moins désastreuses. Tous les observateurs s’attendent à une récession dont l’ampleur varie, selon les sources, entre 14 et 20%.

Les événements graves survenus depuis décembre dernier lorsque les rebelles de la Seleka venus du Nord-Est ont commencé à s’attaquer au régime en place avant de chasser Bozizé du pouvoir en mars 2013, se sont traduits par des pillages des entreprises et des banques. Ces pillages doublés de violences ethniques ont touché aussi les populations. Les paysans se sont enfuis en abandonnant leurs récoltes. Selon les estimations, environ 10% de la population ont fui leur habitation et 25% ont besoin d’aide alimentaire. Enfin, le facteur qui aura peut-être les répercussions les plus graves sur l’économie, c’est la suspension de la RCA depuis mai dernier du Processus de Kimberley qui est un système international de certification des diamants bruts. Par conséquent, Bangui ne peut plus exporter ses diamants qui constituent une des principales sources de ses revenus.

Tous les indicateurs sont aujourd’hui au rouge tant en matière de production et d’investissement qu’en termes de progrès social : 80% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté en 2013 contre 67% en 2012, zéro investissements directs étrangers contre 72 millions de dollars en 2011 et 60 millions en 2011. À ces difficultés s’ajoute le poids de la dette extérieure qui s’élève déjà à plus d’un milliard de dollars.

Au moment où les différents protagonistes viennent une fois de plus de passer un accord pour mettre fin aux violences, nous espérons que cet accord dont les négociations ont été menées à Rome par l’organisation catholique Sant ‘Egidio produira les fruits escomptés.

Georges Ondoua Akoa

Consultant indépendant chez Knowdys

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