[Africa Diligence] L’alliance du digital et de l’agriculture est une opportunité pour la compétitivité de l’économie africaine. Alors que le continent doit relever les défis de modernisation et d’adaptation au changement climatique, le digital pourrait faire de ce segment le nouvel or vert des Etats stratèges d’Afrique.
C’est un fait : la productivité agricole en Afrique accuse un retard important par rapport aux autres régions du monde. Ce retard repose sur un paradoxe : le continent possède 65 % des terres arables disponibles sur la planète et pourtant, il dépense chaque année 45 milliards USD en importation de denrées alimentaires. Ce chiffre pourrait même atteindre 110 milliards en 2025.
Le premier produit alimentaire importé sur le continent
Le riz, aliment de base de nombreuses populations à travers l’Afrique, est le premier produit alimentaire importé sur le continent. Pourtant, l’Afrique possède deux grands atouts : une pluviométrie et des températures propices, de l’Afrique de l’Ouest jusqu’en Afrique australe, et en particulier sur l’ensemble de la zone aux langues bantoues, ainsi que d’importantes façades maritimes et une grande variété de territoires agricoles, pastoraux et halieutiques.
Toutefois, la commercialisation des produits agricoles n’est pas sans danger pour les pays africains : vente de produits pas ou faiblement transformés au prix le plus bas ; normes sanitaires et environnementales strictes ; concurrence des produits subventionnés ; protectionnisme des pays importateurs ; fluctuation des prix et de la demande sur les marchés internationaux, etc. Selon la Revue Annuelle sur l’Efficacité du Développement (RAED) de la BAD, les fluctuations des cours mondiaux des denrées alimentaires continuent d’avoir des effets dévastateurs sur le commerce et la production, en particulier depuis la crise financière de 2008.
Les petits agriculteurs familiaux, piliers du secteur agricole
Tous pays confondus, l’agriculture représente 30 % du PIB du continent. L’Afrique subsaharienne n’a pas vécu, comme les autres continents, sa transition économique, c’est-à-dire le passage d’une activité largement agricole à des activités à majorité industrielles et tertiaires. Le continent s’est fortement urbanisé, mais sans s’industrialiser et donc sans créer les gisements d’emplois associés. Parallèlement, l’exode rural prive les communautés agricoles des populations jeunes, en âge de travailler. L’âge moyen des agriculteurs africains est d’environ 50-55 ans, selon la fondation Rabobank. Or, en 2016, d’après les chiffres de la BAD, la population active employée dans l’agriculture avoisinait les 54 %. Évaluée par région, cette moyenne est de 24 % en Afrique du Nord, 46 % en Afrique de l’Ouest, 52 % en Afrique centrale, 53 % en Afrique australe et 77 % en Afrique de l’Est. Les femmes représentent, en moyenne, 40 % de la population active du secteur agricole.
Aller plus loin grâce à l’économie des plateformes
Le constat de la communauté internationale montre que l’avenir du secteur repose aujourd’hui essentiellement sur l’agriculture familiale en Afrique. Elle représente 60 % de la population active et produit 80 % des besoins alimentaires du continent. Cette agriculture est cependant extrêmement peu productive et génère de 20 % à plus de 60 % de pertes selon les filières. De plus, la moyenne d’âge des agriculteurs familiaux se situe aujourd’hui entre 50 et 55 ans. L’Afrique risque donc de faire face à une crise alimentaire majeure d’ici dix ans si rien n’est fait dès aujourd’hui. Or, quel meilleur modèle pour que cette structuration se fasse au moindre coût et couvre le plus grand nombre d’agriculteurs familiaux que la mise en place d’un système dit « de plateforme » permettant à l’ensemble des acteurs de partager la même information pour bénéficier ensuite des biens et services adaptés à leur développement ?
Au-delà des communautés d’agriculteurs rassemblées via des applications, un modèle plus ambitieux, agroécologique, écoresponsable, inclusif et touchant l’ensemble des parties prenantes d’une même filière agricole est possible, notamment pour structurer les filières vivrières. Ce modèle permet de faire dialoguer l’ensemble de l’écosystème au travers de la mise en place d’une plateforme digitale. Cette démarche généralisée à une filière complète met les petits agriculteurs au cœur du dispositif. Il s’agit en effet de leur donner accès à la chaîne de valeur formelle du secteur qui les concerne et structurer ainsi l’ensemble de l’écosystème au travers de la mise en place d’une plateforme dont le financement est assuré entre autres par les volumes financiers qui y transitent et par la monétisation des données générées.
Les produits et services développés par des acteurs publics et privés partenaires de cette plateforme permettent ainsi d’améliorer la productivité, augmenter la rentabilité et donc de générer des revenus supplémentaires pour tous les acteurs de la chaîne, et plus particulièrement les petits agriculteurs. En effet, la productivité de l’agriculture en Afrique est particulièrement basse : dans les économies subsahariennes, elle est le secteur qui emploie le plus de personnes avec la productivité la plus faible, notamment en raison du manque de moyens, de formation, d’accompagnement dont peuvent bénéficier les petits agriculteurs qui représentent pourtant plus de 60 % de la population active.
Tirer profit du fort potentiel des cultures familiales et vivrières
Contrairement aux cultures fortement exportatrices, comme le cacao, l’huile de palme, etc., les cultures vivrières ou cultures familiales de subsistance en Afrique (riz, maïs, manioc, sorgho, souvent appelé mil en Afrique, igname, production maraîchère, etc.) relèvent encore largement du secteur informel. Or, bien que le manque de structuration de ces filières présente un défi considérable à la mise en place d’une économie de plateforme, il présente le plus fort potentiel de développement en raison d’un manque criard d’investissement et constitue ainsi la raison pour laquelle l’effet de levier est potentiellement le plus important avec l’impact le plus positif pour l’ensemble des parties prenantes.
La Rédaction (avec le Point Afrique et HMB)