L’attractivité du Cameroun selon son ministre de l’économie

[Africa Diligence] A la faveur de la conférence internationale « Investir au Cameroun, Terre d’attractivité » convoquée par le président Paul Biya, du 17 au 18 mai, le ministre camerounais de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, Louis Paul Motaze, souligne les enjeux de l’évènement dans une interview à bâtons rompus.

Pourquoi le chef de l’Etat a-t-il jugé nécessaire d’organiser une conférence sur l’investissement au Cameroun ? 

Ce qu’il faut comprendre, c’est que nous avons besoin d’attirer les investisseurs. Nous avons un ensemble de projets à besoin de financement qui peuvent, sinon, devraient les intéresser. La conférence qui s’annonce pourrait donc être qualifiée d’opération de charme pour promouvoir la destination Cameroun et vanter les avantages comparatifs que nous avons sur les autres pays de la sous-région. 

Notre économie, vous le savez bien, fait face à des chocs exogènes, dont la baisse des prix du pétrole sur le marché international et la guerre contre Boko Haram qui nécessite des moyens colossaux et qui créent un effet d’éviction sur l’utilisation de nos ressources financières. A cela devraient se greffer d’autres contingences liées à la mise en œuvre de l’APE avec l’Union Européenne à partir du 04 août 2016. Pour faire face à ces difficultés, le gouvernement et l’ensemble des acteurs au développement doivent mener des actions concertées et prendre des mesures appropriées pour atténuer les conséquences sur notre économie, d’où la pertinence de la tenue de cette conférence.

Je voudrais vous faire relever par ailleurs que la dynamique de l’économie camerounaise depuis 2010, année de début de mise en œuvre du DSCE est effective. Et elle est portée par les projets structurants de première génération qui ont été lancés, entre autres le port en eau profonde de Kribi, la centrale à gaz de Kribi, les barrages de Lom-Pangar et Mem’vele, etc., qui montrent bien le relèvement du niveau d’investissements publics et ses effets positifs sur les investissements privés. Ainsi la part au budget du Bip connait une progression passant de 30,7% en 2015 à 36% en 2016, soit un accroissement de 5,3 points. Toutefois, les performances sont encore en deçà des niveaux nécessaires pour réaliser le profil de la Vision 2035 et les performances des pays émergents. D’où les initiatives qui sont prises pour non seulement renforcer l’investissement public mais surtout actionner des leviers permettant le regain de l’investissement privé qui constitue plus de 80% de l’investissement total. Vous comprenez donc que l’organisation de cette conférence est une réelle opportunité de mobilisation plus accrue des investisseurs tant nationaux qu’internationaux.

En dehors de mettre en vitrine le potentiel et les atouts économiques reconnus du Cameroun, peut-on s’attendre à des retombées palpables pour le pays au lendemain de la conférence en vue ? 

Ecoutez, je crois que cette conférence va contribuer à une prise de conscience par les investisseurs des opportunités réelles que possède le Cameroun. Et cela devrait contribuer à améliorer le degré d’attractivité de notre économie et favoriser une augmentation substantielle des investissements, notamment les investissements directs étrangers en plus des PPP (Partenariats Public-Privé). Il est également attendu un effet d’entrainement favorable sur l’investissement privé local.

Peut-on s’attendre à une mise en œuvre à brève échéance des conclusions et recommandations de ces importantes assises dans l’optique d’une croissance plus robuste ?

Cela va de soi et personne ne comprendrait que les résolutions prises ne soient pas mises en œuvre. A notre niveau, au MINEPAT je veux dire, la décision a d’ores et déjà été prise de mettre sur pied un comité qui sera chargé du suivi de l’exécution des recommandations. Ce que je voudrais également relever, c’est que nous attendons surtout de trouver des investisseurs qui s’engagent dans les projets qui seront présentés. C’est cela l’objectif prioritairement visé. Qui rentre très justement en droite ligne des orientations stratégiques du Président de la République sur une croissance plus forte et davantage inclusive.

Il y a cette question liée aux nombreuses opportunités d’investissement parfois compromises à cause d’un climat des affaires jugé peu favorable. Qu’est-ce qui va changer ?

C’est certain, l’amélioration du climat des affaires reste l’une des priorités fortes du Gouvernement. Vous êtes témoins des réformes engagées sur les plans juridiques et institutionnels pour changer la donne. Beaucoup de mesures sont prises pour favoriser l’investissement, pour accompagner la création des entreprises et faciliter leur éclosion. Mais nous observons que certaines de ces mesures sont ignorées ou méconnues de ceux qui veulent entreprendre. Il y a un réel effort de communication à faire. La plateforme gouvernementale mise en place, le Cameroon Business Forum (CBF) permet d’ores et déjà cette communication et ces échanges, mais il faut aller plus loin pour permettre que l’arsenal de facilités mises en place soient connues.

Le thème des assises présente le Cameroun comme une ‘terre d’attractivités’. En quoi est-ce qu’il l’est ?  

Le Cameroun possède un fort potentiel de croissance encore faiblement exploité et surtout une position géographique qui l’ouvre sur un vaste marché de plus de 350 millions d’habitants, pour ne pas dire de consommateurs. Et, outre la stabilité du cadre macroéconomique, notre pays dispose de ressources naturelles abondantes et diversifiées, ainsi qu’une main d’œuvre qualifiée. Je salue le tour d’horizon que vous faites dans votre journal depuis quelques jours de cet important potentiel dans les domaines miniers, du pétrole, du gaz naturel, des ressources forestières et fauniques, etc. Sur ce dernier point, vous noterez que le Cameroun dispose du deuxième massif forestier d’Afrique avec plus 40% du territoire national couvert, soit 22,5 millions d’hectares, ainsi que le deuxième potentiel hydroélectrique d’Afrique. Aussi, la variété des zones écologiques favorise la pratique de plusieurs types de culture et d’élevage, avec environ 40 millions d’hectares des terres arables dont seulement 20 % sont actuellement exploitées. Nous avons 360 km de côtes maritimes et plusieurs barrages hydroélectriques favorables à la pêche.

Nous avons par ailleurs le privilège de disposer de l’économie la plus diversifiée de la sous-région, ce qui offre des opportunités d’affaires en termes d’exportations et d’importations. De même, compte tenu de l’importance de la production des produits primaires et semi-finis, les facilités offertes par le gouvernement pour une meilleure valorisation desdits produits constituent autant d’opportunité à saisir. Donc, le Cameroun, terre d’attractivités et surtout d’opportunités, c’est loin d’être un slogan, mais bien une réalité qui s’impose et dont nous travaillons à tirer le meilleur parti.

Quelle place est dévolue au secteur privé dans vos options de développement du pays ? 

Le Gouvernement souhaite que le secteur privé joue un rôle majeur, une place centrale. Il peut faire un certain nombre de choses mais il rencontre des entraves. Il est donc bon que nous nous parlions, c’est ça le partenariat Secteur Public – Secteur Privé. Parce que voyez-vous, les affaires ont besoin de lisibilité, même de visibilité à moyen et long terme. Quand quelqu’un vient rester dans un pays, c’est parce qu’il a fait un certain nombre de calculs. Il sait qu’il va investir, parce qu’il aura telles charges, tels avantages, etc.… Changer les choses en cours de route, c’est un peu déstabilisant. Je pense qu’il faut avoir ce dialogue beaucoup plus approfondi. L’option du Gouvernement c’est justement de mettre le privé en avant-scène et l’amener à jouer pleinement son rôle, lui ne devant être là que pour impulser et réguler l’activité.

Quid du problème des coûts jugés prohibitifs des facteurs de production ?

Le 31 mars et le 1er avril dernier, j’ai eu des échanges francs et je dirais fructueux avec le secteur privé à Douala et l’une des difficultés soulevées par les opérateurs économiques est effectivement le coût des facteurs de production qui s’avère être encore élevé et qui réduit par conséquent leurs marges bénéficiaires et surtout leur capacité d’autofinancement. Je tiens à souligner à effet que le gouvernement a entrepris des réformes qui facilitent l’acquisition du matériel de production, voire même plus. Et j’en veux pour preuve la loi n°2013/004 du 18 avril 2013 sur les incitations à l’investissement privé au Cameroun et la tenue régulière du Cameroun Business Forum depuis 2009. En outre, l’entrée en vigueur prochaine de l’Accord de Partenariat avec l’Union Européenne est une opportunité à saisir par les investisseurs locaux pour nouer des partenariats leur permettant d’acquérir à des prix abordables certains outils de production.

D’autres contraintes existent c’est vrai, principalement d’ordre structurel. Mais, les réponses y relatives sont progressivement amorcées par les pouvoirs publics notamment dans le cadre de la mise en œuvre des grands projets infrastructurels. Parmi ces autres contraintes, je peux relever celles d’ordre énergétique qui ont commencé à être résorbées avec la mise en service de la Centrale à gaz de Kribi et la mise en eau partielle du barrage de Lom Pangar. Et cette dynamique va se poursuivre avec les mises en service prochaines des barrages de Lom Pangar (mise en eau totale), de Mekin et de Memve’ele, qui vont nous permettre de porter les capacités de production d’énergie de 946 Mw en 2009 à 1644 Mw à fin 2017.

Sur le plan de la réduction des coûts d’approvisionnement et d’évacuation des produits, cela devrait davantage s’améliorer avec la mise en service prochaine du port en eau profonde de Kribi et les ouvertures des entrées Est et Ouest de Douala ainsi que la création/réhabilitation des axes routiers inscrits dans le Plan d’Urgence Triennal pour l’accélération de la croissance instruit par le Chef de l’Etat.

Je note enfin que des actions spécifiques sont entreprises et devraient se poursuivre pour accompagner les industries non seulement à davantage transformer les produits locaux, mais également à créer des marchés captifs. 

Quelle sera la place du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi DSCE et du Plan d’Urgence Triennal au cours de cet événement ?

Comme l’a réitéré le Président Paul BIYA dans son adresse à la Nation le 31 décembre 2015, « le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi » (DSCEà reste notre boussole. Le Plan d’Urgence en indique les priorités immédiates, sans interférer sur le programme économique normal du Gouvernement. »  Cela veut dire quoi ? Tout simplement qu’il serait inconvenant de parler économie au Cameroun aujourd’hui, sans se référer au DSCE. Donc, tous les projets qui seront présentés aux investisseurs lors de cette conférence, qu’ils soient inscrits dans le plan d’urgence ou non, émanent des secteurs porteurs de croissance économique qui sont consignés dans le DSCE.

La Rédaction (avec le LFCDE)