Le business à l’épreuve du développement durable

Les analystes de la Cooperative Asset Management viennent d’évaluer l’impact du développement durable sur 350 entreprises (de plus de cinquante pays) présentes au London Business Exchange. Nous confirmons ici quelques grandes tendances pour les 10 prochaines années.

Des facteurs externes au champ de l’investigation et/ou inattendus au moment de sa publication sont, bien entendu, susceptibles d’impacter certains aspects de l’analyse. Quelques domaines, à l’instar du tabac, restent relativement incertains, d’autant qu’un brusque regain de responsabilité sociale (ou morale) des investisseurs pourrait sérieusement plomber leur croissance. Les secteurs ci-dessous sont, en revanche, soumis à des tendances plus marquées dans et hors FTSE.

Les pétrolières vont peiner à repartir

Les entreprises d’extraction de combustible fossile continuent d’évoluer en dehors des perspectives de durabilité. Les coûts de production pétrolière poursuivent leur envolée et les demandes de financement y afférentes sont susceptible d’évincer d’autres secteurs, scenario qui, à terme, pourrait provoquer l’assèchement des capitaux devant irriguer l’extraction de l’or noir. Déjà, Shell doit emprunter pour payer son dividende et BP reste englué dans les conséquences de la marée noire causée par le naufrage du Deepwater Horizon le 20 avril 2010 dans le golfe du Mexique.

Bonjour les carburants de transition

Face à la grimace des pétrolières, quelques minerais dont le platine joueront un rôle significatif dans la résolution des défis environnementaux, ce qui fera les affaires des entreprises comme Lonmin et Anglo Platinum. Le gaz qui produit bien plus d’énergie que le charbon ou le pétrole pour une quantité donnée de CO2 devrait renforcer sa position de carburant de transition. Cette belle alternative en matière de diversification énergétique permettra, en plus, de reculer l’heure du pic pétrolier.

Les entreprises du secteur des ressources minérales, dont le business dépend en grande partie de paramètres environnementaux, géographiques, géologiques, technologiques, économiques et juridiques, tireront bénéfice de la demande des marchés émergents, bien que beaucoup opèrent dans les territoires peu favorables, voire franchement hostiles, où elles posent en sus de sérieux problèmes de pollution.

Pourvu que l’eau coule pour tous…

Les industriels de l’eau tels que Severn Trent (qui joue déjà un rôle social appréciable) continueront à être récompensés. Les analystes estiment, en effet, que l’industrie de l’eau pourrait conserver de belles perspectives de croissance à condition de maintenir l’approvisionnement aux segments de la population qui vivent dans une pauvreté relative. D’après l’Unicef, il reste  « près de 884 millions de personnes dépourvues d’accès à de l’eau potable et environ trois fois plus qui manquent de services d’assainissement de base » dans le monde. Les entreprises vertueuses auront de quoi faire.

Il fera bon vieillir chez les immobilières

Le britannique St Modwen Properties sera l’un des grands gagnants du nettoyage des terres polluées. Le vieillissement de la population continuera de doper les demandes de l’immobilier pour personnes âgées, mais l’incapacité des constructeurs à attirer une nouvelle génération d’ouvriers risque de créer une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Ce manque aura comme conséquence de tirer le coût de la main d’œuvre vers le haut.

Les entreprises comme SIG seront bien placées pour tirer profit de leurs produits d’isolation, lesquelles améliorent remarquablement l’efficacité environnement tout en soutenant les segments les moins fournis en carburant.

Bouche, loisirs et santé seront de la fête

Les food companies sont bien parties pour tirer leur épingle du jeu (hors viande et laiterie pour lesquelles la courbe des prix risque d’être rigide). Unilever par exemple restera bien placé en raison d’une exposition aux marchés émergents meilleure que ses concurrents. Les ventes de l’anglo-néerlandais ont progressé de 7,6% en Afrique et en Asie alors que l’Amérique latine enregistrait une croissance supérieure à 10% au premier trimestre 2010. Cette tendance devrait s’accentuer.

Coté santé, Smith & Nephew, GlaxoSmithKline et Synergy vont continuer à faire de très bons chiffres grâce au vieillissement de la population dans les marchés matures.

L’outsourcing devrait repartir à la hausse

Les résultats des enquêtes montrent qu’une plus grande conscience environnementale est susceptible de favoriser l’externalisation. Le rôle du groupe Serco – à titre d’exemple – qui travaille à la réduction des empreintes écologiques devrait s’accroître. Intertek Group pourra également surfer sur le souci croissant des consommateurs pour la sécurité et la qualité des approvisionnements. Cette tendance va renforcer la demande dans les secteurs des essais, de l’inspection, de la certification et de la traçabilité.

Les pénuries de mains-d’œuvre qualifiées, dues aux départs à la retraite des baby-boomers, seront une excellente nouvelle pour les géants du recrutement tels que Hays, SThree et Michael Page.

Des perspectives en W côté transports

Les perspectives pour les acteurs du voyage (et activités connexes) resteront variées. Les entreprises de transport en commun seront favorisées, autant en raison de leur faible empreinte environnementale que pour leur concours à la mobilité des segments les plus pauvres de la population.

En Europe, les transports aériens resteront figés face aux nouvelles exigences européennes en matière de pollution, avec leur cohorte d’effets induits sur les hôtels et les voyage d’affaires. Les opérateurs de croisière, pour leur part, devraient naviguer en toute sérénité : les croisières ont certes des coûts du combustible élevés et des incidences significatives sur l’environnement, mais elles font appel à une clientèle le plus souvent aisée et donc finalement plus rentable.

TIC et green consulting resteront rentables

L’économie de l’information gardera de belles perspectives de croissance si elle continue d’investir dans le sustainable. Tout en démocratisant l’accès à l’information, l’économie des TIC contribuera à une distribution plus égale des ressources. Cette belle tendance profitera notamment à des acteurs comme Cable & Wireless, BT et Vodafone. Coté consulting, les géants du conseil en environnement comme RPS Group et WS Atkins tireront leur épingle du jeu.

Les financières pourront miser sur la vieillesse

Les entreprises de services financiers seront affectées de manière négative par l’épuisement de ressources et les changements climatiques. Mais elles pourront toujours surfer sur le vieillissement de la population dans les pays riches. Saint James’s Place, par exemple, devrait logiquement tirer profit de ses services de conseil aux clients qui se dirigent vers la retraite, ce qui ne sera pas nécessairement le cas chez tous les assureurs.

Les tensions liées aux commodities profiteront aux entreprises de défense

Les industriels de la défense à l’instar de BAE Systems et Chemring Group pourront bénéficier des tensions générées par le durcissement de  la compétition autour des approvisionnements en ressources rares, concurrence qui augmentera les possibilités de conflits armés.

D’autres géants comme Hansen Transmission International (sur le marché des multiplicateurs de vitesse pour turbines éoliennes) ou Johnson Mattey (et son portefeuille technologique permettant de diminuer la pollution dans certaines industries) continueront à faire de bonnes affaires.

La perspective des coupures électriques dans certains pays devrait également constituer un avantage pour Chloride Group qui fournit des alimentations statiques sans interruption (ASI).

En conclusion, les analystes observent que le développement durable ne sera pas un levier de croissance pour tous. Et on n’attend pas des entreprises qu’elles se comportent comme des saints. En revanche, les plus sustainable des 350 premières du FTSE  – au cours des dix prochaines années –  sont celles qui réussiront à régler au mieux le conflit théorique qui oppose encore l’éthique au profit.

Cet article de Guy Gweth est paru dans Les Afriques le 31 août 2010.