Le business de Dieu en Afrique subsaharienne

[Africa Diligence] Compagnons de Salomon, Serviteurs de la Croix, Phalanges sacerdotales,  Faucons de Saint Michel, Arche de Marie, Ambassade du Christ, Les derniers Prophètes, Jésus sauve et guérit, Église du 7è jour, Ministère du Christ-Jésus… Le marché de Dieu est, juste avant les brasseries et la téléphonie mobile, le business le plus florissant et le plus protéiforme d’Afrique Noire. Avec plus de 2000 marques locales répertoriées à ce jour, l’industrie du  ciel-sur-terre se répand à la vitesse de la misère et  puise richesse et puissance dans la foi de millions de fidèles abonnés au denier du culte.

Donnez, et il vous sera donné

Mis ensemble, ces six mots sont plus qu’un slogan marketing. Presqu’un mantra. C’est tout le business model des mouvements religieux qui repose sur ce petit bout de phrase biblique. Le pauvre croyant africain est soucieux d’imiter cette vieille dame du nouveau testament qui jeta son unique pièce de monnaie dans le panier du Seigneur tandis que les autres y déposaient leur superflu. Jésus devait conclure plus tard qu’elle avait donné plus que tout le monde… Un détail de perception sur lequel surfent ceux qui ont eu l’intelligence de comprendre que Dieu est un puits de pétrole off shore dans le cœur des pauvres. En fait de pauvres, ce sont des millions de croyants impuissants à se demander pourquoi, malgré leurs prières et sacrifices, le bon Dieu s’obstine à les garder dans l’indigence, la dépendance et l’espérance[…] A quelques détails près, le tableau rappelle les débuts de la Camorra napolitaine si bien décrits par Jacques de Saint Victor in Mafia, l’industrie de le peur, ouvrage paru début 2008 aux éditions du Rocher.

A César ce qui est à César…

Si les affaires de Dieu sont aussi florissantes en Afrique subsaharienne, c’est au moins pour partie grâce à la bienveillance des pouvoirs publics. Le cœur de cible des mouvements religieux étant « les damnés de la vie« , les gouvernements en place sont apaisés de savoir cette poudrière à l’ombre des « ailes de Jéhovah. » Ces « brebis du Seigneur » deviennent ainsi incapables de révolte contre l’autorité, s’abstiennent parfois de voter ou de se soigner dans les hôpitaux de ville, conditionnés qu’ils sont par une sainte parole: «tout pouvoir vient de Dieu». La phase finale de leur contrôle psychique est l’obombrement par l’absolue «vanité des vanités, tout est vanité» de  l’Ecclésiaste qui transforme prématurément ces âmes de bonne foi en citoyens de l’au-delà. Paix sociale ! Car pendant que les représentants de Dieu entrent en politique, roulent en 4X4, assistent aux congrès et se soignent à l’étranger tous frais payés, le contribuable chrétien doit attendre de mourir pour pouvoir accéder à la plénitude éternelle. Et encore… « Si Dieu le veut« !

Et leur chiffre d’affaires…

A la vérité, parce que «les voies de Dieu sont insondables», il est extrêmement difficile de déterminer le chiffre exact des milliards $ générés par « l’opium du peuple » en zone Cemac. Mais notre enquête se poursuit pour  définir, fût-ce approximativement, le montant des devises éternelles dans cette partie du monde. Car plus qu’une multinationale à têtes chercheuses, c’est un véritable capitalisme spirituel qui se meut avec un don inné sur un terrain miné par la colonisation, la magie, la peur et la misère. En effet, politiciens, intellectuels, artistes, hommes d’affaires, femmes au foyer et jeunes au chômage… convoquent Dieu au quotidien devant  la moindre douleur, le moindre effort, la moindre incertitude. Or le ciel a ses impôts que le Syndicat de Dieu réclame inlassablement: « Donnez, et il vous sera… »

Guy Gweth, conseil en intelligence économique et stratégique