Les investisseurs ne boudent plus l’Afrique. Voici pourquoi !

[Africa Diligence] L’Afrique est la deuxième région la plus dynamique du monde, derrière les pays en développement d’Asie. La demande intérieure, soutenue par l’accroissement démographique et la montée en puissance des classes moyennes, s’établit comme moteur de la croissance alors que les cours des ressources naturelles sont soumis aux aléas des marchés mondiaux.

Les investisseurs ne boudent plus l’Afrique. Selon Morningstar, fournisseur d’informations sur les placements dans le monde, 13 des 29 États classés «pays frontières», c’est-à-dire des économies à faible revenu mais en constante progression, sont africains. Dans son dernier rapport sur l’Afrique subsaharienne, le Fonds monétaire international relève que la situation reste difficile même si plusieurs États enregistrent une croissance de 5% ou plus.

«Les fondamentaux ne sont pas extraordinaires, mais les investisseurs qui ont besoin de diversification sont demandeurs d’obligations en provenance du continent africain, renchérit Stéphane Mayor, gérant du fonds Edmond de Rothschild Fund Emerging Corporate Bonds. Il en résulte que les investisseurs peuvent être  peu rémunérés pour le risque encouru.» Et de faire remarquer: «Le Nigeria vient d’émettre des obligations sur trente ans. Avec succès.»

Nombreux sommets entre dirigeants

C’est dans cette situation marquée d’une part par la croissance et, d’autre part, par la vulnérabilité qui pousse des milliers de jeunes Africains à prendre le chemin de l’exil que les dirigeants africains et leurs homologues européens se retrouvent ces mercredi et jeudi au 5e Sommet Union africaine–Union européenne à Abidjan, capitale de la Côte d’Ivoire. En réalité, les chefs d’États africains n’en finissent pas de faire des sommets, tantôt avec les États-Unis, tantôt avec la Chine, l’Inde, le Brésil ou encore la Russie. Ils devaient encore rencontrer les dirigeants israéliens le mois dernier, mais ce rendez-vous a été reporté.

Métaux stratégiques

«Il y a d’abord un fait historique qui attise les convoitises: l’accès aux matières premières, explique Gilles Carbonnier, professeur à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève. Mais cette motivation s’est renforcée du fait que le sous-sol africain regorge aussi des métaux stratégiques qui entrent dans la fabrication des produits technologiques.» Les plus grandes réserves mondiales de coltan (pour les téléphones) ou de platine et de palladium (pour les moteurs automobiles) se trouvent en Afrique.

Ensuite, il y a un tout nouveau facteur qui rend le continent noir encore plus attrayant. «Celui-ci connaît la plus grande croissance démographique du monde, ce qui représente un marché potentiel ces prochaines années, poursuit Gilles Carbonnier. La population passera de 1,2 milliard en 2017 à 2,4 milliards en 2050. Une aubaine pour les fournisseurs de marchandises et de services.»

Optimisme

De nombreuses études montrent que le continent compte déjà une classe moyenne dont le revenu et le mode de consommation s’apparentent à ceux de l’Europe ou de l’Asie. «Il existe certes des différences culturelles, comme au Kenya, où les machines à laver le linge sont considérées comme moins efficaces que la lessive à la main, faisait ressortir une étude du Boston Consulting Group (BCG) publiée en 2015. C’est une information intéressante que les constructeurs peuvent utiliser pour attirer de nouveaux clients.» Cette étude, qui portait sur 11 000 consommateurs dans 11 pays (Algérie, Angola, Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo, Égypte, Éthiopie, Ghana, Kenya, Maroc, Nigeria et Afrique du Sud), mettait en lumière un optimisme chez ces derniers.

Selon BCG, la classe moyenne africaine se compose de personnes sorties de la pauvreté depuis peu et qui gagnent suffisamment d’argent pour être prises au sérieux par les entreprises. L’étude montre que le nombre de foyers dont le revenu dépasse 3000 dollars par an devrait augmenter de 20% entre 2015 et 2020, passant de 92,6 millions à 111,4 millions dans les 11 pays. Mais sur l’ensemble du continent, ils sont désormais 350 millions d’Africains à faire partie de la classe moyenne, selon une étude conjointe de la Banque africaine de développement et de l’OCDE, publiée en mai 2017.

Usines en Éthiopie

Le professeur Gilles Carbonnier explique que l’heure de l’Afrique est arrivée sur un autre plan également. Grâce au dividende démographique – baisse simultanée du taux de la mortalité et de la natalité et une population jeune –, le continent est plus compétitif en termes de coût et d’abondance de main-d’œuvre par rapport à l’Asie. «Cet avantage n’est pas théorique, dit-il. En Éthiopie – 100 millions d’habitants – des investisseurs asiatiques ouvrent des usines.»

Un effet domino en termes d’investissements dans les infrastructures (énergie, route, rail, ports, télécommunications) est inéluctable en Afrique. «On voit le progrès d’année en année, lié notamment à la présence d’entreprises chinoises, dit Gilles Carbonnier. Celles-ci ont négocié des contrats d’échange de matières premières contre l’aménagement des infrastructures. Ces contrats n’ont pas toujours été à l’avantage de l’Afrique mais, globalement, le continent est mieux doté en infrastructures aujourd’hui qu’il y a vingt ans.»

La Rédaction (avec Ram Etwareea)