Les mines sud-africaines inquiètent les milieux d’affaires

Après la fusillade de la semaine dernière, certains hommes d’affaires sud-africains et les analystes d’Africa Diligence expriment leur inquiétude quant à l’image du pays sur les investisseurs potentiels. Une préoccupation de plus pour les producteurs de platine.

La semaine dernière, à quelques centaines de mètres du lieu de la fusillade qui a fait 34 morts et 78 blessés à la mine de Marikana, des centaines de femmes reprenaient les chants révolutionnaires de l’époque de la lutte de l’apartheid. Les images de la fusillade de la police – qui plaide la légitime défense -sur l’un des plus riches gisements de platine au monde, situé près de Rustenburg, dans la province du nord-ouest de l’Afrique du Sud, ont fait le tour du monde. Pour le grand quotidien national « The Times », ces images «  semblaient appartenir à une Afrique du Sud du passé, lorsque les confrontations entre la police et les civils étaient monnaie courante […]. Mais ces images n’étaient pas des images de l’apartheid. »

Sont-elles de nature à faire fuir les investisseurs ? Une certaine inquiétude est palpable dans les milieux d’affaires, qui redoutent un impact auprès des investisseurs alors que les investissements étrangers étaient jusqu’ici en hausse (4,5 milliards de dollars en 2011 contre 1,2 milliard en 2010). « Le message que cela envoie est bien évidemment négatif, déclarait la semaine dernière le PDG du groupe Pan African Investments, Iraj Abedian. Tout cela est de mauvais augure en cette période économique et financière très difficile dans le monde. » Chez Inkuzi Investments, autre investisseur sud-africain, on jugeait aussi cette affaire « très mauvaise pour l’image de l’Afrique du Sud ».

Or, même si elle est la première économie du continent, l’Afrique du Sud a besoin d’investissements pour l’aider à combattre le chômage et la pauvreté, d’autant que sa croissance devrait ralentir légèrement en 2012, à 2,8 % (contre 3,1 % en 2011). Pour expliquer cette situation, la Banque africaine de développement évoque « la faiblesse persistante de l’économie mondiale et des handicaps structurels internes ». Pour Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’IFRI, l’économie sud-africaine n’est « pas victime » de son environnement extérieur, mais de « l’héritage du passé ». « Le pays n’a pas assez de main-d’œuvre compétente car le rattrapage de l’éducation se fait lentement, et le marché est par ailleurs assez petit », ajoute-t-il. Il évoque notamment le manque de formation, de compétences et le coût du travail orienté à la hausse dans le secteur minier. Dans le secteur de la production de platine – avec 75 % de la production mondiale, l’Afrique du Sud est le premier producteur de ce métal très utilisé par l’industrie automobile -, la hausse des coûts de l’extraction inquiète. Tout comme les propositions de nationalisation qui émanent de l’extrême gauche de l’ANC, le parti au pouvoir. S’ajoute à cela un environnement mondial difficile qui pourrait, selon certains analystes, « refroidir les investisseurs potentiels dans le secteur minier ». Le drame de Marikana ne fait donc qu’ajouter à l’inquiétude ambiante.

« Plus que les images de la fusillade, qui illustrent une fragilité gouvernementale que les investisseurs rencontrent partout, ce qui sera déterminant pour eux, c’est la façon dont les réformes attendues se feront, conclut un fin connaisseur de l’Afrique. Or le président sud-africain, Jacob Zuma, a décrété une semaine de deuil national et ouvert une commission d’enquête. C’est le meilleur moyen de noyer le poisson… »

Marie-Christine CORBIER