Les pays africains se mettent aux fonds souverains

(Africa Diligence) Les pays africains riches en ressources s’occupent à créer des fonds souverains. Mais pour les critiques, il est fort probable que ces fonds ne servent pas les intérêts à long terme des pays pauvres qui se doivent encore d’investir dans les besoins essentiels, notamment l’éducation et les infrastructures routières.

Trois gros producteurs de pétrole, à savoir l’Angola, le Ghana et le Nigéria, ont instauré des fonds souverains au cours des deux dernières années. Avant eux, seuls le Botswana, le Gabon et la Guinée Équatoriale avaient jusqu’ici établis de tels programmes. D’autres pays leur emboîtent le pas à l’instar de la Zambie et du Liberia qui ont annoncé la création des fonds le mois passé, sans oublier la Tanzanie, le Kenya, l’Ouganda, la Mauritanie, le Mozambique et le Zimbabwe qui ont déclaré les mêmes intentions.

Razia Khan, chef de la cellule de recherche sur l’Afrique de la Standard Chartered Bank a déclaré à cet effet que « l’Afrique a besoin d’épargne considérable. Si cette épargne est réalisée de manière adéquate, les fonds souverains et l’accumulation des épargnes à long terme traduiront essentiellement l’amélioration de la solvabilité de ces États, ainsi que l’accès aux plus grandes sources de financement à des conditions favorables. Et cela n’exclut en aucun cas les investissements dans les infrastructures. »

Selon les analystes, ces fonds peuvent servir à des fins utiles. Les critiques en revanche pensent que l’Afrique pourrait tirer meilleur profit de ses ressources en investissant dans l’éducation, l’énergie et le transport afin d’approvisionner d’autres industries, plutôt que de garder de l’argent sous forme d’actifs liquides à faible rendement dans des paradis fiscaux, comme c’est généralement le cas des fonds souverains.

De nombreux fonds souverains à succès appartiennent aux pays ayant des excédents budgétaires et des citoyens fortunés dotés d’un certain pouvoir économique, ce qui n’est pas le cas de plusieurs gouvernements d’Afrique subsaharienne. En effet, Kwame Owino, Directeur Général de l’Institut des affaires économiques de Nairobi estime que ces gouvernements ont d’autres préoccupations à savoir subvenir aux besoins alimentaires ou assurer l’éducation de leurs populations.

« Dans plusieurs de ces pays, la transparence pose également un problème majeur et le montant des fuites observées dans les fonds publics donne matière à s’inquiéter, » a-t-il ajouté.

Le Liberia quant à lui examine divers modèles de fonds souverains, y compris celui de la Norvège qui est le fonds souverain le plus transparent du monde d’après le ministre des Finances Amara Konneh. L’État veut par ailleurs éviter le « syndrome hollandais », où la dépendance à l’extraction des ressources entraine la mort des autres industries.

LES FONDS OPAQUES

Le fonds Pula du Botswana, estimé à 6,9 milliards de dollars, était le fonds le plus transparent du continent sur l’indice Linaburg-Maduell, avec une moyenne de 6 sur 10. Le Nigeria en revanche avait une moyenne de 4 au troisième trimestre de 2013 avec 1 milliard de dollars dans les caisses. En février, il a alimenté le fonds avec un montant de 550 millions de dollars.

« Nous avons un véritable problème de gouvernance, » a relevé Aly-Khan Satchu, analyste indépendant basé en Nairobi. « Ma préoccupation est que dans la plupart de ces pays où on observe une vraie manne quant aux produits de base, il y a également été démontré que la gouvernance laisse très peu à désirer par rapport aux autres pays africains. » Satchu a d’ailleurs cité le Nigéria et l’Angola comme deux exemples concrets.

Le fonds du Nigeria a été créé en 2011 pour trois grandes raisons. Premièrement pour les infrastructures, deuxièmement pour servir de compte d’épargne collectif et troisièmement pour servir de fonds de stabilisation. Tout ceci dans le but de faire face aux variations des prix des produits de base. Toutefois, 15% du fonds restants demeurent non affectés.

Ainsi, contrairement aux fonds souverains de l’Asie et du Moyen Orient créés pour réduire les coûts et éviter l’inflation, les fonds africains sont relativement faibles et ne seraient donc pas en mesure d’avoir un impact semblable sur la masse monétaire.

Roseline Ngo Boula