Les pépites et les pipeaux des conseils en intelligence économique

Au premier trimestre 2010, un fonctionnaire d’une ambassade du Burundi en Europe nous sollicite pour jeter un coup d’œil sur une opération en cours de finalisation. Dans quelques jours, un homme visiblement introduit par un ami franchira les portes de la Présidence de la République à Bujumbura avec une offre de services en intelligence économique (IE). Cédant à cette petite voix intérieure qui vous titille lorsqu’un dossier ne semble pas net à 100%, le diplomate mobilise notre expertise: «… Merci de nous situer ce personnage dans votre confrérie.» Toujours à l’aide de faits concrets – non couverts par le secret professionnel – je tente dans ce 4ème des cinq articles consacrés à vos questions, de lever un pan du voile sur quelques pépites et pipeaux du conseil en IE.

Bien malin qui prétendrait connaître tous les consultants en intelligence économique du monde. Pour l’Afrique centrale et de l’ouest, heureusement, Knowdys dispose d’un Whois des professionnels reconnus. Dans le cas du « consultant en IE » convoqué en introduction, il a fallu moins de 50 minutes pour interroger nos banques de données, détecter une anomalie, la faire vérifier par trois sources, tirer les conclusions et préparer une note de 180 signes à l’intention du client. Le personnage « criblé » dans cette  note avait de réelles qualités. Mais, sans doute fabriquée à la six-quatre-deux, sa « légende » avait l’épaisseur et la résistance d’une feuille de papier carbone. Qu’il trouve ici nos excuses personnelles, nous agissions à la demande d’un client prudent.

Comment reconnaître un vrai consultant en IE ?

C’est grâce à un cabinet de conseils en management basé à Lomé et sollicitant mon expertise personnelle que j’ai testé le concept d’appels d’offres fermés (c.-à-d. qui ne s’adressent qu’à certains acteurs sélectionnés à l’avance) pour le recrutement de consultants en innovation et IE. C’est donc dans ce contexte que je réponds à cette question qui vient du Togo. Si je mets de côté les détails scolaires sur la définition de l’IE et consorts, je dirai que le premier moyen de reconnaitre ce que vous appelez un « vrai consultant en IE » c’est de s’adresser à deux ou trois autres professionnels de l’IE. Si cela vous semble difficile, garez-vous sur « Google Avenue ». Je connais d’excellents consultants en IE qui n’aiment pas ou n’apparaissent pas sur ce moteur, mais ce sont de belles exceptions, âgées de 70 ans et plus. Une fois sur Google, gardez-vous des vendeurs du trottoir ! On s’est tous fait avoir un jour en achetant au premier marchand venu, pour découvrir en faisant le tour du marché qu’il y avait mieux. Pourquoi referiez-vous la même erreur pour votre entreprise? Creuser pour éviter les pipeaux. Allez au moins jusqu’à la cinquième page des résultats pour réussir votre premier tri.

Un consultant qui publie est-il nécessairement bon ?

Bonne question ! Elle est si bonne que je suis tenté de dire comme les as de la formule que « la réponse est dans la question. » Hélas, on n’est pas à la télé ! Plus sérieusement, savoir-faire et savoir-dire sont deux couverts distincts qui peuvent se retrouver ou pas chez le même professionnel. Pourtant, il est coulé dans le marbre du conseil que les publications, les conférences, et les interviews sont des signes extérieurs d’expertise et de vitalité chez un bon consultant en IE ou autre. A l’ère du Net, les consultants modernes (tous domaines confondus) ont un site ou un blog. Si celui que vous recherchez n’en a pas, entrez un critère voisin. On aimerait tous goûter avant d’acheter une première fois. S’il en possède un et qu’il n’y fait que reprendre d’autres auteurs, sans jamais présenter ses propres productions, ne demandez pas la monnaie. L’expérience montre cependant que, quelles que soient les précautions prises – et Dieu sait qu’il faut en prendre ! -, ce n’est jamais qu’au pied du mur que vous reconnaitrez le bon maçon.

Peut-on pratiquer l’IE en Afrique comme en Occident ?

A cette question, je réponds invariablement NON ! Et quand j’analyse certains programmes de formation vendus en Afrique par des prestataires étrangers, j’ai envie de crier comme l’Abbé Pierre : « Mon Dieu… pourquoi ?» Pour bien comprendre, laissons la théorie au sec et plongeons dans les eaux de la réalité : sur un échantillon de 240 entreprises (de plus de 50 salariés) prélevé il y a moins d’un an dans les six pays de la CEMAC, nous avons observé qu’une entité sur 30 avait une page Web. Je vous fais grâce des banques de données (BD) qui, lorsqu’elles existent, ont un niveau de fiabilité inférieur à 3.5/5 d’après les dernières estimations de Knowdys sur la zone CEMAC. Cette note moyenne chute et stagne à 2/5 pour les mises à jour mensuelles de BD. De plus, obtenir, vérifier, déchiffrer le contenu des rapports d’activités de certaines entreprises locales mobilisent une expertise qui se développe dans le temps, en humant l’odeur des cibles. Cette petite liste des spécificités africaines est purement indicative. Et pourtant, la principale différence avec le contexte occidental est cachée là. Comme la pépite d’or de Welcome Stranger. Le renseignement humain est la clé de l’intelligence économique en Afrique. En plus d’être extrêmement rigoureux et méthodique, le privé doit bien connaître les sources et les cultures locales, ainsi que les modalités d’exercice de la plus petite parcelle de pouvoir pour accéder légalement et rapidement à l’information recherchée. En somme, si vous deviez ressusciter le lieutenant Colombo et le reconvertir à l’IE pour une mission urgente en Afrique, il vous recommanderait tout de même un spécialiste africain.

Car « l’intelligence, l’imagination et la connaissance sont des ressources essentielles, mais seule l’efficacité peut les transformer en résultats. » Peter F. Drucker, The Effective Executive, 1993.

Guy Gweth