Les voitures d’Obiang vendues par la justice française

(Africa Diligence) Ce lundi 8 juillet 2013, la justice française vend les voitures saisies en septembre 2011 lors d’une perquisition d’un hôtel particulier appartenant à Téodorin Obiang, le fils du président de la Guinée équatoriale.

Les clients qui arpentent les allées des Quatre Temps, le grand magasin de la Défense, ne se doutent pas que quelques mètres sous leurs pieds est entreposée l’une des plus belles collections de voitures de France. Celle de Téodorin Obiang, le fils du président de la Guinée équatoriale, que la justice s’apprête à vendre aux enchères ce lundi 8 juillet matin, chez Drouot, dans le cadre de l’affaire des « biens mal acquis » africains.

Pour admirer les bolides, il faut descendre au deuxième sous-sol du parking Boieldieu et pénétrer, grâce à un badge électronique, dans la zone bleue, qui sert de fourrière à la préfecture de police de Paris. Y sont stockés des dizaines de véhicules saisies par la justice. Des vieilles voitures en piteux état, des grosses berlines neuves, des buggys et même un taxi. La collection Obiang a droit à un emplacement à part. Y figurent notamment une Mercedes Maybach 62, mise à prix à seulement 40.000 euros (son toit en verre dissimulant des panneaux solaires est endommagé), deux Bentley, une Rolls Royce Phantom, une Porsche Carrera GT et une Ferrari 599 GTO.

La voiture de série « la plus rapide du monde »

Mais l’écurie recèle surtout trois joyaux: tout d’abord, une Maserati MC12 blanc nacré avec des touches de bleu, mise à prix à 400.000 euros. Lancée en 2005 au prix commercial de 750.000 euros, cette voiture de course (630 chevaux) n’a été produite qu’à 50 exemplaires dont seulement deux se trouvent en France. Ensuite, une Bugatti Veyron bleue, mise à prix à 450.000 euros alors que son prix commercial est d’1,2 million d’euros. Produite à 300 exemplaires, c’était la voiture de série la plus rapide du monde, jusqu’à ce que son record ne soit finalement plus homologué en avril dernier, avec ses 1001 chevaux sous le capot, qui permettent de dépasser les 400 km/h. Obiang, éternel insatisfait, s’est aussi offert, en 2010, la version cabriolet grand sport même s’il ne l’a pas beaucoup utilisée: son compteur n’affiche que 1289 kilomètres! Vendue dans le commerce la bagatelle d’1,7 million d’euros, la Veyron Grand Sport, produite à 150 exemplaires, se négocie d’occasion entre 0,9 et 1,2 millions et a été mise à prix, ici, à 600.000 euros.

Les voitures ont été saisies en septembre 2011 lors d’une perquisition spectaculaire, menée par les juges Roger Le Loire et René Grouman, dans les parkings du 42 avenue Foch. Un hôtel particulier de 101 pièces et plus de 5000 mètres carrés appartenant au fils Obiang, ministre de l’agriculture de la Guinée équatoriale. Ses achats automobiles avaient déjà été épinglés par un rapport de la direction générale des Douanes, révélant qu’il avait envoyé 26 voitures dans son pays natal, en 2009. Depuis juillet 2012, Téodorin est sous le coup d’un mandat d’arrêt international suite à la plainte de l’ONG Transparency International pour recel de détournement de fonds publics à l’encontre des clans Bongo (Gabon), Sassou Nguesso (Congo) et Obiang.

Plus de 38.000 biens saisis en 2012

« La vente est relativement exceptionnelle car ce ne sont pas des voitures vintage ou de collection mais des véhicules récents qui peuvent rouler », explique Damien Libert, le commissaire-priseur judiciaire chargé de la vente par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués aux criminels. L’Agrasc a vu le jour en juillet 2010 et emploie désormais 18 salariés. Selon son rapport annuel, publié le 3 juillet, elle a saisi plus de 38.000 biens en 2012 pour un montant total de 773 millions d’euros, soit une quasi-multiplication par quatre par rapport à 2011. Le stock de l’Agrasc s’élève désormais à 980 millions d’euros, composé notamment à 41% d’immobilier, à 29% de comptes bancaires, à 11% d’assurances vie ou encore à 0,12% de véhicules.

Comme dans le cas des biens mal acquis, l’Agrasc procède parfois à la vente des biens avant que le jugement ne soit prononcé. En 2012, 1330 biens mobiliers ont ainsi été cédés avant jugement pour un montant d’1,7 million d’euros dont un semi-remorque à 60.000 euros ou une Porsche Panamera à 50.000 euros. Les criminels présumés contribuent ainsi à la réduction du déficit public: les recettes dégagées (environ 4 millions en 2012) sont reversées au budget de l’Etat, notamment à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

(Avec David Bensoussan)