Mali : un pays propice à l’investissement

[Africa Diligence] Finis les temps de guerre et de pauvreté, place maintenant à la stabilité et à la prospérité.  L’économie malienne semble bien repartie et les autorités maliennes font le maximum pour attirer les investisseurs étrangers.

Du chef d’entreprise au ministre de l’Économie, tous l’affirment : l’économie malienne entre en post-crise. Le pays sortirait ainsi de cette période de transition aléatoire qui avait suivi la crise institutionnelle et sécuritaire de 2012. Alors, « Faire le pari du Mali », credo, voire mantra, des différents acteurs de l’économie malienne ou réalité ? État des lieux d’une économie qui se veut résiliente.

Quatre secteurs prioritaires

Dans ses locaux immaculés où l’air conditionné lutte efficacement contre la chaleur pesante de Bamako, Moussa Ismaila Touré est confiant. Celui qui préside aux destinées de l’Agence de la promotion des investissements au Mali (API) lance des chiffres, indicateurs objectifs d’un regain, sinon d’une bonne santé, de l’économie malienne : « Il y a eu une augmentation de l’investissement privé de 40 % entre 2015 et 2017 », note-t-il, satisfait.

Des chiffres que confirme la Banque mondiale, qui note qu’« à moyen terme les perspectives économiques restent positives avec des taux de croissance du PIB réel projetés à 5 % pour 2018 et à 4,9 % pour 2019 ».

Ces bons chiffres, l’API compte bien les accompagner, voire les stimuler. Cette agence publique a en effet pour mission de promouvoir le Mali « comme destination propice à l’investissement » et de « parler autrement du pays ». Autre mission, assister les investisseurs en développant des outils qui les aident dans leur parcours. L’API gère aussi le Code des investissements tout comme les agréments et autorisations nécessaires pour investir dans le pays.

Quatre secteurs de priorités économiques ont été définis par l’agence, ces secteurs présentant, selon elle, le plus d’opportunités pour le pays. L’agriculture, d’abord, secteur primordial dans un pays qui voit croître sa population de 3,6 % par an. La question est ainsi de nourrir une population qui double tous les 15 à 17 ans. L’élevage est le second secteur qui concentre les priorités de l’État et est donc traité de façon indépendante par rapport à l’agriculture. Le Mali a l’avantage certain de disposer du premier élevage de l’Afrique de l’Ouest, caprins et ovins surtout. Premier signe de cette attention à ce secteur spécifique, l’ouverture dans la ville de Kayes du premier abattoir moderne d’Europe de l’Ouest.

Autre secteur jugé prioritaire par l’API, l’énergie. Le Mali souffre d’un déficit chronique de 300 à 400 mégawatts par an. Le taux d’électrification du pays est par ailleurs de 40 %. Ces « gaps » sont tant bien que mal compensés par l’initiative privée, mais la croissance du secteur est inhibée par la capacité à investir. Pour le moment, la production se décompose entre 60 % HFO (fuel, gasoil) et 40 % de renouvelable (hydro-électrique). Mais l’énergie solaire a le vent en poupe, deux gros projets d’énergie ont ainsi été lancés dans les villes de Ségou et Kenié. Ces projets se font d’ailleurs en financement privé et public, montage juridique et financier qui sembla avoir le vent en poupe au Mali.

Le secteur des infrastructures est enfin le quatrième secteur défini comme prioritaire par l’API. « Il est le secteur indispensable aux autres », note Moussa Ismaila Touré. Divers projets ont d’ores et déjà été définis, avec un appel d’offres lancé à l’international, dont la construction d’un quatrième pont pour désengorger Bamako ; sur le même modèle, le projet d’aménagement des rives du fleuve à Bamako est à l’étude.

Le Mali semble vouloir décoller économiquement. Si sa situation de pays enclavé, Hinterland sans accès côtier, a pu l’entraver, le pays compte bien s’inscrire dans la dynamique de la sous-région. « Le Mali se vit non pas en concurrence avec ses dynamiques voisins mais plutôt en synergie économique. Beaucoup de matières premières sont produites au Mali, mais transformées ailleurs, en Guinée ou en Côte d’Ivoire. Cela signifie qu’il y a possibilité de développement d’une agro-industrie forte », note Moussa Ismaila Touré.

La Banque mondiale ne s’y est pas trompée et affirme par la voix de son représentant local à Bamako, Alexandre Laure : « La Banque mondiale considère le Mali comme une plateforme dans la région du Sahel. 35 % des jeunes Maliens y sont au chômage. La tentation est évidemment la délinquance ou les groupes armés. La solution est de développer le tissu micro-économique via de jeunes entrepreneurs. » Impact Hub, pépinière de petites entreprises située au cœur de Bamako, a été lancée justement dans cette optique : donner aux jeunes les clés nécessaires pour l’entrepreneuriat de base. L’organisme, en partie financé par la Banque mondiale, permet aussi aux jeunes entrepreneurs de participer à des concours internationaux et de rencontrer alors autant de financeurs. Boubou Sangho, 25 ans, est de ces jeunes pousses, à travers son entreprise BoubouLait. Boubou, sourire juvénile et sérieux de gestionnaire, est d’une famille peule d’éleveurs. Originaire de la région centre, chaque jour, il observait, atterré, le lait versé dans le fleuve faute de pouvoir le consommer intégralement ou simplement le conserver. Son idée fut simple : récupérer cette surproduction pour la transformer en formages et yaourts. Après une étude de marché et six mois de formation en entrepreneuriat, il s’est lancé et livre ainsi chaque jour 120 litres de lait à une unité de conservation et de transformation.

Assainir le climat des affaires

En décembre 2017 s’était tenu à Bamako le premier forum économique, Invest in Mali. 1 000 participants de 30 pays avaient fait le déplacement et 34 milliards de francs CFA d’annonces en investissements en étaient sortis.

Pour les investisseurs étrangers, la question de la sécurité est évidemment importante. Mais c’est surtout la question de la sécurité juridique qui les préoccupe. Surtout des inquiétudes tenaces concernant l’exécution des décisions judiciaires, exécution entravée notamment par la corruption. À cette inquiétude le droit malien a répondu par la possibilité de saisir une juridiction étrangère en cas de litige commercial. « Avec le premier groupe de cimenterie mondiale, nous avons signé un contrat qui stipule le recours à une cour d’arbitrage internationale si difficulté rencontrée », précise ainsi le directeur de l’API, Moussa Ismaila Touré.

Autre atout, l’appartenance du Mali à l’organisation OHADA, Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, qui regroupe 16 pays au total. Ces pays membres partagent la même organisation sociale et juridique. Le droit malien permet ainsi de faire appel à l’arbitrage commercial de l’OHADA ou même de faire appel à une cour d’arbitrage internationale, pour les investisseurs étrangers qui n’auraient pas confiance en la justice malienne.

Mais l’instrument le plus innovant mis en place par le Mali est la loi partenariat privé-public, dite Loi PPP et votée en 2016. Même si cette loi rencontre des difficultés de mise en œuvre pratique, elle demeure un argument mis en avant par les autorités maliennes pour promouvoir auprès des bailleurs étrangers l’attractivité du droit et de la fiscalité du pays. La tendance pour les investisseurs étrangers est en effet à la joint-venture, qui leur permet d’amoindrir les risques par l’association avec un partenaire malien.

Maître Sidibé Diarra est avocate d’affaires entre le barreau de Paris et celui de Bamako. Ses clients ? Des entreprises minières ou qui œuvrent dans l’énergie. Pour elle, « le partenariat privé-public offre la possibilité de suppléer à la défaillance ou à l’absence de services publics : santé, éducation, infrastructures… ». Il existe au Mali « une culture économique publique très forte. Mais l’État choisit aussi les économies d’économie mixte qui fonctionnent comme des sociétés privées. Le seul secteur où l’État reste à la manœuvre reste le secteur très stratégique de l’énergie. Une seule entreprise dont l’État est le seul actionnaire achète les productions des entreprises privées qui travaillent dans ce secteur. L’État a aussi gardé une participation à la Compagnie malienne de développement du coton, car le Mali reste le premier producteur africain de coton ».

La juriste constate aussi les efforts faits pour la création d’un guichet unique administratif, qui permet à tout investisseur de ne pas se perdre dans le dédale des autorisations à obtenir pour lancer son activité. De même, la juriste note que « le Code des investissements est aussi très attractif puisque les étrangers ont les mêmes droits que les nationaux. Un étranger peut détenir à 100 % une entreprise au Mali, sans passer par une association avec un local. Il a aussi accès à la propriété foncière ». Ce Code des investissements est ainsi présenté comme très incitatif : il exonère les importations d’équipements de toute taxe douanière. Pendant la période de l’investissement, il est exonéré de toute TVA et de toute taxe. Puis, quand le projet devient opérationnel, l’investisseur continue d’être accompagné à proportion des investissements qu’il a faits.

Autre chantier auquel s’est attelé l’État, celui de la bancarisation et du passage du secteur informel vers le secteur formel. Le Mali est traditionnellement un pays de commerçants, lesquels gardent beaucoup de liquidités pour se financer. « Le but est de pousser ces investisseurs privés potentiels à les injecter dans des secteurs porteurs », note Moussa Ismaila Touré.

Autre frein, l’accès au financement. Les banques peinent à prêter de l’argent, notamment dans l’agriculture. Les taux d’intérêt restent aussi élevés, à 7 % au mieux, 10 à 15 % pour les taux courants. Les emprunts, s’ils se font, sont à court terme. « De plus en plus d’acteurs économiques maliens ont accès à des financements autres que le recours aux fonds propres ou liquidités pour se développer ou créer. Des fonds d’investissement sont de plus en plus présents, qui financent TPE et PME, ce qui correspond au tissu économique du Mali. La Banque mondiale, si elle souhaite aider à l’investissement au Mali, recherche des projets d’ampleur à 5 millions de dollars minimum », ajoute le directeur de l’API.

La Rédaction (avec Hassina Mechaï)

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