Menace sur la compétitivité des mines sud-africaines

Si la nationalisation des mines semble écartée par l’ANC, le parti au pouvoir n’a pas renoncé à taxer plus lourdement et surtout à intervenir massivement dans l’industrie minière. Or le retour au dirigisme et une taxation excessive pourraient massacrer la compétitivité des acteurs du secteur.

Pour obtenir le soutien des syndicats et des organisations de jeunesse de l’ANC dans sa recherche d’un deuxième mandat, le président sud-africain  Jacob Zuma  doit trouver le moyen de réduire la pauvreté. Plutôt que de nationaliser les mines – un désastre économique – une commission appointée par le parti recommande de taxer à hauteur de 50% les profits des compagnies minières dont les bénéfices sont supérieurs à 15%. L’extraction d’or, de platinoïdes, de chrome de manganèse, de minerai de fer, de charbon… a représenté 38% des exportations sud-africaines en 2011. Toutefois, la production minière du pays avait reculé sur un an de 16,8% au premier trimestre sous l’effet conjugué de mouvements sociaux et de fermetures de mines, provoquées par la chute de la demande et des cours.

Réunis fin juin 2012, les 3 500 délégués de l’African National Congress (ANC), le parti au pouvoir depuis 1994, ont tenté d’explorer une nouvelle voie pour sortir la majorité des habitants du pays de la pauvreté. Ils se sont particulièrement attelé à répondre à deux questions fondamentales sur la nationalisation des mines et sur l’expropriation des grands propriétaires agricoles blancs. Un rapport sur le rôle de l’Etat dans l’industrie minière « State Intervention in The Mineral Sector » a été discuté.

Selon ce rapport, le seul avantage compétitif de l’Afrique du Sud réside dans la richesse de son sous-sol, recelant d’importants gisements. Il préconise le développement de ces ressources minières et leur vente à des industries locales et à un prix inférieur aux prix des marchés afin d’encourager les industries utilisatrices. Le rapport recommande également de taxer les profits des compagnies minières au-dessus d’un certain niveau. Deux tiers de l’argent ainsi récolté seraient utilisés pour développer un système de régulation et de développement de l’industrie extractive. Le troisième tiers devrait alimenter un fonds souverain destiné à protéger l’industrie lorsque le rand est surévalué et à compenser le manque de revenus lorsque les prix des minerais sont bas.

Problème, le rapport ne tient pas compte du probable épuisement du « supercycle » qui pendant près d’une décennie a poussé les prix des matières premières, des métaux en particulier, à la hausse, explique Gavin Keeton, un chercheur de Rhodes University. De plus, l’avantage compétitif de l’Afrique du Sud a été érodé par la forte hausse de ses coûts de production. Outre une augmentation importante des salaires, l’industrie minière a subi les conséquences des pénuries d’électricité et de l’envol des tarifs qui ont suivi. Avec des minerais toujours plus difficiles à extraire, les coûts de production de l’or et du platine ont triplé lors de la dernière décennie, progressant deux fois plus vite que l’indice des prix du pays.

Anglo American, la plus importante société minière présente en Afrique du Sud, a salué le refus d’une nationalisation généralisée de l’industrie minière prôné par le rapport. « Bien que l’industrie minière ne puisse être considérée comme la panacée aux défis du développement de l’Afrique du Sud, Anglo estime – comme le rapport – que l’Afrique du Sud devrait tirer plus d’avantages de ses ressources naturelles ». Rappelant que « la route de la ruine est pavée de bonnes intentions », la directrice générale d’Anglo, Cynthia Carroll, a réaffirmé que l’industrie minière avait besoin de stabilité et de prédictibilité. Il est donc plus bénéfique d’implémenter des lois existantes que d’en inventer de nouvelles, a-t-elle martelé. Plutôt que de décider quelles industries doivent être soutenues, l’Etat devrait aider une industrie minière déjà au niveau des meilleures. Citant la technologie des piles à combustible, liée à l’utilisation du platine, Carroll souligne qu’il faut permettre aux industriels de se concentrer sur les secteurs où ils bénéficient d’un avantage concurrentiel réel. Elle affirme que séparer minerai pour le marché intérieur et pour l’exportation est « une fausse dichotomie ». Taxer les exportations affaiblira l’industrie minière sans contribuer à un développement global de l’économie, conclut la patronne d’Anglo.

(Avec Daniel KRAJKA)