Mohammed VI en tournée de rattrapage au sud du Sahara

[Africa Diligence] Le roi du Maroc, Sa majesté Mohammed VI, a entamé sa 3ème tournée africaine le 21 mai 2015 par le Sénégal, à la tête d’une cinquantaine d’opérateurs économiques. Pour Guy Gweth, auteur de « Maroc-Afrique : ils ont trahi le roi », il s’agit d’une « visite de rattrapage habillement manœuvrée par les stratèges du souverain, mais qui risque de confiner le Maroc dans sa zone de confort francophone et musulmane. »

Contrairement au discours officiel, le but de cette troisième tournée ne s’inscrit pas simplement dans la suite des précédentes, même si le protocole surfe davantage sur la consolidation de projets en cours et le lancement de nouveaux partenariats, estime Guy Gweth, conseil en intelligence stratégique et Responsable de « Doing Business in Africa »  à l’École Centrale de Paris. Pour l’auteur de « Maroc-Afrique : ils ont trahi le roi » paru en janvier 2015, il s’agit avant tout d’une « visite de rattrapage ». Le refus du Maroc d’organiser la CAN-15 pour cause d’Ébola, reconnaît-il, a entaché la qualité des relations entre Rabat et les capitales africaines, notamment ceux d’Afrique anglophone. Le Forum Afrique Développement qui a réuni 1 700 décideurs économiques et politiques à Casablanca pour un « Davos Africain » a certes contribué à minimiser ce malaise, mais il faudra encore du temps et de la patience pour tout cicatriser.

Intervenant en géostratégie et géoéconomie africaines à l’Université de Reims Champagne Ardennes, Guy Gweth souligne par ailleurs « le risque pour le Maroc de se confiner dans sa zone de confort peuplée de partenaires Africains francophones d’obédience musulmane. » Deuxième investisseur africain sur le continent après l’Afrique du Sud, le Maroc est, en effet, présent dans plusieurs secteurs-clés de cette zone : banque, assurances, immobilier ou télécoms. Plus de la moitié des investissements directs du Maroc à l’étranger y sont concentrés et 1,5 milliards d’euros y ont été investis par les Marocains au cours des cinq dernières années.

Après le Sénégal, l’expédition de Mohammed VI le conduira en Côte d’Ivoire, en Guinée-Bissau et au Gabon. Le souverain chérifien est accompagné dans cette troisième tournée par une bonne cinquantaine d’opérateurs économiques des secteurs agricole, de l’habitat social, de l’énergie, de l’industrie pharmaceutique, des infrastructures et du tourisme notamment. À Dakar, une dizaine d’accords ont été signés qui sont relatifs à la coopération économique et douanière, la construction d’un quai de pêche, l’artisanat, l’industrie, les filières lait et équine, la santé animale, le tourisme, la formation professionnelle, l’eau et l’assainissement, ainsi qu’un accord de siège au profit de la Fondation Mohammed VI pour le développement durable.

Dans le premier numéro du magazine « Émergences Afrique », paru en avril 2015, l’auteur de « Maroc-Afrique : ils ont trahi le roi » révélait très justement que « depuis 1999, la mission du palais royal dans la formulation des politiques géoéconomiques est au centre de la diplomatie d’influence chérifienne. Plus que le gouvernement, précisait-il, c’est le roi qui détermine les postures et dispositifs géoéconomiques, ainsi que les stratégies d’attaque ou de défense. C’est encore lui qui mobilise les ressources – via la société nationale d’investissements (SNI) notamment – pour minimiser les faiblesses et optimiser les forces économiques du royaume. »

Cette troisième tournée africaine de Mohammed VI confirme la thèse de Guy Gweth selon laquelle « la diplomatie économique marocaine est le domaine réservé du souverain chérifien. » Elle confirme aussi que les visites du roi du Maroc en Afrique noire profitent aux acteurs africains tels que Knowdys Consulting Group (qui accompagne étroitement les sociétés marocaines en Afrique centrale et de l’Ouest). Depuis 2012, en effet, chaque visite d’État de Mohammed VI au sud du Sahara a un effet bénéfique immédiat sur le carnet de commandes de Knowdys, leader du conseil en intelligence économique et due diligence dans la région.

Sanaa Benjelloun