Les nouveaux défis de l’investigation financière en Afrique

[Africa Diligence] Ce que les griots des temps modernes ont baptisé « Emergence » en Afrique n’est pas sans conséquence sur l’expansion et la sophistication de la fraude et des crimes financiers. Les pouvoirs publics, le monde des entreprises et la communauté des investisseurs ont désormais affaire avec des criminels intelligents, imaginatifs, pointus, mouvants et innovants. Plus que jamais, la courbe du risque épouse celle de l’attractivité.

Alors que l’Afrique tente de profiter des vents favorables générés par une médiatisation moins stigmatisante et un quasi consensus macro-économique sur les « bons chiffres de la croissance africaine », les experts de Knowdys, n°1 du conseil en intelligence économique et due diligence en Afrique, voient émerger des profils de plus en plus complexes de criminels sur le continent.

De nombreux dispositifs nationaux (dans des pays tels que le Cameroun et le Nigeria) se contentent de traquer les détourneurs de deniers publics. Ces instruments sont plus ou moins déterminants pour la sanctuarisation des finances publiques locales, mais insuffisants pour sécuriser les entreprises et les investisseurs qui courent vers l’Afrique à la recherche de nouveaux débouchés et ont besoin, pour cela, de s’appuyer sur des partenaires locaux fiables.

Pour Guy Gweth, professeur de due diligence au sein du MBA « Stratégie & Consulting » de l’École Supérieure de Gestion de Paris, « il faut, à la fois sensibiliser les investisseurs sur les nouveaux profils des criminels financiers en Afrique et encourager les juges africains à recourir davantage aux ‘témoins-experts’, dès lors qu’ils ont fait la preuve de leur efficacité, notamment dans la maîtrise des technologies de l’information, outils surexploités par les criminels. »

Le continent souffre cependant du petit nombre d’enquêteurs financiers de haut niveau ayant une bonne connaissance du contexte local. A ce jour, Knowdys Consulting Group reste le seul acteur reconnu pour l’efficacité et l’efficience de ses investigations, d’une part, et pour son expertise dans la formation des professionnels de due diligence en milieu tropical, d’autre part. Auteur des premières sessions de formations de due diligence en Afrique centrale, le fondateur de Knowdys reconnait que « le plus difficile n’est pas d’entrainer les apprenants à bien identifier les besoins du client, à planifier une mission ou à collecter des informations électroniques. Le vrai défi des enquêteurs locaux réside dans la collecte du renseignement humain dans un environnement où l’information économique et financière est tout sauf fiable et numérisée. »

Conseil en intelligence économique chez Knowdys Consulting Group, Guy Gweth insiste par ailleurs sur « la capacité des enquêteurs à se mouvoir au sein de législations très différentes. […] Il ne faut pas oublier, précise-t-il, que grosso modo, deux systèmes judiciaires coexistent en Afrique et dans le monde. Le système de droit romano-germanique qui est inquisitorial au civil et inquisitoire au pénal, et puis le système de la Common Law qui est accusatoire. La maîtrise de leurs spécificités fait toute la différence dans le cadre d’enquêtes qui s’internationalisent à la vitesse de la globalisation. »

Au final, on peut penser qu’en Afrique, comme dans le reste du monde, « la fraude et l’escroquerie sont plus présentes qu’autrefois » ainsi que l’écrivait Sir Edward Coke en 1902. Mais à y regarder de près, expliquent les experts de Knowdys, « ce sont les outils et méthodes mobilisés par les acteurs qui ont muté, leur faille principale restant l’usage d’internet. »

Linda Marshall