Ndèye Astou Ndiaye : la prof de Thiès calcule l’impact du FCFA sur l’émergence africaine

[Africa Diligence] La Sénégalaise Ndèye Astou Ndiaye est enseignante chercheure à l’Université Cheikh Anta Diop, une institution à haute valeur symbolique pour l’Afrique. Spécialiste des politiques publiques, cette Sankariste de Thiès soutient que le Franc CFA coûte cher à l’émergence des pays qui l’utilisent. Pour elle, l’Afrique doit bouter cette monnaie coloniale hors du continent et gagner un siège au Conseil de sécurité de l’ONU.

Ndèye Astou Ndiaye est née dans la région de Thiès au Sénégal où elle a passé toute mon enfance. Son baccalauréat en poche, elle m’envole pour Lyon où elle fait des études de droit avant de rejoindre les sciences politiques, son éternelle passion. « Apprentie chercheure », comme elle aime à se définir, elle se spécialise alors sur les politiques publiques en Afrique.

« Je me vois avant tout comme une amoureuse de Thiès, ma région, et de l’histoire du continent noir. Je crois fortement qu’avec la jeunesse, les choses pourront changer malgré les turbulences. Les rêves du Président Sankara et de notre cher Cheikh Anta Diop pourront enfin devenir des réalités » dit-elle, enthousiaste et déterminée. Signe de son engagment, Ndèye Astou Ndiaye œuvre avec d’autres jeunes leaders au sein du « Think Tank » Afroacademy. Militante et humanitaire à ses heures, c’est aussi la présidence de l’association « Sénégal Développement » pour l’accès à l’éducation de tous en Afrique qui a accepté de répondre à nos questions.

Africa Diligence: Croyez-vous en l’émergence économique du continent africain?

Ndèye Astou Ndiaye : Je crois fondamentalement à l’émergence économique de l’Afrique et même plus à son développement dans tous les domaines. Je pense que l’Afrique a un fort potentiel. En plus de ses ressources naturelles bien connues, le continent a des ressources humaines, une population jeune qui peut être à la fois un avantage et un inconvénient. Ce n’est pas pour rien que depuis plus de cinq siècles, l’Afrique est la partie du monde où les autres se ruent pour s’enrichir. Les opportunités sont présentes. À nous d’apprendre à les saisir.

S’il fallait vous aider à contribuer au développement rapide de l’Afrique, quels leviers pourrait-on activer?

Il n y a pas de solution miracle. Je pense que le développement de l’Afrique doit se faire par étape et la première passe nécessairement par l’éducation et la conscientisation. Dans ces deux aspects, j’entends la connaissance, le respect et la reconnaissance de soi, de l’Histoire et de la culture africaine. C’est la base de tout développement. Il faut, ensuite, qu’on arrive à se respecter entre Africains, à nous aimer les uns les autres, à développer notre capacité à travailler ensemble et à faire bloc. Aujourd’hui, au-delà, des États-Unis, l’Europe l’a compris. Ils ont construit des institutions fortes qui leur permettent, malgré les crises, de tenir bon et unis. En Afrique, nos organisations régionales et sous-régionales, restent encore faibles, voire absentes de la scène internationale. Peu d’Africains, s’identifient à l’Union africaine. L’on se demande quel est son véritable rôle. Elle est inexistante tant économiquement, militairement que politiquement. Je pense que les États africains devraient se réunir afin de restructurer cette institution et revoir son financement afin qu’elle puisse être autonome et réactive. Enfin, pour un développement rapide, l’Afrique devrait s’affirmer au niveau international, avoir son siège au Conseil de sécurité de l’ONU, revoir les statuts de ses monnaies. Elles doivent être conçues en Afrique, par des Africains. Car si nous prenons l’exemple de la zone Franc, nous avons l’impression d’être encore sous la coupole de la France. Le Franc CFA coûte cher aux pays qui l’utilisent. Il faudrait enfin que la jeunesse africaine cesse d’être regardée comme une menace, mais comme une réelle opportunité d’émergence et de développement pour le continent.

Si vous vous retrouviez à la tête de votre pays, dans les 24 heures, quelles seraient vos trois premières décisions?

Moi Présidente, je commencerais par revoir le programme éducatif en proposant à mes homologues Africains une grande Rencontre pour étudier la possibilité d’unir nos programmes d’enseignement de manière efficiente. Dans le cas du Sénégal, en particulier, je prendrais des mesures drastiques concernant les actes inciviques, les enfants Talibés exposés à tous les dangers de la rue, la lutte contre la corruption, et la nécessité de consommer africain.

Que pensez-vous de l’avènement du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Économique?

À mon avis, il était temps que l’Afrique ait son Centre  de Veille et d’Intelligence Économique. À l’heure de la mondialisation ou plutôt de l’option de la gouvernance en lieu et place du  gouvernement, le continent doit avoir une économie compétitive, concurrentielle qui prend en compte la collaboration entre acteurs publics et privés, acteurs étatiques et non étatiques. Aussi ce Centre facilitera le dialogue et le partenariat entre les États et les experts africains du monde privés. Il contribuera certainement à la transparence de l’économie africaine mais et surtout à l’anticipation sur les potentiels risques économiques. Il participera donc de manière directe au développement économique de l’Afrique. Je souhaite qu’il puisse aller jusqu’au bout de ses missions.

Propos recueillis par la Rédaction

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