Tinno Bang Mbang : « Il est temps de réfléchir à une nouvelle génération de leaders »

[Africa Diligence] Fondateur de la société Africom Services, Tinno Bang Mbang a tout risqué pour atteindre la réussite. Ancien migrant, autodidacte, il ambitionne de créer le plus grand empire médiatique du continent noir. Pour lui, l’émergence de l’Afrique passe par le renouvellement des élites.

À 38 ans, Tinno Bang Mbang est un entrepreneur et un père de famille accompli. Mais rien ne lui a été servi sur un plateau d’argent. Ancien migrant et autodidacte assumé, il a tout gagné à la force du poignet. « J’ai laissé les études très tôt au lycée de New Bell, à Douala, pour me lancer dans le monde des affaires. Je me suis retrouvé en Europe à l’âge de 22 ans par mes propres moyens. Pas pour continuer les études, mais pour me chercher et découvrir le monde en quelque sorte » explique-t-il. Son premier port d’attache est l’Espagne où il décidera finalement de s’installer après avoir exploré la France et la Suisse. S’il estime qu’il n’y a pas grand-chose à dire sur son parcours professionnel, c’est parce qu’il s’est formé seul. « Tout ce que je sais faire aujourd’hui, je l’ai appris de moi-même contrairement à ce que beaucoup pensent. La plupart des gens me disent : Tinno, c’est impossible de faire ce que vous faites sans l’aide de quelqu’un. Je réponds juste en disant que tout est possible si l’on croit à ce qu’on fait » argumente le Camerounais. Au cours des trois dernières années, il a fondé la société Africom Services et lancé deux médias en ligne orientés sur l’Afrique : africa24monde.com et regardsurlafrique.com. Le jeune entrepreneur qui a accepté de répondre à nos questions rêve ni plus, ni moins, que de créer un empire médiatique sur le continent.

Africa Diligence : Croyez-vous en l’émergence économique du continent africain ?

Tinnon Bang Mbang : Oui je crois en l’émergence économique du continent africain. Parce que l’Afrique est le continent le plus riche et en même temps le plus pauvre du monde. Sa situation économique progresse cependant rapidement. Selon la Banque mondiale, la plupart des économies africaines sont susceptible de rejoindre la catégorie des pays à revenu intermédiaire avant 2025. Toutefois, le Nigeria, l’Afrique du Sud et les pays du Maghreb sont plus prospères que les pays de l’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest. Les disparités régionales sont si importantes que l’Afrique subsaharienne et le Maghreb sont souvent analysés séparément. Le continent est riche en ressources naturelles, mais celles-ci ne suffisent pas à tirer de la pauvreté une population toujours en croissance tout simplement parce qu’il y a une mauvaise gestion de la part des gouvernants. Le secteur des services représente la plus grande part du PIB avec 44,7%, suivi de l’industrie à 41,5% et de l’agriculture à 13,8%. En 2006, les secteurs industriel et agricole ont enregistré la plus forte croissance avec respectivement 5,7 et 5%. Le cadre institutionnel est instable dans la plupart des pays et présente un obstacle au développement économique. Prenez les exemples de la RCA, du Mali, du Nigeria, de la RDC ou de la Libye pour ne que citer ceux-là. La masse migratoire qu’on observe depuis un certain temps montre tout simplement que les choses sont mal faites. Au plan financier, l’Afrique de la zone CFA doit se libérer de cette monnaie si elle veut prospérer. Voilà la clé de la réussite.

S’il fallait vous aider à contribuer au développement rapide de l’Afrique, quels leviers pourrait-on activer ?

Il existe plusieurs sortes d’individus qui, au cours de l’histoire, se sont pris de passion pour ce continent vaste et extrêmement divers. Mais, rares sont ceux qui, malgré cette passion, ont véritablement considéré l’Afrique comme un continent majeur, avec lequel peuvent se tisser des relations d’égalité. Moi je dirais que pour contribuer au développement, il faut mobiliser des acteurs capables d’innover, de réduire les inégalités, de produire une politique de communication efficace.

Si vous étiez élu chef de l’État de votre pays dans les 24 heures, quelles seraient vos trois premières décisions ?

La première décision serait de donner les pleins pouvoir à la Justice ; ensuite d’octroyer une plus grande marge de manœuvre aux mairies pour davantage d’autonomie ; enfin de baisser la production et la vente des boissons alcoolisées. On ne peut construire un pays avec des soulards.

Que pensez-vous de l’avènement du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Économique ?

L’Afrique est à la croisée des chemins. Elle est au cœur des préoccupations de développement dans lesquelles sont engagés ses dirigeants depuis une cinquantaine d’années. Ils peinent même à trouver une issue heureuse à partir de laquelle le continent noir pourrait jouer un rôle de premier plan sur la scène mondiale. Il est temps de réfléchir à une nouvelle génération de leaders, de vrais, capables de relever plusieurs défis comme ceux de la fragmentation de l’espace, de l’histoire et du savoir, de la refondation de l’État postcolonial, de la promotion réelle de la démocratie et des droits humains, et de la mise en place de nouvelles conditions de paix et de liberté, gages d’un développement durable. C’est sur la manière d’affronter ces différents défis par l’information stratégique qu’intervient ce Centre. Dans le cadre de l’économie de la connaissance, l’intelligence économique est plus que jamais un facteur majeur de développement et de renforcement de la compétitivité des acteurs économiques, et notamment des pôles de compétitivité et de leurs membres. L’intelligence économique apporte des réponses aux besoins de compétitivité de nos territoires dans leurs démarches d’innovation et de développement à l’international. Grâce au Centre Africain de Veille et d’Intelligence Économique, l’acquisition d’informations stratégiques, l’anticipation, la protection du patrimoine technologique, le suivi des évolutions réglementaires et normatives, technologiques, scientifiques et industrielles, permettront à nos entreprises et à nos territoires de mieux se positionner dans un environnement devenu très concurrentiel.

Propos recueillis par la Rédaction

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