Pour une réponse financière à la mesure des enjeux africains

[Africa Diligence] Le gap du financement des projets en Afrique est estimé annuellement à 200 millions de dollars. Les marchés des capitaux, dont le capital investissement, restent limités ne pesant que 5% du financement des entreprises, contre 95% pour le secteur bancaire. Le Club Afrique Développement estime qu’il est désormais nécessaire d’apporter une réponse financière à la mesure des enjeux.

L’Afrique a besoin de près de 200 milliards de dollars de financement par an. Si les flux financiers extérieurs vers le continent sont en progression constante, évoluant de 100 milliards de dollars en 2000 à 182,8 milliards en 2015 – signe de l’attractivité croissante du continent aux yeux des investisseurs – ils s’avèrent encore insuffisants. «Pour le seul secteur des infrastructures, l’Afrique n’arrive à mobiliser que la moitié du besoin annuel de financement estimé à près de 100 milliards de dollars», a indiqué Youssef Rouissi. Le directeur général adjoint à Attijariwafa bank, en charge de la Banque de financement et d’investissement, s’exprimait le 26 octobre à Casablanca à l’occasion d’une conférence sur les leviers de financement de projets en Afrique, organisée par le Club Afrique Développement du groupe Attijariwafa bank. «Le choix d’une telle thématique fait écho aux besoins considérables d’investissement de notre continent et à la nécessité d’apporter une réponse financière à la mesure des enjeux», a-t-il indiqué. Selon lui, le continent fait face à au moins trois défis majeurs, dont celui énergétique. Il importe en effet 60% de son énergie et seuls 32% des Africains ont accès à l’électricité. Environ 46 milliards de dollars devront être investis chaque année afin de combler le gap énergétique. Un autre défi majeur concerne la transformation de l’agriculture du continent qui compte 65% des terres arables non cultivées dans le monde, mais importe annuellement – en net – pour 35 milliards de dollars de nourriture. En outre, le défi de l’urbanisation s’impose également au vu de la population urbaine qui devrait dépasser la barre des 900 millions d’habitants à l’horizon 2040, avec tous les enjeux en termes d’investissements dans les infrastructures, la connectivité et les services de base. «L’Afrique aura ainsi besoin, pour faire face à l’ampleur des défis, d’augmenter considérablement son autonomie financière et d’assurer une meilleure mobilisation de son épargne intérieure aussi bien à travers les canaux bancaires que ceux des marchés de capitaux, en parfaite complémentarité avec les sources de financement internationales», estime Youssef Rouissi.

Pour Lamia Merzouki, DGA de Casablanca Finance City, les marchés des capitaux, dont le capital-investissement, restent limités en Afrique puisqu’ils ne contribuent qu’à hauteur de 5% au financement des  entreprises contre 95% pour le secteur bancaire. Cette tendance s’explique notamment par l’essor de grands groupes bancaires panafricains, notamment marocains, au moment où les marchés boursiers africains souffrent d’une fragmentation et de l’absence de taille critique. Ceci en raison, entre autres, d’une faible intégration régionale, alors que les économies locales sont animées majoritairement par des TPME.

Badr Benyoussef, directeur du Développement de la Bourse de Casablanca, estime, lui, que le marché financier se développe en Afrique, mais les PME restent culturellement en dehors de ce marché.

Selon une étude réalisée au Maroc, une entreprise sur 15 uniquement connaît le rôle de la Bourse. Un travail de sensibilisation et de formation s’avère ainsi nécessaire.  Aux yeux de Younes Addou, vice-président Finance d’OCP Africa, même au niveau du marché bancaire, l’accès au financement des PME reste difficile, car souvent celles-ci ne remplissent pas tous les critères d’éligibilité à un prêt bancaire solvable. Koen Beckers, PDG d’Albatros Energy estime lui aussi que le problème ne réside pas toujours dans le financement, mais souvent dans le développement de projets bancables.

Pour les entreprises bien structurées, le défi demeure dans la disponibilité des financements à long terme, particulièrement pour les grands projets énergétiques ou d’infrastructures. «Le gap de financement dans les infrastructures est dû en grande partie à la limitation de leur développement au secteur public, le privé n’ayant été encouragé à y contribuer que ces dernières années. Or la majorité des États africains disposent de ressources limitées», a indiqué, pour sa part, Koffi Klousseh, directeur du développement de projets du Fonds Africa 50. D’où la nécessité d’accélérer le développement de partenariats public-privé (PPP) en vue d’attirer les investissements pour les infrastructures et les services concessionnels.

La Rédaction (avec Moncef Ben Hayoun)