Pourquoi la CIA ferme son Centre de recherche sur le climat

[Africa Diligence] The Center on Climate Change and National Security a été créé en septembre 2009. Inattendue, sa fermeture est intervenue quelques jours après la réélection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis. Africa Diligence a voulu savoir pourquoi. Enquête sur un dossier sensible.

Les informations fragmentaires sur les activités de ce centre montrent que la CIA s’intéressait surtout aux effets stratégiques du réchauffement climatique sur les régimes politiques. Par exemple, la question de la ressource en eau en Asie et en Afrique ou l’impact sur les USA et leurs alliés des mouvements de population suscités par la désertification ou la montée des océans.

Le Center on Climate Change and National Security n’était pas connu pour communiquer facilement; même après des demandes dans le cadre du Freedom of Information Act, aucun de ses travaux n’a été divulgué. Par ailleurs, ses activités étaient très critiquées, en particulier par les Républicains qui ne comprenaient pas pourquoi les satellites espions devaient épier des « phoques sur la banquise ».

Selon un porte-parole de l’Agence, il ne s’agit pas d’un manque d’intérêt de la CIA pour la question mais simplement d’une réorganisation : la CIA va continuer à travailler sur ces enjeux, non plus dans un centre spécifique mais au sein d’un nouveau bureau qui traite des questions économiques et énergétiques. La mission et les ressources allouées resteraient inchangées.

Affaire à suivre donc puisque l’administration Obama a déclaré prendre très au sérieux la question du changement climatique (il est vrai qu’elle ne pouvait pas dire moins en plein ouragan Sandy) et son impact sur la sécurité nationale (peut-être d’abord au sens de « sécurité du territoire national »).

Le Center on Climate Change and National Security n’était pas la seule agence fédérale de Renseignement à s’intéresser à la question. Par exemple, le Director of National Intelligence suit les mêmes questions. Ainsi, il a diffusé en mars dernier une étude sur la ressource en eau: Global Water Security. Il y a quelques années, c’était le Center for Naval Analyses qui avait publié « National Security and the Threat of Climate Change » et plus récemment, en 2011, « An Ounce of Prevention: Preparing for the Impact of a Changing Climate on US Humanitarian and Disaster Response ».

Cette annonce de la CIA intervient alors que le National Research Council vient de publier un autre rapport, alarmiste, sur les effets du changement climatique. Le document s’intitule « Climate and Social Stress: Implications for Security Analysis (2012) ». Selon les auteurs, l’ouragan Sandy n’est qu’un avant-goût de ce que les Etats-Unis peuvent redouter en matière d’effets dévastateurs du changement climatique.

Comme le résume bien une note de l’ambassade de France à Washington, « les menaces à la sécurité américaine sont de plusieurs ordres. Les modifications du climat ainsi que l’augmentation des évènements climatiques extrêmes (tempêtes, sécheresses, inondations) en fréquence, en intensité ou en durée risque d’engendrer des crises pour les ressources en eau, en nourriture et en énergie notamment. Les forces armées américaines pourraient donc être amenées à agir plus souvent pour résoudre des crises liées à des tensions pour les ressources naturelles ou pour apporter une aide humanitaire. En effet, les pays touchés risquent de ne pas avoir les capacités pour faire face à ces évènements, en particulier s’il s’agit de zones déjà fragilisées ou dans un contexte politique instable. »

(Avec Philippe CHAPLEAU)