Pourquoi la croissance tanzanienne reste robuste malgré la crise

[Africa Diligence] Résultat d’une bataille des chiffres entre la majorité présidentielle et les leaders de l’opposition, la Banque centrale de Tanzanie a cru devoir produire un rapport pour expliquer la robustesse de la croissance tanzanienne malgré les déficits. Il y a à boire et à manger dans ce livrable qui s’est pourtant voulu pédagogique.

Se fondant sur les principaux indicateurs et tendances, la Banque de Tanzanie a affirmé dans son rapport du 10 septembre 2016 qu’il est « évident que l’économie de la Tanzanie est en bonne forme, faisant naître l’espoir d’atteindre l’objectif de parvenir à une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 7,2% en 2016 ». La Banque centrale explique que la croissance économique « robuste » attendue en 2016 a été soutenue par les investissements réalisés par le président John Magufuli dans des projets d’infrastructure phares, une répression fiscale en cours et la lutte contre la corruption.

 La Banque a publié ce rapport après que des figures de l’opposition, y compris le chef du parti ACT Wazalendo Zitto Kabwe, ont déclaré que l’économie tanzanienne était plongée dans la crise depuis l’arrivée au pouvoir du président Magufuli en novembre dernier. Les leaders de l’opposition ont cité les dernières données du Bureau national des statistiques, qui montrent que la croissance économique de la Tanzanie a ralenti à 5,5% au cours du premier trimestre de 2016 comparativement à 5,7% dans la même période l’an dernier, suite à une chute dans les secteurs de base de la construction, du transport et de la fabrication.

 Cependant, la Banque de Tanzanie a insisté que le ralentissement de la croissance économique au premier trimestre 2016 par rapport à la même période de l’année dernière n’avait « rien à craindre », notant que le déclin de la croissance durant un trimestre n’indique en rien un ralentissement de la croissance économique pour l’année entière.

 Ce qu’en pense les analystes du CAVIE

Au-delà de la querelle statistique, les analystes du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Economique (CAVIE) font remarquer trois choses :

Primo, la baisse des dons d’un point par rapport à l’année précédente, suite au gel des flux de certains bailleurs de fonds après la retentissante affaire de corruption qui a éclaboussé le secteur énergétique, creuse les finances publiques. Les opérations de lutte contre l’évasion fiscale et de réduction des exonérations sont une bonne nouvelle, mais il faudra être patient pour en consommer les fruits.

Deuxio, les dépenses courantes restent élevées pour répondre aux promesses faites par le président de la république, en particulier la réalisation de projets structurants et la gratuité de l’enseignement secondaire. L’endettement de l’Etat est certes en croissance, en raison des besoins de financement liés à ces projets, mais la prépondérance des prêts concessionnels minimise le risque de défaut.

Tercio, les recettes d’exportation des secteurs aurifère n’ont certes pas évolué de manière spectaculaire mais les besoins d’équipements, dans le secteur gazier, notamment ont boosté les importations. La dépréciation du shilling face au dollar n’aide pas à baisser le coût des importations, même si les prix bas du pétrole, enregistrés au courant du premier semestre de l’année, ont permis d’amortir la forte dégradation du solde, aidé en cela par les bons chiffres du tourisme. L’inflation, quant à elle, repart à la hausse, tirée par l’augmentation des prix des biens alimentaires dont le poids est évalué à plus de 45% dans l’indice des prix.

La rédaction (avec CAVIE, Xinhua et Knowdys Database)