[Africa Diligence] Les États-Unis ont pris du retard dans les relations économiques et commerciales avec l’Afrique. En effet, le pays occupe la troisième place au tableau des échanges commerciaux avec l’Afrique, loin derrière l’Union européenne, et la Chine. L’arrivée au pouvoir du Président Donald Trump, avec son idéologie « America First » semble obscurcir davantage les relations entre les deux continents.
Au moment où triomphe l’America First, il ne reste pas beaucoup d’espace pour développer les relations économiques entre la première puissance mondiale et un continent avide d’échanges et de développement. Les échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Afrique sub-saharienne sont en fait dans une mauvaise passe depuis la crise de 2008. Les importations de produits africains vers les États Unis sont en chute libre. Et les exportations américaines aussi. En 2016 leur montant était de 22 milliards de dollars, cinq fois moins que celles de la Chine. Cela est dû à la chute des cours des matières premières. Mais pas seulement. L’Afrique commerce de plus en plus avec la Chine, l’Inde, l’Europe, la Turquie et de moins en moins avec les États-Unis.
« L’Amérique d’abord » pourrait détruire la relation avec l’Afrique a averti Bill Gates à Davos
Le milliardaire philanthrope est très actif sur le continent via sa fondation et il redoute la baisse de l’aide américaine. C’est aussi le business man qui s’exprime, en parfaite harmonie avec les milieux d’affaires américains intéressés par le continent. Ils voient grandir l’aura chinoise et déplorent la perte d’influence américaine. Même si l’Agoa n’a pas tenu toutes ses promesses, la chambre de commerce américano-africaine redoute que ce programme favorisant les échanges soit abandonné par Donald Trump. Cet accord exempte de droit de douane les exportations des pays africains, des pays au préalable sélectionnés par un comité américain veillant au respect des règles de l’économie de marché, de l’État de droit, et bien sûr au respect des intérêts américains.
Cette initiative a surtout permis aux États-Unis d’importer le pétrole dont ils avaient besoin
Les produits pétroliers notamment de l’Angola ou du Nigeria ont été les principaux bénéficiaires de cet Agoa lancé en 2000 par Bill Clinton. Et depuis que les hydrocarbures américains sont plus compétitifs, les producteurs africains souffrent. En revanche le «made in Africa» n’a pas vraiment bénéficié de cet accord préférentiel. C’est la grande faiblesse du programme. Il n’a pas permis le décollage de l’industrie dont rêvaient les Africains. Seul le textile, fabriqué notamment au Swaziland ou au Kenya en a réellement tiré parti. Avec quelques sueurs froides pour le Swaziland qui a été temporairement exclu de l’accord entre 2015 et 2017.
Pourquoi l’administration Trump menace-t-elle maintenant d’exclure de l’Agoa plusieurs pays d’Afrique de l’Est?
À cause de la fripe. En Afrique les fripes font le bonheur des sapeurs mais elles représentent une concurrence redoutable pour l’industrie textile. Une industrie naissante susceptible de fournir bien plus d’emplois que le commerce des vêtements d’occasion. C’est pourquoi le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda, le Burundi et le Soudan du Sud veulent en interdire l’importation à partir de 2019 et cela ne plaît pas du tout aux fripiers américains. Le lobby américain a porté plainte, estimant que cela mettait en péril 40 000 emplois. Une cause entendue à la maison blanche d’où les pressions sur ces pays pour qu’ils renoncent à ce qui relève d’une barrière douanière. L’America first s’impose donc sur le sol africain. À force de penser à eux en premier, les Américains prennent aussi le risque de se retrouver bon dernier sur un continent où les Chinois tissent leur toile avec leurs routes de la soie.
La Rédaction (avec Dominique Baillard)