La flamme olympique menace de brûler les intérêts français en Chine

L’article de Miryam Berber ci-après vient étayer l’analyse que nous faisions le 8 avril 2008 in « JO 2008 : la confrontation entre la Chine et l’Occident s’enflamme à Paris ». Nous vous confiions à l’occasion que les Chinois accusaient le coup des déboires subits par la précieuse flamme olympique à Paris, mais qu’ils avaient de la mémoire.

Les faits que relate Miryam corroborent –en était-il besoin ?- la rupture des frontalières qui pouvaient jadis exister entre le jeu politique inter-étatique, la marge de manœuvre des opérateurs économiques et les activités de la société civile (pour nous en tenir au cas qui nous intéresse). La propagation contagieuse de phénomènes éthiques, sociaux, diplomatiques, religieux, environnementaux et scientifiques… au champ économique via les autoroutes de l’information tend à en systématiser l’effet domino. L’âpreté de la concurrence internationale s’y prête. Au sommet des Etats, cette complexité managériale inhérente au changement actuel de paradigmes nécessite une expertise transversale qui fait encore défaut aux personnels politiques.

Après le boycott en janvier-février 2006 des produits danois (de chez Arla Food notamment, qui perdit jusqu’à 1,34 million d’euros par jour durant la crise) dans les pays arabo-musulmans suite à la publication des caricatures de Mahomet, les menaces qui pèsent sur les intérêts français en Chine confirment notre thèse sur l’urgence de l’Etat moderne à définir une stratégie de communication globale. Elle seule peut intégrer la pluralité des sensibilités, des minima émotionnels, tout en privilégiant la « sécurité économique», pour paraphraser nos amis japonais. Mon rêve et mon espoir sont que l’ensemble des États de la zone CEMAC s’en inspire, au plus tôt ! Guy Gweth

L’article de Miryam Berber:

[En réponse aux manifestations lors du passage de la flamme olympique à Paris, les internautes chinois appellent à boycotter les grandes marques françaises. Le distributeur Carrefour, mais également le groupe de luxe LVMH, sont actuellement la cible d’une campagne sur la toile chinoise. Les deux groupes sont accusés de soutenir le Tibet financièrement. Pour l’heure, le gouvernement chinois s’est abstenu de toute condamnation.

Fiasco du parcours de la flamme à Paris, éventuelle absence de Nicolas Sarkozy à la cérémonie d’ouverture des JO, mobilisation des athlètes français en faveur du Tibet… toutes ces actions pourraient jouer en défaveur des intérêts français en Chine. Première entreprise visée : le géant de la distribution Carrefour, présent en Chine depuis plus de 10 ans, avec 122 hypermarchés et 280 magasins de hard-discount. Depuis deux semaines, des militants anonymes appellent au boycott de la chaîne de supermarchés, qu’ils accusent de soutenir les milieux favorables à l’indépendance du Tibet.

Forums de discussions, chats en direct, sites internet, blogs, boîtes mail ou bien encore SMS… tous les moyens sont bons pour appeler les Chinois à ne plus faire leurs courses dans les enseignes Carrefour, à partir du 1er mai. Un autre boycott est proposé à partir du 8 mai, soit trois mois avant l’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin le 8 août prochain. « Le peuple français et le gouvernement français ont méprisé le sérieux de la flamme olympique et les sentiments du peuple chinois, la Chine ne peut pas être insultée », peut-on lire sur plusieurs sites web […]

Les tensions actuelles entre la France et la Chine en raison du Tibet et des JO commencent à inquiéter les entrepreneurs français à Pékin, même s’il est encore trop tôt pour connaître l’impact de ce mouvement de contestation. Certains attendent un geste des autorités chinoises. Pour l’heure, le gouvernement chinois s’est, pour sa part, abstenu de condamner ces appels au boycott. « Je crois que certains citoyens chinois ont exprimé récemment leurs opinions et leurs émotions personnelles. Nous espérons que la partie française est en mesure d’écouter les voix du peuple chinois en ce qui concerne les problèmes récents et d’adopter une position objective » a estimé, mardi, Jiang Yu, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Avant d’ajouter que « l’amitié franco-chinoise nécessitait des efforts des deux parties ». ]