Trois clés pour propulser les savoirs africains au niveau mondial

[Africa Diligence] Les stratèges de l’intelligence économique africaine ne le diront jamais assez : le dernier grand bastion de la colonisation est intellectuel et psychologique. Poreuse face aux savoirs étrangers, l’Afrique n’amorcera son décollage effectif qu’au prix des trois clés mises en exergue par Yvonne Mburu.

LES TROIS CLES DE YVONNE MBURU

Premièrement, définir un cadre commun pour les politiques d’éducation, l’échange de connaissances et la diplomatie scientifique.

La mise en place d’économies fondées sur le savoir dépendra largement de la capacité de l’Afrique à produire des connaissances scientifiques. Les rapports actuels les plus optimistes estiment à 2 % la contribution africaine à la production scientifique mondiale. Les pays africains doivent se fixer comme mission de faire converger leurs programmes d’études et d’exploiter les technologies pour accélérer la production et la diffusion de connaissances sur le continent. La mise en place d’un tronc commun, par exemple, permettrait aux élèves et aux étudiants d’un pays de poursuivre des études supérieures ou postuniversitaires dans un autre pays de façon harmonieuse, de participer à des programmes conjoints d’enseignement et de bénéficier de bourses d’études. Ces échanges renforceraient non seulement les liens sociaux et culturels, mais favoriseraient aussi la formation d’un vivier de travailleurs hautement qualifiés dans la région. L’harmonisation des normes, de la qualité et des compétences éducatives favorise une hausse de la productivité globale et renforce la valeur mondiale du savoir africain.

Deuxièmement, consolider les chaînes d’approvisionnement locales et construire des marchés régionaux pour les produits manufacturés.

L’Afrique ne peut plus se contenter de fournir les matières premières auxquelles d’autres apportent de la valeur ajoutée. Elle doit renforcer les capacités locales de l’industrie manufacturière, transformer les matières premières et mettre en place des chaînes d’approvisionnement efficaces. Il est primordial de transposer à plus grande échelle les petits marchés fragmentés existants, afin d’en faire des marchés communs gérés par des alliances régionales. Cette convergence entraînera des économies et des gains d’efficacité, permettra aux pays d’approvisionner les marchés régionaux et internationaux en produits locaux, et apportera des bénéfices économiques et sociaux à l’ensemble du continent.

Troisièmement, définir une identité panafricaine et employer une langue commune est indispensable à l’intégration régionale.

La langue africaine la plus parlée, le swahili, réunit environ 150 millions de locuteurs dans sept pays. Il serait judicieux d’encourager son expansion et son adoption généralisée en tant que lingua franca africaine. En outre, les obstacles persistants à la libre circulation des personnes – un vestige colonial – doivent être éliminés pour ouvrir la voie à l’ascension sociale, culturelle et économique du continent.

La Kényane Yvonne Mburu est titulaire d’un doctorat en immunologie. Elle est la fondatrice et PDG de Nexakili, un réseau qui relie la communauté mondiale des professionnels de la santé, des scientifiques et des technologues africains et de la diaspora. Nexakili se présente comme la plateforme leader reliant les professionnels en Afrique et dans sa diaspora, facilitant les transferts de connaissances et la collaboration entre régions, secteurs et disciplines avec des professionnels du monde entier. En août 2017, elle a été nommée par Emmanuel Macron au sein du Conseil Présidentiel pour l’Afrique, organe consultatif au profit de la transformation des relations Afrique-France et du renforcement des liens entre les sociétés civiles.