Voyage au cœur du m-payement gabonais : l’éclairage de Reine Toungui

[Africa Diligence] Abonnement téléphonique ou télévisuel câblé, recharge de crédit de consommation d’électricité, courses de vivres alimentaires, plein de carburant, consultation médicale ou encore paiement de médicaments en pharmacie… les exemples sont foisons face à la dynamique que connaît le paiement mobile en Afrique mais surtout au Gabon. Le pays avance sur une niche économique avec une facilité déconcertante.

L’essor du digital : comment le Gabon suit la dynamique

La bancarisation des ménages gabonais est une préoccupation prioritaire à l’aube des années 2000 lorsque la redéfinition de leur rôle dans l’économie nationale s’est avérée propice. Mais face aux inquiétudes des pouvoirs publics, les ménages ont été très vite séduits par de nouveaux modes de paiements avec un saut technologique conséquent qui a laissé pour compte d’anciens titres monétaires comme le chèque par exemple. Le Gabon c’est un PIB Parité du Pouvoir d’Achat (PPA) par habitants de 17 919 USD en 2012, puis 20 520 USD en 2013, quand le Cameroun à titre d’exemple se fixe à 2 861USD ou la Guinée Equatoriale qui présente 33 767 USD, le Congo qui s’élève à 6 232 USD en 2013. Avec des chiffres aussi vertigineux, qui placent le Gabon dans le haut du tableau (place n°56 sur les 184 pays identifiés par les données de la Banque Mondiale), on ne peut que mieux apprécier l’appétence que la population Gabonaise est amenée à dépenser pour se procurer le même « panier » de biens et de services similaires dans les pays voisins. Cette appétence est de fait différente, bien que s’inspirant du portefeuille électronique, elle va plus loin et se voit être définie par l’œil vigilant de divers acteurs sensibles à la digitalisation des habitudes du consommateur local. Désormais, carte prépayée et mobile payement deviennent les outils indispensables que l’on soit à Libreville, ou dans des contrées plus lointaines telles Oyem, Bitam, Franceville.

Cependant, l’appétit ainsi identifié apporte avec lui la nécessaire organisation technique de terminaux de relais et installations de fibre optique pour un accès à internet sur toute l’étendue du territoire national. Intitulé le « Projet CAB 4 » qui, depuis octobre 2014, s’est matérialisée par le début des travaux pour l’interconnexion de 26 villes du Gabon, il consiste essentiellement en la « pose de la fibre optique, la construction de centres techniques, l’interconnexion avec le Congo, le Cameroun et la Guinée-Equatoriale ». Une fois les différentes étapes achevées, les soucis de connexions que connaissent les communications serraient de fait réduits. Les avancées en matière de 4G, que les opérateurs tels AIRTEL ou GABON TELECOM proposent désormais dans leurs services, accompagnent cette dynamique de digitalisation des habitudes des consommateurs locaux.

De nouvelles habitudes qui voit peu à peu se distinguer l’émergence d’une classe moyenne aux modes de vie occidentale, dévoratrice de produits de l’univers du digital. Malgré une absence criarde en matière de données statistiques, tout habitant de Libreville est aisément impressionné par la connectivité des populations dite jeunes (15-45 ans), mais aussi assiste à la lutte contre le temps qu’opère une part de la population plus mature qui ne saurait restée en marge de ce boom technologique (45-70 ans). A chaque part son pouvoir d’achat ! Toutefois, les habitudes de vie quotidienne deviennent rythmées par les échanges pécuniaires digitalisés. Une demande de prêt, des achats en supermarché, une consultation médicale, le paiement de factures d’abonnements téléphonique/câblé/eau-électricité, bref, la vie urbaine se voit être rythmée par cette cadence de m-payement avec une facilité déconcertante. Il s’entend parfois dans les rues des grandes villes du Gabon, que celui qui ne dispose pas d’outils m-payement n’est pas un véritable Gabonais.

 La rentabilité attendue de ces nouvelles connexions

Quoi de mieux pour les divers opérateurs que de se servir d’un marché où la demande est aussi expressive, dynamique, à la page et très prometteur. C’est là le fort potentiel qu’Airtel Gabon a su prendre très tôt, par la commercialisation d’un service « AIRTEL MONEY », suivi de l’utilisation du « NFC Near Field Communicator » proposant un paiement par téléphone portable sans contact direct. Le partenariat signé avec une des plus grandes banques de la place, BGFI BANK GABON, parfait cette initiative plus que marketing et sécurise les transactions ainsi opérées. D’un point de vue réglementaire aussi, car l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes – ARCEP et la BEAC active leurs sirènes lorsque les questions liées aux compétences techniques et aux transactions financières sont en jeu. La concurrence directe reste inaudible, au vue de la force marketing, technique et modulaire qu’offre Airtel Gabon, le rendant pionnier d’un mode paiement qui commence à démontrer ses preuves et faire son impact auprès des populations. Bien que Moov Gabon (Groupe ETISALAT jusqu’à fin 2015 avant son rachat par Maroc Telecom présent au Gabon via Gabon Telecom) et son produit phare « FLOOZ », entendez argent en argot local, cherche à se rendre incontournable sur le marché, la confiance des consommateurs gabonais semble s’être portée sur « AIRTEL MONEY » à juste titre. La robustesse, la sécurité éprouvées d’AIRTEL MONEY soumettent à la concurrence de pouvoir se pencher sur d’autres potentiels services de transactions digitales de nouvel ordre.

En 2014, AIRTEL MONEY permet au Groupe Indien BHARTI de renforcer son chiffre d’affaires global avec le passage de 1,8 millions d’abonnés à 5,3 millions sur le continent africain et pendant, l’augmentation du volume et des montants des transactions réalisées vie ce service. Au Gabon, AIRTEL MONEY « au premier trimestre 2014, a fait plus de la moitié du chiffre d’affaires total dans le secteur de la téléphonie mobile, avec 32,2 milliards de FCFA, grâce notamment à ses offres en perpétuelle innovation et l’utilisation des campagnes promotionnelles » comme en fait état le Directeur d’Airtel money Gabon Prince Obiang Nzue. En 2016, la stratégie va plus loin en offrant la possibilité aux clients de pouvoir aussi retirer de l’argent par AIRTEL MONEY. L’on peut aisément considérer l’impact pour les zones rurales décentralisées qui sortent peu à peu d’un désenclavement notoire.

Et cette dynamique, conséquemment, pousse les banques gabonaises à se mettre à l’heure du digital et se résoudre à spécifier leur clientèle dont bon nombre demeurent inéligibles au regard des conditions d’ouverture de compte ou dépôts/retraits d’espèces fastidieuses et laissant de côté trop de Gabonais. BICIG MOBILE, BGFI MOBILE ont dès lors pignon sur rue et participent au développement des réflexes des consommateurs gabonais en s’alliant avec les commerces de proximités (épiceries de quartiers, boutiquiers) ainsi que certaines grandes enseignes de la distribution (CECA GADIS, Casino, Prix Import). L’utilisation des supports pour application tels Google, Android et iTunes continue de renforcer la donne. On assiste dès lors à la disparition d’espèces sonnantes et trébuchantes au profit d’échanges électroniques payables par ces voies (la petite monnaie est désormais reléguée, entre autres, à un simple usage pour s’acquitter des paiements de transports en communs, comme les taxis qui restent toujours pointilleux sur la question). Le mobile Banking prend in fine son envol directement auprès des établissements bancaires BICIG, UBA, BGFIBANK qui disposent désormais de terminaux de paiements traditionnels (TPE) mais aussi de dernière génération dans la plupart des commerces à Libreville (BGFI MOBILE s’inspirant du m-payement et offrant une proximité des données bancaires à chaque client ayant téléchargé l’application).

La dématérialisation de la monnaie et la bancarisation électronique des ménages constituent de fait une niche considérable pour le développement de métiers liés au digital, accompagnée bien entendu d’une reconsidération des filières d’enseignement technique directement lié à cette activité. Cette bancarisation électronique offre un espoir sans précédent pour les populations les moins favorisées sur le territoire national, et elle doit promettre pour les années à venir de repenser les données macroéconomiques définies par les bailleurs de fonds internationaux au sein des agrégats que doivent présenter chaque pays d’Afrique.

Reine Toungui
Représentante du Centre Africain de Veille et d’Intelligence économique au Gabon