5 questions à Antoinette SAYEH, directrice Afrique du FMI

La croissance africaine est remarquablement robuste et pleine de promesses. Mais Antoinette SAYEH, la directrice du département Afrique du Fonds monétaire international (FMI), tempère. Dans cet entretien, l’ancienne ministre des finances du Liberia estime qu’il faut rester vigilant, en profiter pour reconstituer des réserves, et anticiper les imprévus.

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Alain FAUJAS : Avec une croissance de plus de 5 % annoncée par le FMI pour 2012 comme pour 2013, l’Afrique subsaharienne talonne l’Asie en développement. A quoi faut-il attribuer cette étonnante performance qui dure depuis près de dix ans ?

Antoinette SAYEH : Il existe plusieurs explications. La gestion macroéconomique s’y est beaucoup améliorée et les politiques fiscales et monétaires ont été favorables à la croissance. L’Afrique a aussi profité de l’allégement de ses dettes et a pu ainsi dégager des moyens budgétaires pour mener des actions prioritaires en faveur du développement en matière de santé ou d’éducation.

Elle avait même accumulé des réserves avant la crise et quand celle-ci est arrivée en 2009 – l’Afrique a tout de même progressé de 2,9 %, cette année-là –, elle a eu les moyens de se remettre de ce ralentissement plus vite qu’elle ne l’avait jamais fait. Il faut ajouter que la forte demande des économies émergentes pour les matières premières africaines a contribué à attirer les investisseurs. De nouvelles ressources minières ou pétrolières ont été découvertes en Sierra Leone, au Niger, au Nigeria ou en Ouganda notamment.

Pour autant, gardons-nous de tomber dans l’autosatisfaction, car les incertitudes sont redoutables : l’Europe ne se porte pas bien et cela pourrait contribuer à déprimer la conjoncture mondiale. C’est pourquoi l’Afrique doit reconstituer ses réserves pour pouvoir amortir le choc si des jours moins heureux étaient de retour et faire face à l’imprévu.

L’Afrique de l’ouest semble moins dynamique que l’Afrique de l’est. N’est-ce pas parce son intégration régionale est moins poussée ?

Je ne crois pas que l’Afrique de l’ouest soit tellement en retard. Les pays sortant d’un conflit comme la Côte d’Ivoire ou comme mon pays, le Liberia, y font preuve d’une croissance vigoureuse. Il est vrai qu’il existe des différences de progrès en matière d’intégration régionale et que, dans ce domaine, la vision – sinon l’engagement – est plus forte en Afrique orientale. En Afrique centrale et occidentale, il existe des unions monétaires, mais pas douanières.

Comment le FMI aide-t-il les pays d’Afrique à profiter des ressources de leur sous-sol ?

D’abord, nous conseillons les gouvernements sur la façon d’optimiser les recettes qu’ils tirent de leurs ressources naturelles grâce à des contrats bien étudiés, mais nous ne sommes pas à la table des négociations avec les compagnies minières ou pétrolières.

D’autre part, nous les conseillons sur la manière de dépenser cette manne de façon à accélérer le développement tout en préservant le patrimoine des générations futures.

Il faut aussi que les gouvernements construisent des budgets pluriannuels pour éviter de pâtir de la forte volatilité des cours des matières premières.

Le développement des relations commerciales entre les pays du sud n’est-il pas une évolution opportune ?

En effet, ce développement, qui dure depuis de nombreuses années, donne aux pays africains une chance d’éviter de connaître trop de dommages du fait de la crise européenne actuelle. Là encore, ce sont les ressources naturelles qui sont à l’origine de la multiplication des relations commerciales entre l’Afrique et les pays émergents, dont la Chine.

Le FMI avait conseillé à la République Démocratique du Congo (RDC) de revoir ses accords « infrastructures contre minerais » signés avec la Chine pour plusieurs milliards de dollars. Ce type de contrats n’est-il pas dangereux ?

Tous les pays d’Afrique doivent regarder à la loupe tous leurs contrats d’exploitation de leur sous-sol avec tous les investisseurs. Pas seulement avec la Chine.