Burundi : ils ont la grâce, mais pas la paix intérieure

[Africa Diligence] Malgré les années de guerre et les clivages internes, le Burundi n’a eu de cesse d’accroître son attractivité par l’amélioration constante du climat des affaires. Pour les analystes de Knowdys, le pays pourrait attirer autant d’investisseurs que le Rwanda voisin si les Burundais faisaient la paix et acceptaient d’aller ensemble à la conquête du monde.

Un pays ouvert à plusieurs marchés sous-régionaux

Le Burundi a un accès libre sans quota et sans droits de douane aux principaux marchés internationaux tels que l’UE et les Etats-Unis. Le pays bénéficie également d’un accès libre aux marchés régionaux africains à travers son appartenance à plusieurs communautés économiques régionales telles que la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) et la Communauté est-africaine (EAC). Cette dernière augmente la taille du marché accessible aux produits burundais et stimule la diversification de la production locale.

Des efforts à faire au niveau des infrastructures

Les barrages hydroélectriques amorcés avec le concours des partenaires bilatéraux et multilatéraux vont permettre d’améliorer considérablement l’attractivité du pays en termes d’infrastructures, mais il faut aller plus loin. L’électrification et le désenclavement de l’arrière-pays doivent rester une priorité pour les autorités centrales tant les attentes sont nombreuses. A titre d’exemples : le Burundi compte 1 ligne de téléphone pour 500 habitants, et seules 12 personnes sur 1000 ont accès à internet dans le pays, d’après Knowdys Database.

Un environnement d’affaires en constante amélioration

Selon le dernier rapport de Transparency International, le Burundi est passé de la 165e place en 2012 à la 157e en 2013. Le gouvernement, à travers des formalités administratives simplifiées, a contribué à faciliter la création des entreprises. Le classement Doing Business 2014 l’atteste. Il situe le pays à la 140e place, soit une progression de 17 places par rapport à l’année 2013 (157e).

Par ailleurs, le Burundi n’impose : i) pas de conditions sur l’autorisation d’investir, sauf pour les entreprises qui demandent des mesures incitatives spéciales telles que des avantages fiscaux spécialisés stipulés dans le Code des investissements ; ii) pas de procédure d’exécution sur les entreprises et les investisseurs ne sont pas tenus de divulguer des informations confidentielles au gouvernement dans le cadre du processus de réglementation; iii) pas de condition discriminatoire ou excessivement onéreuse en matière de visa, résidence ou permis de travail, qui ferait obstacle à la mobilité d’un investisseur étranger, ou utiliserait des barrières tarifaires qui constitueraient des politiques préférentielles ou discriminatoires d’import-export.

La guerre civile de 1993-2003 a refondu la carte ethnique de l’oligarchie des affaires, mais elle a aussi amplifié la corruption. Bujumbura doit impérativement réviser la loi anti-corruption pour étendre les compétences des institutions de lutte contre la corruption de manière à protéger les informateurs, et à renforcer le contrôle des marchés fictifs et l’enrichissement illicite.

3 secteurs clés où investir : énergie, service, agroalimentaire

Énergie – Le Burundi accuse un retard important en matière d’accès à l’énergie. Le taux d’accès à l’électricité de sa population est inférieur à 5%, contre une moyenne de 16% en Afrique subsaharienne. Le déficit énergétique important est de 30 MW. Selon Come Manirakiza, le ministre burundais de l’Énergie et des Mines, le pays ne dispose que d’une puissance installée de 45 MW (une puissance intérieure de 30 MW ainsi que 15 MW partagés avec le Rwanda et le Congo) pour faire face à une demande intérieure de 75 MW. Afin de répondre aux besoins énergétiques croissants de sa population, le gouvernement Burundais a initié en décembre 2013, une stratégie portant sur le développement des énergies nouvelles et renouvelables (hydraulique, éolien, solaire…) à l’horizon 2030. Une démarche qui visera à atteindre une puissance de production de 370 MW à l’horizon 2017. Pour cela, la construction de plusieurs barrages et le déblocage de fonds pour les travaux d’aménagements afférents (voies d’accès, ligne de transports d’électricité…) sont nécessaires.

Services – L’impact des réformes économiques est particulièrement palpable dans le secteur des services où le potentiel d’augmentation des investissements est grand. Les investissements dans le secteur des TIC sont en plein essor, en particulier la téléphonie mobile. Les opportunités d’investissement dans les services sont de plus en plus facilitées grâce à l’entrée du Burundi dans la Communauté est-africaine (EAC), qui : i) augmente la taille du marché, ii) stimule la diversification des services, et iii) permet au pays de se positionner dans le secteur sous-régional. En effet, stratégiquement situé aux interstices de l’Afrique centrale, orientale et australe, le Burundi pourrait devenir le point focal du commerce de transit pour les investisseurs étrangers qui souhaitent investir dans la sous-région.

Agroalimentaire – L’industrie agroalimentaire est essentiellement basée sur la transformation des produits agricoles (café, thé, etc.). Malgré toutes les potentialités dont regorge le secteur agricole burundais, de nombreux produits demeurent à l’état brut, nécessitant une transformation. En octobre 2013, Massimo Giovanola représentant de la FAO au Burundi, indiquait que la plupart des pertes des produits de l’agriculture sont le plus souvent enregistrées en phase post-récoltes. Cette situation est principalement due à la faible performance des industries agro-alimentaires. Le potentiel en agro-business reste malheureusement non exploité dans ce pays. Tout ce tableau constitue de réelles opportunités pour les investisseurs qui souhaitent implanter des usines de transformation et de conservation des produits agricoles.

Préconisation : le Burundi pourrait être encore plus attractif si le pays était i) doté d’une diplomatie économique plus offensive, ii) libéré des clivages ethniques et politiques, iii) nanti d’une vraie stratégie de marque pays. Les Burundais gagneraient à faire la paix pour partir unis à la conquête d’un monde qui les considère comme un peuple résilient, un et indivisible.

(Avec Knowdys Database, API Burundi et la CNUCED)