Chine-UE: Pékin fait vaciller les 27

Ce devrait être un théorème pour les stratèges français de la coopération sino-européenne: faire perdre la face aux officiels chinois est un affront impardonnable au pays de Mao. Lorsque cela vient à se produire, la contre-offensive de Pékin remplit souvent trois critères: elle est spectaculaire, mémorable et lourde de conséquences. C’est en pleine crise financière internationale que le géant asiatique a choisi d’humilier la présidence française de l’union européenne.

Souvenez-vous, après le passage tumultueux de la flamme olympique à Paris en avril 2008, nous vous prévenions ici que les dignitaires chinois avaient de la mémoire et qu’ils n’hésiteraient pas, au moment opportun, à riposter à l’affront que les activistes droitdelhommistes français et quelques politiques pro-tibétains venaient  ainsi d’infliger au peuple chinois devant les caméras du monde entier. A l’époque, la real économique avait malgré tout contraint le président français à faire le voyage de Pékin pour l’ouverture des JO et à surseoire à rencontrer le guide spirituel tibétain.

Que Nicolas Sarkozy décide après coup d’un rendez-vous avec le Dalaï-Lama pour le 6 décembre 2008 en Pologne était certes l’affront de trop, mais en réalité un excellent prétexte pour Pékin. Le report sine die du sommet Chine-Union européenne du 1er décembre 2008 auquel devait assister le premier ministre chinois, Wen Jiabao, arrive en effet après de nombreuses mises en garde adressées par les dirigeants chinois aux autorités françaises.  Dans la foulée, Airbus a dû annoncer le report de la finalisation d’une commande de 150 appareils passée par la Chine en novembre 2007. Les rencontres entre businessmen européens et chinois en marge du sommet ont toutes été annulées. A l’heure qu’il est, les opérateurs français dans l’empire du milieu redoutent un durcissement de l’environnement de leurs affaires.

Il n’est pas complexe de profiler les dirigeants politiques français. Les analystes chinois n’ont d’ailleurs pas tardé à comprendre que « le président Sarkozy est très sensible aux pressions…  » Conséquence: lorsque le nouvel exécutif français effectue son premier voyage officiel en Chine en novembre 2007 avec 20 milliards  d’euros de contrat à la clé, les stratèges chinois retiennent l’absence de Yama Yade, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères chargée des droits de l’homme, comme le résultat de leurs pressions sur Paris. En reportant unilatéralement le sommet de Lyon, Pékin a voulu envoyer un signal symbolique fort, profond et durable au vieux continent et à la France en particulier.

L’Europe qui oublie parfois qu’elle n’est ni les Etats-Unis d’Amérique ni réellement unie expérimente donc le courroux spectaculaire d’un acteur devenu incontournable dans le concert des nations à l’heure où la crise financière internationale préoccupe les grandes chancelleries. L’aile dure du régime communiste ne pouvait manquer pareille opportunité pour punir Paris et les 27; un acte historique malgré la relative discrétion des grands médias européens dans le traitement de cette information.

Guy Gweth

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