Le novembre de l’intelligence économique en Afrique

Séminaire d’intelligence économique à l’intention des hauts fonctionnaires de l’administration publique le 27 novembre à Dakar, conférence sur «l’intelligence économique et la veille technologique…» le 19 novembre  à Libreville, rencontre internationale sur le thème « Compétitivité et accumulation des compétences dans la mondialisation…» les 13-14 novembre à Rabat, 2èmes assises de l’intelligence économique les 10-11 novembre à Alger… L’effervescence qu’a connue l’intelligence compétitive en ce 11ème mois de l’année sur le continent mérite notre attention.

Par Guy Gweth

Comme un effet domino

On se souviendra longtemps de cette prémonition du Haut responsable français à l’intelligence économique, Alain Juillet: « l’intelligence économique (IE) sera au 21ème siècle ce que le marketing a été au 20ème. » Le vent d’IE qui a soufflé en Afrique centrale, du nord et de l’ouest en ce mois de novembre 2008 est en effet sans précédent. Comme par effet domino, de Libreville à Dakar, de Rabat à Alger, des spécialistes ont invité les décideurs à discuter des enjeux majeurs de la quête, de la protection, de la diffusion, du management stratégique de l’information utile face à l’exacerbation de la concurrence au niveau mondial.

De Libreville à Dakar

Au Gabon, Prosper Tonda Mabenda du Groupe d’études et de recherches sur la communication (GERC) rattaché à l’institut de recherches en sciences humaines (IRSH) de l’université Omar Bongo (UOB) s’est attelé à décrypter les enjeux et à sensibiliser les acteurs publics et privés aux vertus de l’intelligence économique pour le Gabon. Tonda Mabenda milite pour la création d’un « pôle d’intelligence économique national autour des secteurs vitaux et au sein duquel l’université et la recherche joueront un rôle éminemment stratégique ».

Au Sénégal, le séminaire organisé par le centre d’études diplomatiques et stratégiques (CEDS) et l’agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) a été présenté par les autorités comme point de départ d’une politique publique d’intelligence économique au Sénégal. Cette rencontre a bénéficié de l’expertise de Christian Harbulot, directeur de l’EGE. Une formation de haut niveau devrait voir le jour dès janvier 2009 au sein du CEDS avec, à la clé, un diplôme supérieur spécialisé en intelligence économique et stratégique.

De Rabat à Alger

Au Maroc, les participants à la rencontre internationale organisée sous le patronage de Sa Majesté le roi Mohammed VI ont insisté sur le nécessaire partenariat éducation -secteur privé- secteur public pour faire face aux défis de la mondialisation. Ils ont plaidé pour une dotation d’aide à la création de structures d’intelligence économique pérennes au sein des collectivités territoriales et des entreprises. Une formation de haut niveau en IE devrait bientôt voir le jour au Maroc sur le modèle du 3è cycle spécialisé de l’école de guerre économique de Paris.

En  Algérie, il était question du début de la mise en œuvre des pratiques d’intelligence économique pour 2009. Organisées par le VIP Group, les 2èmes assises de l’IE ont attiré des cadres de l’administration et du privé. Après l’adoption en conseil de ministres d’un projet de loi contre la cybercriminalité, Alger attend désormais la nomination d’un directeur général de l’intelligence économique au ministère de l’industrie. Cette remarquable prise de conscience sur le rôle de l’intelligence compétitive en Afrique appelle cependant quelques mises en garde.

Entre Africains

Il n’y a pas d’intelligence économique sans stratégie. La volonté des Etats de se doter de dispositifs nationaux d’IE est un engagement de longue durée. Mais l’hyper politisation des centres de décisions est un frein. En l’absence d’experts indépendants capables de penser la stratégie des États sur 15-25 ans, il manquera toujours cette cohésion qui fait gagner une équipe. D’autre part, l’intelligence économique étatique est une question de souveraineté et de patriotisme économiques. La place laissée vacante par les acteurs africains de l’IE sur le terrain de la production des connaissances est occupée par la concurrence, mais il serait regrettable d’ignorer leur potentiel. Par ailleurs, nos liens privilégiés avec certains pays ne doivent pas limiter nos choix. Le Japon, la Chine et les Etats-Unis ont des dispositifs d’intelligence compétitive plus performants et plus proches de nos matrices culturelles.

Et si quelque barrière devait empêcher l’Afrique d’accéder aux meilleures pratiques, l’intelligence économique n’y serait que la continuation de ses erreurs par d’autres moyens.