Doing Business in Africa 2019 : ce que la Banque mondiale ne dit pas

[Africa Diligence] Un classement basé sur 10 critères : démarrage d’une entreprise, délivrance de permis de construire, obtention d’électricité, enregistrement des biens, obtention de crédits, protection des investisseurs minoritaires, paiement des impôts, commerce transfrontalier, exécution des contrats, et résolution de l’insolvabilité. Et combien de non-dits?

Doing Business 2019 est la 16ème édition d’une série de rapports annuels mesurant les régulations favorables et défavorables à l’activité commerciale. Le livrable présente des indicateurs quantitatifs sur la réglementation des affaires ainsi que sur la protection des droits de propriété de 190 économies dans le monde. Les auteurs de l’édition 2019 ont répertorié un nombre record de 107 réformes dans 40 pays d’Afrique subsaharienne, parmi tous ceux considérés par les enquêteurs. Ce chiffre représente plus de 34,07% des 314 réformes implémentées par 128 des 190 passés au crible. Ainsi, 5 pays africains ont figuré dans le top 10 des pays ayant réalisé le plus d’efforts pour mettre en place des règles favorables à l’amélioration du climat des affaires. Il s’agit de Djibouti (99ème mondial), du Togo (137ème mondial), du Kenya (61ème mondial), de la Côte d’Ivoire (122ème mondial) et du Rwanda (29ème mondial).

La formation dans le rating

Cette année, Doing Business a collecté des données sur la formation dispensée aux agents de la fonction publique et aux utilisateurs des registres du commerce et des registres fonciers. Le rapport comprend notamment une étude faisant observer que lorsque les agents de dédouanement et les commissionnaires en douane suivent une formation régulière, les contrôles aux frontières et les formalités douanières s’en trouvent accélérés, ce qui facilite la circulation transfrontalière des marchandises. Le Centre Africain de Veille et d’Intelligence Economique (CAVIE) attire l’attention sur une ingénierie en cours dans certains pays à seules fins d’influencer leur classement : taper dans l’œil des enquêteurs de Brettons Woods au moment M, sans pour autant que la réalité des usagers ne varie proportionnellement au gain de places du pays concerné.

Si l’OHADA m’était contée…

Si l’Afrique figure toujours au bas du classement des pays offrant le meilleur environnement pour faire des affaires, l’implémentation de nouvelles réglementations a permis à plusieurs pays du continent d’améliorer leurs positions. Parmi ces réformes, le rapport cite, entre autres, les réalisations de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), qui compte 17 pays membres, ou encore les réformes pour l’accès à l’électricité où le continent s’est également illustré avec le plus grand nombre de transformations majeures (8). C’est le lieu de relever que le Burkina Faso pointe à la 29ème place sur le continent et à la 151ème au niveau mondial. Il est devancé par la Gambie et suivi de la Guinée. A titre d’exemple, les statistiques indiquent que les délais et coûts moyens d’enregistrement d’une entreprise ont chuté de 59 jours et 192% du revenu par habitant de la région en 2006, à 23 jours et 40% du revenu par habitant aujourd’hui. Ici aussi, le CAVIE pointe le fossé qui, dans certains cas, peut séparer la jolie réforme de papier à la dure réalité du terrain.

Ce que Bretton Woods ne dit pas

Faut-il rappeler que le pays africain le plus performant en matière d’environnement des affaires reste l’île Maurice, qui occupe la 20ème place du classement mondial des économies les plus favorables pour entreprendre dans le secteur des affaires ? « Curieusement, les investisseurs mauriciens sont les premiers à reconnaitre qu’il reste encore beaucoup à faire » soutient Guy Gweth, Responsable de Doing Business in Africa à Centrale Paris depuis 2012 et Président du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Economique (CAVIE). Pour cet expert, « ce que Bretton Woods ne dit pas, c’est la distance qui sépare les ficelles utilisées par certains Etats pour grimper dans le classement de la Banque mondiale et la vraie vie des affaires sur le terrain. » C’est sans doute l’une des principales raisons pour lesquelles l’intelligence économique de marque africaine reste décisive pour une appréciation fine et complète de la réalité des marchés africains aux yeux des grands investisseurs internationaux.

La Rédaction (avec OHADA, CAVIE et Knowdys Database)