Intelligence économique au Cameroun : GICAM & CAVIE côte à côte

[Africa Diligence] Célestin Tawamba, président du Groupement Inter patronal du Cameroun (GICAM), a accueilli Monsieur Guy Gweth, président du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Economique (CAVIE), le 08 novembre 2018 au siège du patronat camerounais pour une conférence exceptionnelle de 3 heures.

Dans son mot de bienvenue, le numéro un des patrons camerounais a instamment invité les entreprises camerounaises à « être plus conquérantes et plus agressives sur les marchés, tout en se protégeant des menaces de toute sorte ». Célestin Tawamba en a profité pour rappeler très opportunément que « l’intelligence économique est l’un des trois axes stratégiques du Groupement » qu’il dirige depuis le mois de juin 2017.

« Pour les y accompagner, a poursuivi le patron des patrons, le GICAM s’emploie, entre autres, à produire de manière régulière des informations, tenir à jour des tableaux de bord du secteur privé camerounais, filière par filière, ainsi que d’autres éléments de veille et d’intelligence économiques. » Cette attitude place le Groupement dans une posture de leader national renforcée par une collaboration privilégiée avec le CAVIE.

Le conférencier du jour a entamé son propos en rappelant qu’en 1995, la Chine était encore étudiée, au Cameroun, comme « un géant aux pieds d’argile ».

Guy Gweth a poursuivi son propos introductif en indiquant que c’est cette même année que le Premier ministre, Jiang Zemin, a lancé aux chefs d’entreprises de l’Empire du milieu : « sortez, devenez des entrepreneurs mondiaux ! » 23 ans plus tard, « la Chine est de fait la première puissance économique du monde, le premier partenaire commercial de l’Afrique depuis une dizaine d’années […] Je crois que le Cameroun est une Chine qui s’ignore » a-t-il posé avant de décliner son plan d’intervention.

Un plan en trois mouvements portant successivement sur l’Afrique comme terrain de guerre économique, ensuite les stratégies des puissance en Afrique ; enfin l’intelligence économique comme clé de compétitivité face à l’hyper concurrence en cours sur le continent africain en général et sur le marché camerounais en particulier.

Dans la première séquence, le conférencier a exposé les principales forces et faiblesses qui mettent les marchés africains au cœur des appétits mondiaux.

Concernant les principaux points forts, au-delà des matières premières, l’orateur a passé en revue les 15 glorieuses de la croissance, l’embellie de stabilité politique, l’amélioration du climat des affaires, le boom démographique, la montée en puissance des classes moyennes et les stratégies d’émergence sur plusieurs pays africains.

Un focus a été consacré au Cameroun, à l’aune des statistiques économiques de 2017 et des dernières livraisons de Transparency et de Doing Business. Pour atteindre les objectifs de Vision 2035, a insisté Guy Gweth « le Cameroun doit impérativement accroitre sa productivité, booster le secteur privé, passer le taux d’investissement à 30% en 2035, hisser la croissance du PIB réel à 2 chiffres entre 2020 et 2035, élever la croissance de la productivité à 3% entre 2020 et 2035 et… mettre en place un dispositif de veille et d’intelligence stratégique allant du gouvernement, aux entreprises, en passant par les régions et les collectivités locales décentralisées, au plus tard, en Janvier 2020. »

Sur les principaux points faibles, Guy Gweth a notamment convoqué la corruption, « véritable carie de nos économies », a-t-il dit, le poids des activités informelles « plus de 40% en moyenne continentale », une croissance non inclusive « les riches se sont plus enrichis et les pauvres se sont appauvris davantage entre 2000 et 2015 », l’insuffisance des infrastructures, la faiblesse des échanges intra-africains « figés à 13% », le défaut d’Etats de droit « qui ne rassure pas les investisseurs normaux ».

Pour le conférencier, « tous ces points négatifs qui trouvent leur origine dans cinq dates clés : 1885, 1955, 1990, 2000 et 2015 font que nous attirons prioritairement des acteurs économiques faits pour la jungle, c’est-à-dire pas très portés sur le respect des droits de l’homme, du travail, de l’environnement, de la justice et de la responsabilité sociale des entreprises. Ils ont l’impression d’opérer dans une zone de non-droit. »

Dans la deuxième séquence, l’orateur a passé en revue les stratégies de puissance des pays industrialisés venus à la conquête des marchés africains.

Guy Gweth a étalé et décrypté les stratégies et opérations des Etats-Unis, de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la Chine, de l’Inde, de la Russie, du Brésil, d’Israël, de la Turquie et du Maroc, passant volontairement sous silence les cas singuliers des Japonais et des Libanais, faute de temps suffisant.

Pour chaque pays cité, le conférencier a présenté les éléments de hard power et de soft power, montrant comment le renseignement et l’influence sont décisifs pour l’expansion diplomatique et économique des grands acteurs en compétition sur le sol africain. Il a notamment fait remarquer que, peu ou prou, les puissances ont le même mode opératoire en Afrique avec une tendance prononcée à surexploiter la faille historique que constitue l’incroyable exposition des Africains à l’aide extérieure.

Dans la troisième séquence, l’orateur a expliqué l’extrême nécessité d’une intelligence économique africaine tenant compte du contexte et des spécificités.

Créé en août 2015 à Yaoundé, le Centre Africain de Veille et d’Intelligence Economique (CAVIE) porte et incarne la réponse à cette nécessité. Ses activités concourent à la réalisation d’événements comme cette conférence au GICAM, l’organisation de formations longues (MBA), courtes (3 jours) et bien plus encore.

Au plan opérationnel, le CAVIE surveille 7/7 et 24/24, douez secteurs d’activités clés de l’économie africaine pour permettre aux décideurs économiques de savoir, de manière rapide, précise et sécurisée qui fait quoi, comment, où, pourquoi et à quel prix ? Ces opérations sont réalisées à l’aide d’outils, de techniques et de méthodes que le conférencier a tenu à présenter de manière schématique aux participants.

Du cycle de renseignement, aux surveillances de base, en passant les capteurs d’informations et les fiches synthèse-action, les participants ont été édifiés tant sur l’aspect théorique que pratique de l’intelligence économique en Afrique à la faveur d’un retour d’expérience concret dont le livrable est désormais une application mobile. « Si quelqu’un vous parle d’intelligence économique, demandez-lui ses états de service », a conseillé Gweth pour souligner les caractères concret et opérationnel de la discipline.

La Rédaction (avec le GICAM, le CAVIE et Knowdys Database)