Intelligence économique en Espagne: l’expertise de Hugo ZUNZARREN

50 Retours d’expérience en IE | Cette « failure story » porte sur le marché des montres premium en Espagne. Tout a commencé lorsque notre client, une importante marque de montres suisse, s’est adressé à nous dans une démarche d’approche vers les réseaux sociaux qu’elle ne maîtrisait pas. Elle voulait savoir comment étaient articulés les réseaux sociaux en Espagne, comment ils véhiculaient l’information et à travers qui. Cette marque, dont nous tairons le nom dans un souci de protection du secret des affaires a pour concurrent direct Rolex.

Il faut comprendre d’emblée que cette marque a une culture du secret très développée et que les communications corporatives se font  selon une stratégie contrôlée depuis la centrale en Suisse. Il est compliqué pour les gestionnaires des différents pays d’établir une communication sociale média puisque la marque veut, avant toute chose, lancer plusieurs études d’e-réputation dans toute l’Europe afin d’avoir une connaissance exhaustive de ce milieu.

Plusieurs études sont lancées dans toute l’Europe et le versant espagnol de la marque en est le fer de lance. Cette donnée permet de comprendre l’intérêt qu’ont nos interlocuteurs, car obtenir l’autorisation pour une telle étude est un événement marquant ainsi qu’une prise de risque.

Au fur et à mesure que nous traitons l’information sociale sur la marque (commentaires sur les réseaux sociaux, forums, presse, wikis, microblogs…) nous nous rendons compte que la marque, de par son absence dans ce domaine, doit faire face à beaucoup de malentendus. Ces malentendus et préjugés se sont développés dans la méconnaissance la plus absolue de la marque et sont, lors de l’étude, profondément ancrés dans les croyances des internautes fans de la marque. Des débats animés ont lieu sur les SAV de la marque, sur les nouveaux modèles à venir (dont, même les followers les plus importants ne connaissent rien), sur les caractéristiques techniques des modèles, sur les prix de revente, sur les coûts cachés qu’impliquent les campagnes de marketing qui se répercutent sur le prix final que ces amoureux de la marque doivent payer au final, etc.

Néanmoins, après avoir établi une cartographie des sites les plus importants, des internautes les plus influents (ainsi que leurs tendances marquées : détracteurs, possibles ambassadeurs) et du flux d’information ; ainsi qu’une étude des réseaux d’influence des internautes cités, nous avons pu établir par quel biais les débats étaient influencés (des forums et des blogs étrangers que nous avons répertoriés) et comment cela se répercutait sur les ventes.

Nous avons trouvé de nombreux fans de la marque et très peu de détracteurs (de plus, nous avons pu établir que ces détracteurs l´étaient naturellement ; il ne s’agissait donc pas de « trolls » payés par la concurrence).

Nous avons trouvé quels étaient les relais et vecteurs d’influence à utiliser pour pouvoir « renverser la vapeur ». Mais nous avons trouvé aussi que les fans faisaient montre d’une certaine fatalité en ce qui concerne la hausse des prix, qu’ils ne comprenaient pas. Naturellement, et en raison de la crise économique qui sévit en Espagne, ils se sont rabattus sur le marché de l´occasion et ont cessé d’acheter du neuf.

La perception du consommateur étant ce qu’elle est, qui plus est si elle est abandonnée à elle-même, l’image de marque s’est dégradée et les campagnes de marketing n’ont fait qu’aggraver la situation (dans l’esprit des consommateurs, les prix des montres augmentaient en raison de la cupidité de la marque et des prix exorbitants à payer pour les campagnes de promotion). Il va sans dire que la note de réputation pourrait être meilleure.

Mais, lorsque nous avons réalisé l’étude comparative avec le concurrent direct Rolex, nous avons pu voir que la même perception n’existait pas chez cette marque. Les consommateurs comprenaient parfaitement la raison des augmentations des prix.

Nous avons établi la même cartographie et pu détecter que, dans le marché espagnol de montres de luxe, les vecteurs et relais d´information étaient les mêmes pour toutes les marques premium, que les internautes influents étaient les mêmes pour toutes marques premium et que, en fin de compte, la structure sociale de ce marché sur internet était facile à appréhender, donc à contrôler via communication sociale.

La vraie question nous est alors apparue : pourquoi les internautes de notre client étaient fatalistes et cessaient d´acheter du neuf alors que chez le concurrent ceci ne se vérifiait pas ?

Nous avons creusé et la réponse est apparue : Rolex avait savamment communiqué, dans le forum le plus important via certains internautes influents que la hausse des prix à venir serait due à une augmentation prévisible des prix des matières premières, à la chute du cours du franc suisse par rapport à l’euro et à l’amélioration des capacités techniques des modèles suivants.

En somme une belle stratégie d’IE déclinée à travers une communication « blanche » chirurgicale, menée au bon moment, avec le relai idoine et les meilleurs vecteurs (des fans dont la réputation au sein de leur communauté était sans faille).

 

Hugo ZUNZARREN est associé et Directeur Technique chez Idinteligencia, cabinet de conseil en competitive intelligence et e-reputation basé à Madrid en Espagne. Avant d’embrasser le métier de consultant, ce brillant expert polyglotte a travaillé pendant 10 ans au profit de la Marine Nationale. Il a occupé des fonctions de linguiste d’écoute et de traducteur-interprète d’autorités à la Direction du Renseignement Militaire. Diplômé du 3ème cycle spécialisé de l’Ecole de Guerre Economique de Paris, Hugo ZUNZARREN est également titulaire d’un Master en Marketing obtenu à l’ESIC. Son haut niveau d’expertise, en matière de e-reputation notamment, lui vaut une reconnaissance internationale.