Faire des ressources forestières un moteur de croissance en Afrique

[Africa Diligence] Le commerce du bois en Afrique centrale est l’un des marchés les plus attractifs. Cependant, les bénéfices escomptés ne sont toujours pas au rendez-vous. Du coup, il parait indispensable d’entreprendre un certain nombre de mesures visant à améliorer l’efficacité du secteur notamment « renforcer son intégration et harmoniser divers éléments en amont et en aval de la chaîne logistique », explique la BAD.

Ce n’est un secret pour personne. Les pays du Bassin du Congo n’ont rien à envier aux autres pays d’Afrique sur le plan des ressources forestières. Pourtant, malgré cette richesse naturelle, « la performance économique du secteur se révèle médiocre et ne contribue que très peu au développement économique de ces pays », indique la Banque Africaine de développement (BAD). Une situation qui, à en croire l’institution, est en partie due à « l’hétérogénéité en amont et en aval du processus de production, à la mauvaise intégration du secteur, aux infrastructures inadaptées et à l’incohérence entre les liens de la chaîne du secteur du bois ». Du coup, il parait indispensable d’entreprendre un certain nombre de mesures visant à améliorer l’efficacité du secteur notamment « renforcer son intégration et harmoniser divers éléments en amont et en aval de la chaîne logistique », explique la BAD.

Transparence dans la passation des marchés

 D’après la Banque, la réalisation de ces objectifs de développement nécessite de prêter attention aux composantes du secteur et au ré- seau de relations qui les relie. Et cela passe d’abord par une stratégie marketing efficace qui doit reposer sur la communication d’informations sur les spécifications des produits afin de favoriser une rentabilité optimale pour les producteurs de produits forestiers (amont) tout en tenant compte des besoins des fabricants (aval). Il est donc primordial de renforcer ces liens aussi bien dans les exploitations forestières que dans la filière du bois de sciage, en particulier à travers « l’instauration de contrats formels permettant une meilleure visibilité dans l’organisation du travail et la passation des marchés ». Afin d’augmenter les prix et la compétitivité qualitative des entreprises locales, les mécanismes d’approvisionnement pour les industries en aval, et donc la valorisation du potentiel forestier, devront être améliorés en instaurant une politique de gestion centralisée de l’approvisionnement en bois, de modernisation des transactions basée sur des contrats formels et d’amélioration des services infrastructurels forestiers.

Développement des entreprises locales

La BAD conseille aussi de développer des entreprises locales pour transformer et valoriser le bois. Parce que l’artisanat se trouve en aval de la chaîne de production et cette source directe et indirecte d’emplois locaux est plus importante que le secteur traditionnel. Par ailleurs, les recettes qu’il génère sont réparties de manière plus équitable au niveau local. Il convient selon la Banque, de renforcer les liens qui unissent les entreprises internationales, les Petites et Moyennes Entreprises (PME) et le secteur de l’artisanat. « Les gouvernements pourraient mettre en place des mesures incitatives et autres aides publiques visant à encourager une gestion rentable, écologiquement durable, socialement équitable et intrinsèquement inclusive du secteur forestier », proposent les experts.

Planification de l’utilisation des terres

Les régimes fonciers actuels des pays du Bassin du Congo n’encouragent pas une gestion forestière durable, dit la Banque. Les forêts y sont considérées comme des zones de libre accès appartenant à l’État. Mais la législation foncière de la plupart des pays du Bassin établit un lien direct entre la promotion des forêts et la reconnaissance de la propriété des terres, favorisant ainsi la transformation des forêts en zones agricoles, pour en acquérir les titres de propriété. Il est donc nécessaire d’instaurer une nouvelle législation pour dissocier la reconnaissance de la propriété foncière de la déforestation. L’adoption des principes de planification participative de l’utilisation des terres aiderait à optimiser les objectifs économiques et environnementaux ainsi qu’à réduire les problèmes découlant des chevauchements des titres fonciers et des conflits autour de l’utilisation des terres. Un tel processus permet d’identifier les zones forestières destinées à la préservation et les zones destinées à l’exploitation.

Renforcer la gouvernance

Pour que l’aménagement des terres et les réformes agraires génèrent des changements véritables, les institutions doivent être suffisamment solides pour planifier, surveiller et contrôler les ressources forestières et forger des alliances dans une économie politique complexe. Les institutions doivent être capables de prévenir les activités illégales et de mener à bien des missions difficiles de formalisation de la production de bois artisanal, de la chaîne logistique du bois de chauffage et du charbon de bois, et des exploitations artisanales au sein d’écosystèmes cruciaux. Les administrations publiques doivent également avoir accès aux nouvelles technologies (basées sur des systèmes de gestion des données et des systèmes géographiques) pour que les systèmes d’informations et les réglementations soient étayés par des données. Et aussi comprendre les liens précis entre une gouvernance transparente et responsable, et les capacités des institutions forestières, entre les certifications de conformité, les normes éthiques et celles d’origine et la valorisation des produits.

Mettre l’accent sur une croissance verte

D’après les experts de la BAD, le but ultime du développement de l’industrie du bois dans le Bassin du Congo est la croissance verte, qui devient une source en aval de développement économique capable de réduire la pauvreté et les risques de monopolisation des avantages par une minorité clientéliste. Ainsi donc, les réformes devraient assurer une distribution équitable des dividendes issues de l’exploitation des ressources du secteur, en accordant une attention particulière aux impacts sur les populations vulnérables dans les zones d’exploitation. Mais « il faut également éviter les conflits entre les exploitants et les populations locales dans ces zones, comme cela s’est déjà produit dans les zones d’exploitations pétrolières et minières dans d’autres pays africains ». Promouvoir la coopération interrégionale

Le développement optimal de l’industrie du bois nécessite enfin, une approche régionale qui tienne compte de la complexité et des caractéristiques transfrontalières des écosystèmes et des marchés régionaux et continentaux. Avec une population supérieure à un milliard d’habitants, dont 400 millions vivent en zone rurale, la demande en produits issus du bois ne cessera d’augmenter et représentera une importante source d’emplois, en particulier dans le secteur de la construction. Les marchés croissants des grands pays consommateurs de bois tels que l’Égypte, le Kenya, le Maroc, le Nigéria et l’Afrique du Sud, dont les standards sont moins élevés que dans les marchés européens et asiatiques, offrent aux pays du Bassin du Congo d’immenses opportunités de développement de leur production de bois. Au final, pour progresser dans cette direction, pense la BAD, il convient d’accélérer la mise en œuvre de la déclaration de Yaoundé de 1999, ratifiée par les chefs d’État des pays du Bassin du Congo. Cette déclaration historique et le Plan de convergence qui en a découlé, y compris le partenariat pour les forêts du Bassin du Congo, ont en effet dé- fini le cadre des objectifs communs en matière de préservation des forêts et d’adoption d’une approche régionale intégrée et multidimensionnelle du secteur du bois dans les forêts du Bassin du Congo.

La Rédaction (avec Arthur Wandji)