Guy Gweth sur RFI: «Je ne peux pas laisser dire ça !»

[Africa Diligence] Pour déchiffrer la croissance en Afrique, en France et en Chine, Jean-Pierre Boris (RFI) a convié Cecilia Garcia Penalosa, professeure d’économie à l’université d’Aix Marseille, Jean-François Ouvrard, directeur des études de Coe-Rexecode et Guy Gweth, fondateur du cabinet d’intelligence économique Knowdys. Ce qu’il ne fallait pas manquer.

Partout, les gouvernements essaient de générer de la croissance. Si la France et l’Europe tournent au ralenti, l’Afrique apparait comme la nouvelle frontière de la croissance. De son côté la Chine, après trente ans de progression insolente, commence à donner des signes de faiblesse. Alors comment générer de la croissance et comment la transformer en développement ? Pour répondre à ces questions, trois invités autour de Jean-Pierre Boris. Cecilia Garcia Penalosa, professeure d’économie à l’université d’Aix Marseille, Guy Gweth, du cabinet d’intelligence économique Knowdys et Jean-François Ouvrard, directeur des études de Coe-Rexecode.

D’entrée de jeu, Guy Gweth a tenu à préciser que « la croissance a un effet pavlovien sur le citoyen africain averti. Premièrement parce qu’elle induit une augmentation de revenu des habitants et deuxièmement parce qu’elle convoque une amélioration des conditions de vie matérielles. Force est de constater que ces conditions ne sont pas encore remplies en Afrique.» Pour montrer les dangers d’une croissance non inclusive, le fondateur de Knowdys a pris l’exemple du Burkina Faso : « Voilà un pays de 17 millions d’habitants (aussi grand que le Gabon en superficie), dont plus de 60% de la population a moins de 20 ans. Au cours des 15 dernières années, le pays a enregistré 5.8% de croissance, 6,8% attendus au quatrième trimestre 2014, mais 46% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et 53% des 15-35 ans sont au chômage […] A quoi vous attendez-vous lorsqu’il y a le moindre départ de feu ? »

QUATRE REPORTAGES

A Dakar, le gouvernement veut sortir le pays du sous-développement en 20 ans. La priorité c’est d’assurer la fourniture en électricité. Quatre nouvelles centrales verront le jour. Les travaux ont démarré. Bineta Diagne, s’est rendue sur le plus gros site, celui de Sendou, à la sortie de Dakar.

Les pays africains seraient-il plus riches qu’ils ne veulent laisser croire ? « La plupart des statistiques officielles en provenance d’Afrique et sur lesquelles se basent les institutions de Bretton Woods sont sous-évaluées », a estimé Guy Gweth. « Comment expliquez-vous que des personnes qui gagnent théoriquement 4 dollars par jour ont des smartphones ? Personne n’y répond jamais ! Personne ne prend suffisamment en compte la force de l’économie informelle dans le calcul de la croissance africaine »

Plusieurs études de Knowdys Consulting Group ont en effet démontré que ¾ des Etats subsahariens minimisent leurs richesses afin de paraître toujours plus pauvres pour continuer à bénéficier de l’aide internationale. Pour le fondateur de Knowdys, « la croissance africaine est bien plus forte que ce que montrent les statistiques actuelles. »

La croissance africaine fait des envieux. Mais cette hausse des PIB ramène seulement le continent aux niveaux de richesse qu’il avait connu il y a soixante ans. C’est ce qu’affirme l’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla.

Cette affirmation a littéralement choqué Guy Gweth qui a tenu à rappeler que si la croissance africaine n’est pas encore inclusive, on ne peut la comparer à celle d’il y a 50 ans… « Je ne peux pas laisser dire ça ! » a clamé l’expert en intelligence économique, estimant que la richesse africaine a changé de nature et qu’il est prématuré de juger les stratégies d’émergence en cours : « les réalités ne sont plus les mêmes […] et une fois de plus, comparaison n’est pas raison ».
« Combien d’entreprises y avait-il en Afrique il y a 50 ans ? Quelle valeur ajoutée généraient-elles, s’est interrogé Guy Gweth en coulisses, avant de poursuivre : dans les faits, les plus grandes entreprises surfent aujourd’hui sur la croissance africaine et c’est un économiste africain qui vient montrer qu’en théorie, l’Afrique n’a pas bougé. Quel est l’effet final recherché ? Est-ce simplement du jus de cerveau d’analyste?»

Selon l’économiste Andrew Warner du FMI, les grands travaux d’infrastructures ne génèrent pas la croissance dont on les crédite. Exemple avec la situation mexicaine où les énormes dépenses des années 1970 ont provoqué la crise de la dette des années 1980.

Durant toute la durée de l’émission, Guy Gweth n’a eu de cesse de marteler que les infrastructures sont primordiales pour soutenir la croissance africaine et la transformer en développement. « En Afrique, a-t-il souligné, l’absence d’infrastructures coûte 40 points sur 100 à la productivité des entreprises […] Une ville africaine sur trois est plongée dans le noir toutes les 72h […] Et le commerce intra-africain s’élève à 11% alors qu’il est de plus de 60% en zone Euro et 87% aux Etats-Unis. »

A ceux qui soutiennent que la clé de la croissance africaine serait cachée dans l’urbanisation, Guy Gweth a répondu que « le villageois qui est au fin fond du Congo ou du Gabon ne prend pas rendez-vous avec la croissance pour aller en ville à la recherche d’une vie meilleure ». De fait, ¾ des Africains vivront dans les villes en 2050. Cela équivaut-il à une croissance automatique ? « Comment va-t-on loger ces personnes qui gagnent théoriquement moins de 2 dollars par jour s’il manque des infrastructures ? », a demandé le fondateur de Knowdys.

En Chine, la croissance donne des signes de faiblesse. Les usines sont en surcapacité et le marché immobilier regorge de biens qui ne trouvent plus preneurs. Des « villes fantômes » qui pèsent sur l’économie chinoise… portée justement par le secteur immobilier. Un reportage de la correspondante de RFI à Pékin Heike Schmidt.

A la question de savoir s’il était inquiet pour la Chine au regard de la baisse de sa croissance actuelle, Guy Gweth s’est montré rassurant : « Je ne suis pas inquiet. Durant les 10 années qu’il a passées à la tête du parti communiste, a dit l’expert en intelligence économique, le président Hu Jintao était obsédé par une croissance à deux chiffres parce qu’il lui fallait notamment créer 10 millions d’emplois par an pour assurer la stabilité du pays. Or le 08 novembre 2012, à l’occasion du 18ème congrès du parti communiste chinois, le président Hu a prononcé un discours de 90 minutes durant lequel il a annoncé le nouveau modèle de croissance chinois : moins tourné vers les exportations et plus axé sur la demande intérieure. Objectif : doubler le PIB et le revenu par habitant qui est de 3500 dollars en zone urbaine. Cet objectif est repris dans le 12ème plan quinquennal (2011-2014). Arrivé au pouvoir en 2012, le président XI Jinping bénéficie encore d’un état de grâce qui lui donne les coudées franches pour mener à bien des réformes nécessaires (lutte contre la corruption, assainissement du système financier et montée en puissance de la RSE) qui ne sont pas tributaires d’une croissance à deux chiffres. »

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(Awa Diallo, avec RFI et Knowdys Database)