Infoguerre à Bretton Woods: la cible DSK

Edité le 19 octobre 2008 | En matière de guerre par l’information (infoguerre), l’éthique, la loi, le bon sens, ne sont pas une fin. Ce sont des moyens. Ils servent à fabriquer des vérités ou des contre-vérités en fonction des perceptions du groupe-cible. Le Conseil en infoguerre n’a donc pas vocation à émettre un quelconque jugement sur l’acte posé par le client. Il part du postulat que nul n’est parfait, et active le pouvoir de l’information ouverte (ou fermée) de manière défensive (ou offensive) aux fins d’atteindre un objectif. L’attaque qui vise l’actuel directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn (DSK), mérite qu’on s’y attarde. Elle est pédagogique à plus d’un titre.

La faille exploitée par les anti-DSK

Dominique Strauss-Khan est à peine nommé directeur du FMI en septembre 2007 qu’il tombe sous le charme de la Hongroise Piroska Nagy, responsable du département Afrique du Fonds. Début 2008, les deux hauts fonctionnaires deviennent intimes. Problème: Nagy est mariée, DSK aussi. L’idylle tourne court et la Hongroise démissionne du Fonds. Mais déjà, une sourde rumeur enfle à Bretton Woods qui arrive aux oreilles d’Aleksei Mozhin, le représentant de la Russie. Il  alerte l’époux de Piroska Nagy, Mario Blejer, lui aussi ancien employé du FMI. En rappel, lorsque Paris avait proposé DSK à la direction du FMI, la Russie avait énergiquement protesté. Moscou soutenait alors la candidature de Josef Tosovsky, ancien premier ministre et ex-membre des services secrets de Prague. Mozhin, c’est peu dire, s’était insurgé contre la mainmise de l’Occident sur les institutions de Bretton Woods. Début juillet, le Russe porte l’aventure extra-conjugale du directeur à l’attention du Doyen du Fonds, Shakour Shaalan. Ce dernier demande alors au cabinet d’avocats Morgan, Lewis & Bockius d’enquêter sur d’éventuels abus de DSK dans les causes et les modalités de départ de Piroska Nagy du Fonds monétaire international en août 2008.

Matrices culturelles et particularismes

Lorsque les journalistes français Christophe Deloire et Christophe Dubois publient « Sexus Politicus » en été 2006, leurs collègues américains sont surpris de voir que l’opinion publique française ne s’offusque pas spécialement des frasques extra-conjugales de leurs dirigeants. Outre-Atlantique, le rapport très détaillé de Kenneth Starr sur le « Monica Gate » montre à quel point l’infidélité d’un dirigeant peut être problématique, surtout si elle est doublée de parjure. Et pour aussi excessive que puisse paraître l’Amérique, cette pudeur, voire cette pudibonderie, protestante vaut pour toutes les hautes personnalités officiant sur le sol étatsunien. Dominique Strauss-Kahn était-il au fait de ce détail ? Quelle que soit la réponse, les Ivans qui l’avaient déjà profiler n’ont pas manqué de le cribler… Qu’il soit blanchi ou pas,  DSK sortira affaibli de cette affaire, y compris dans sa posture de meilleur présidentiable socialiste en France, sauf coup de théâtre. Pour ce qui est de Bretton Woods, la crise financière, économique et à présent morale ne fera qu’accentuer la crise de légitimité dont souffre l’ensemble du système des Nations Unies depuis quelques années déjà.

La protection de la réputation, un marché…

Dès sa parution en octobre 2006 aux éditions Fayard, si certaines compagnies d’assurance s’étaient penchées sur « une brève histoire de l’avenir », elles auraient sans doute déjà innové en proposant une « assurance-réputation » à leurs clients VIP. Et il n’est pas tard. Dans cet ouvrage qui n’a pas connu le succès qu’il mérite, l’auteur, Jacques Attali, prévient que sous peu, les personnalités devront cher payer pour avoir droit à une vie privée. La preuve… Après le départ brutal de l’ex-patron de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, acculé à la démission en mai 2007 pour favoritisme à l’endroit de sa maîtresse libyenne Shaha Riza, le cas de DSK révélé par le Wall Street Journal dans son édition du 18 octobre 2008 vient rappeler à ceux qui en doutaient encore que la protection de la réputation est promise à un bel avenir. Dans un monde globalisé où l’information est devenue une arme, l’accessoire (un détail de la vie privée) peut facilement l’emporter sur le principal (les compétences) et avoir de graves conséquences sur la crédibilité (des institutions).

Que ce soit contre l’écrivain Milan Kundera ou  Miss France 2008, Valérie Bègue, le milliardaire camerounais Yaya Bello ou l’actuel directeur  du FMI, Dominique Strauss-Kahn…, les cas de déstabilisations par l’information ont une constante. Les victimes sont présumées coupables jusqu’à ce que la preuve de leur innocence soit établie.

GG