Mozambique : quelle histoire raconter aux investisseurs ?

(Africa Diligence) Faut-il parler de coïncidence ? Les violences entre ex-rebelles mozambicains du RENAMO et forces gouvernementales éclatent dans au moment où les experts estiment que le Mozambique pourrait devenir, d’ici 10 ans, le quatrième producteur mondial de gaz. Quelle histoire Maputo va-t-il raconter aux investisseurs ?

« Avante a luta contra a pobreza ». Luttons pour combattre la pauvreté. Les affiches le proclament fièrement dans les rues de la capitale Maputo. Le Mozambique veut sortir des affres du sous-développement. Une vraie gageure. Epaulé par les bailleurs de fonds et élève modèle du FMI, le pays connaît une croissance annuelle de 7% par an depuis 15 ans. Mais plus de la moitié de la population est analphabète et vit en dessous du seuil national de pauvreté avec moins de 40 centimes d’euros par jour.

Dans les années à venir, la croissance va se poursuivre, car l’ancienne colonie portugaise regorge de ressources naturelles : or, titane, phosphates, rubis, hydroélectricité, produits de la pêche etc. Mais c’est surtout le sous-sol qui donne le tournis aux investisseurs. Le Mozambique disposerait de 10% des réserves mondiales de charbon. Une vraie manne pour les pays en voie de développement -Chine, Inde et Brésil etc.- qui ont besoin de matières premières pour assurer leur croissance. Et depuis peu, de gigantesques découvertes ont été réalisées en matière de gaz, sur des champs offshore.

Des réserves deux fois supérieures à celle de la Norvège

« Le Mozambique disposerait de 2.000 milliards de mètres cubes de gaz, le double des réserves de la Norvège, dit-on dans une chancellerie à Maputo. Il pourrait devenir le troisième producteur mondial ». Francis Perrin, directeur de la rédaction de Pétroles et gaz arabes et plus prudent. « Le Mozambique pourrait être à partir des années 2020 le quatrième ou le cinquième producteur de gaz ». Mais au-delà de ces querelles d’experts, une chose est sûre, le pays va compter en matière d’hydrocarbures. « L’énergie devrait représenter 10% de notre PNB dans 10 ans, contre 5% aujourd’hui », dit la ministre des Mines Esperança Bias.

Au Mozambique, les investissements étrangers explosent. Ils sont passés de 700 millions de dollars en 2009 à 5,2 milliards l’an dernier. Le pays est devenu une sorte de Babel pour les expatriés. Principalement chinois, indiens, italiens, australiens espagnols, et bien sûr brésiliens et portugais. Conséquence de cet afflux, les prix explosent. Certaines villas se louent 5.000 dollars par mois. Les grands groupes énergétiques se sont implantés.

Le Brésilien Vale et l’anglo-australien Rio Tinto pour le charbon. L’Italien ENI et l’Américain Anadarko pour le gaz. Les deux industriels qui ont acquis deux immenses champs offshore vont construire un terminal de GNL dans la province de Cabo Delgado dans le nord, pour exporter le gaz liquéfié par méthanier. Ces dernières années, d’autres acteurs comme le Malaisien Petronas, le Norvégien Statoil et le Français Total se sont aussi positionnés. Les grandes manœuvres commencent car l’exploitation ne débutera pas avant 2018. En août dernier, l’Indien ONGC Videsh n’a pas hésité à payer 2,6 milliards de dollars pour obtenir une participation de 10% dans le champ gazier d’Anadarko. « Ca valorise le champ à 9,6 milliards de dollars, indique Francis Perrin, de Pétroles et gaz arabes. On est vraiment maintenant dans la cour des grands ».

 La corruption, un mal endémique

 Le Mozambique est assis sur un tas d’or. « Si le gaz génère un milliard de dollars de profit à partir de 2018, on aura résolu nos problèmes », indique Manuel Chang, ministre des Finances. Grâce à la compagnie nationale d’hydrocarbures ENH, les royalties et la fiscalité, le pays va dégager des ressources colossales. Mais qui va en bénéficier ? Ces dernières années, le Mozambique a commencé à moderniser ses infrastructures.

« Ils créent des pistes, des routes et il y a un gros effort pour électrifier les villages », dit un bon connaisseur du pays. Le climat des affaires n’en reste pas moins médiocre. Le Mozambique figure en 146ème position du classement Doing Business de la Banque Mondiale. La corruption a atteint une telle ampleur que les ONG scandinaves, qui historiquement furent les premières à soutenir le pays, ont décidé de réduire leur aide. Le personnel politique est très lié aux multinationales.

« Dans le nord du pays, le Brésilien Vale qui construit une ligne de chemin de fer pour transporter le charbon a soumis un projet d’expropriation au gouvernement et celui-ci a été quasiment accepté tel quel », déplore Taciana Peao Lopes, avocate au cabinet CGA à Maputo.

Pas sûr que la manne gazière change la donne. On l’a vu pour l’Angola et le Nigéria où l’afflux de pétrole n’a fait qu’encourager la corruption, les ingérences étrangères et les comportements de prédation.

L’actuel président quittera le pouvoir en 2014

« L’atout du Mozambique est d’avoir vu les dérives de ces deux pays, dit Francis Perrin. Ils savent ce qu’il ne faut pas faire. L’exemple du Ghana qui a profité de la ressource pétrolière pour développer son agriculture est intéressant. Il faut que le Mozambique alloue un pourcentage de ses revenus gaziers à un fonds dédié aux dépenses sociales, de santé, d’éducation ». La référence dans ce domaine étant la Norvège qui, grâce à la bonne gestion de sa manne pétrolière, dispose du plus grand fonds souverain du monde, 560 milliards d’euros…

L’avenir du Mozambique se jouera en partie l’an prochain, au moment des élections présidentielles. Après avoir caressé l’idée de changer la constitution pour pouvoir se représenter, l’actuel chef de l’Etat, Armando Guebuza, 70 ans, y a finalement renoncé. Une nouvelle génération de dirigeants, moins marquée par l’idéologie, va donc prendre le pouvoir à Maputo. « Même si tous les signaux ne sont pas bons, je suis plutôt optimiste pour l’avenir, dit un diplomate. Une chose est sûre, le Mozambique qui a connu une terrible guerre civile qui fit un million de morts entre 1978 et 1992, est vacciné contre la violence ».

(Avec Nicolas Stiel)