Investir dans l’agroalimentaire en Afrique

[Africa Diligence] En 2050, l’Afrique abritera 38 millions de personnes affamées à cause du changement climatique. Plus proche,  en 2020 le continent connaitra des pénuries alimentaires majeures. Une situation qui peut donner des idées aux investisseurs en quête de marchés africains.

La Commission européenne et l’Union africaine ont mis sur pied un groupe de travail sur l’Afrique rurale en mai 2018. L’agriculture a pris une place centrale dans leur relation depuis le sommet UE-Afrique d’Abidjan en novembre 2017.

Le groupe de travail et ses 11 experts ont été chargés de soumettre des recommandations en janvier 2019, avec un mandat qui se concentre sur la promotion de la sécurité alimentaire, le transfert de compétences, l’adaptation au changement climatique et l’investissement dans l’agro-industrie.

L’Institut international de recherche sur la politique alimentaire estime que l’Afrique abritera 38 millions de personnes affamées de plus d’ici à 2050, à cause du changement climatique. L’institut prévoit aussi que le continent connaitra des pénuries alimentaires majeures d’ici à 2020 et que la malnutrition sera en hausse ces 20 prochaines années.

Carlos Lopes, le haut représentant de l’Union africaine sur les négociations du nouvel accord de Cotonou, estime que l’accord de libre-échange continental africain (ACFTA) permettra plus d’intégration dans les chaines de valeur africaine, ce qui consolidera l’industrie et permettra à l’agriculture africaine d’alimenter des marchés de masse.

Tout cela nécessite toutefois une hausse rapide des investissements, tant publics que privés dans l’industrie agricole africaine.

Le manque d’usines de transformation africaine signifie que les pays du continent se retrouvent souvent à exporter des matières premières puis à importer le produit fini.

« Presque tout est importé, même le café, qui est l’un des principaux produits d’exportation du pays lorsque la graine est encore verte et pure. Nous avons besoin de plus d’investissement dans la transformation », affirme Erik Habers, chef de la coopération au développement dans la délégation de l’UE en Éthiopie.

« Nous nous penchons davantage sur les liens entre petits exploitants, coopératives, secteur privé, transformation », a-t-il ajouté.

En effet, le manque d’investissement et le manque d’accès au financement sont les principaux obstacles à l’agriculture africaine. Les institutions de financement du développement ont promis d’améliorer leur offre de financement puisque moins de 15 % des préteurs en Afrique offrent des services à des exploitations agricoles et à des petits agriculteurs.

Dans des régions comme l’Afrique subsaharienne, les petits agriculteurs exploitant moins d’un hectare produisent 70 % de la nourriture totale consommée. La croissance économique dans l’agriculture est 11 fois plus efficace pour réduire la pauvreté que la croissance dans d’autres secteurs.

Le Plan d’investissement extérieur de l’UE, qui pourrait s’élever à 44 milliards d’euros, promet de se centrer sur le soutien aux entreprises agricoles. De son côté, la Banque africaine de développement prévoit d’investir plus de 20 milliards dans l’agriculture dans les dix ans à venir, dans le cadre de sa stratégie « Nourrir l’Afrique », lancées en 2015.

« Les ressources internes des pays africains doivent être complétées par des ressources européennes, et cela doit inclure le secteur privé, assure Tom Arnold, responsable du groupe de travail Afrique rural.

Ce n’est cependant qu’un début. Le secteur des finances ne répond qu’à moins de 3 % des demandes des petits producteurs. Au total il faudrait environ 390 milliards d’euros.

Les donateurs et les institutions de financement du développement cherchent notamment à rendre les régimes d’assurance des récoltes plus attrayants financièrement. Quelques sociétés de microfinancement ont récemment remporté un franc succès en Afrique de l’Est, comme le One Acre Fund et Juhudi Kilimo. Leur action devrait toutefois être démultipliée.

« L’agriculture est le principal moteur de transformation de l’économie africaine. Nous voulons affronter les problèmes de la sécurité alimentaire, de la dégradation des terres, de la pauvreté et du commerce », explique Josefa Sacko, commissaire à l’économie rurale et à l’agriculture de l’UA, à Euractiv lors du lancement du groupe de travail Afrique rurale.

La question est de savoir comment l’Afrique, avec un soutien croissant de l’Europe, peut mettre cela en pratique.

La Rédaction (avec Benjamin Fox)

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