La mafia italienne à l’assaut des marchés africains

Depuis le renforcement de la répression sur le trafic entre l’Amérique du Sud et l’Europe, l’organisation criminelle la plus puissante d’Europe a jeté son dévolu sur l’Afrique de l’ouest, ainsi que sur la Somalie (trafic de déchets), le Kenya et l’Afrique du Sud (trafic de diamants). Comme la plupart des multinationales, la ’Ndrangheta suit la croissance en Afrique.

Elle tire son origine du mot grec andragathia, qui signifie « héroïsme » et « vertu ». Moins connue que la Mafia sicilienne ou la Camorra napolitaine, la ’Ndrangheta est considérée comme l’organisation criminelle la plus puissante et la plus dangereuse d’Europe.

Comme les autres mafias, elle a son code d’honneur, sa loi et ses chefs, ses rituels, son tribunal, sa musique et ses chansons. On y entre par la naissance, parce qu’on est fils d’une famille ’ndranghetiste, ou par le « baptême » à partir de 14 ans. On en fait partie jusqu’à la mort. Le novice s’engage corps et âme, « au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ ».

C’est aussi un labyrinthe difficile à cerner dans la mesure où très peu de « repentis » ont osé se livrer ou se laisser retourner par les services de sécurité pour détailler ses organigrammes et ses luttes internes.

L’expansion de la ’Ndrangheta n’a jamais cessé depuis les années 1950. Son chiffre d’affaires annuel est estimé à 44 milliards d’euros. Près de 3% du PIB italien. La majeure partie des ressources provient du trafic de stupéfiants (60%). Viennent ensuite les participations aux appels d’offres (la ’Ndrangheta contrôle entièrement le chantier de l’autoroute Salerne-Reggio de Calabre), le racket, l’usure, les jeux de hasard, le trafic d’armes, et, plus récemment, d’êtres humains, de déchets toxiques et radioactifs.

Avec la récession, de plus en plus d’entrepreneurs en difficulté s’adressent aux « boss » pour obtenir les prêts que leur refusent les banques. La ’Ndrangheta prête l’argent mais prend la majorité dans l’entreprise. Un pied dans le commerce illégal, un autre dans la finance, elle risque de devenir un rouage indispensable à l’économie du pays.

L’exportation du crime organisé calabrais à l’étranger a commencé avec les grandes vagues d’émigration du XIXe siècle. D’abord au Canada et en Australie, puis, plus tard, en Allemagne et en Belgique. Il y a trente ans, l’organisation contrôlait le commerce de la cocaïne en Espagne, au Portugal et aux Pays-Bas. Elle a fini par traiter directement avec les narcos colombiens.

Depuis le renforcement de la répression sur le trafic entre l’Amérique du Sud et l’Europe, la ’Ndrangheta a jeté son dévolu sur l’Afrique de l’Ouest, mais opère aussi en Somalie (trafic de déchets), au Kenya et en Afrique du Sud (trafic de diamants).

Cette multinationale du crime étend ses tentacules partout. « Un peu comme une chaîne de fast-food, elle offre dans le monde entier la même marque, fiable, identifiable, reconnaissable, et le même produit criminel », expliquait à Rome récemment le président de la commission anti-mafia du Parlement. Mais elle n’a jamais coupé le cordon ombilical avec la Calabre des origines et préfère investir en Europe. Le recyclage des gains accumulés par l’organisation est concentré en Italie, en Grande-Bretagne et en Allemagne. On le retrouve de plus en plus investi dans les pays d’Europe de l’Est, essentiellement en Russie, Hongrie, Pologne et Roumanie… où elle retrouve d’autres réseaux criminels avec lesquels les affaires peuvent prospérer.

(Avec Anne TRECA)