Mali: IBK demande le réexamen de tous les contrats miniers et pétroliers

(Africa Diligence) A la demande du nouveau chef de l’Etat malien, Bamako va procéder à un « inventaire complet » des contrats en cours dans les secteurs minier et pétrolier. IBK n’exclut pas de renégocier ceux qui sont contraires aux intérêts de son pays.

« Le gouvernement a décidé de dresser un inventaire complet de ce qui existe – contrats miniers, titres, permis – que ce soit dans le secteur des mines ou celui du pétrole », a-t-il dit avant d’ajoute : « s’il y a des contrats qu’il est nécessaire de revoir dans l’intérêt du Mali, nous entamerons des négociations avec les partenaires concernés », a-t-il ajouté.

Contrats tous azimuts 

En effet, le gouvernement de transition était comme engagé dans une course de contrats en fin de mandat.

Sur le rapport du ministre des Mines, le Conseil des ministres a adopté, le 24 juillet 2013, soit 4 jours avant la tenue du 1er tour de l’élection présidentielle :

« 1°) Deux projets de décret portant approbation de deux conventions de partage de production entre le gouvernement de la République du Mali et la Société Circle Oil and Gas LTD portant sur les blocs 21 et 28 du bassin de Taoudéni pour la recherche, l’exploitation, le transport et le raffinage des hydrocarbures liquides ou gazeux.

Dans le cadre de la promotion de la recherche et de l’exploitation d’hydrocarbures pour favoriser le développement économique du pays, le gouvernement, à travers le ministre des Mines, a signé deux conventions de partage de production avec la société Circle Oil and Gas LTD. Ces conventions ont pour objet de permettre à la société Circle Oil LTD d’effectuer pour son compte, sur les blocs 21 et 28 de du bassin de Taoudéni, les activités de recherche d’hydrocarbures et en cas de découverte de gisements commercialement exploitables, les activités d’exploitation.

Ces conventions définissent les engagements de la société pour les quatre premières années notamment :

– le traitement et l’interprétation des données géo-scientifiques existantes ;

– la réalisation d’une campagne sismique ;

– la réalisation d’études d’ingénierie de réservoir ;

– la réalisation de travaux de forage ;

– la contribution à la promotion de la recherche et à la formation du personnel.

La société Circle Oil LTD fournira tous les moyens financiers et techniques nécessaires au bon déroulement des opérations pétrolières. Les coûts pétroliers supportés seront recouvrables dans les conditions définies par la convention. Durant la période de validité de la convention, la production des opérations pétrolières sera partagée entre l’Etat et la société.

Pendant les quatre premières années, la société Circle Oil and Gas LTD s’engage à dépenser sur le bloc 21 un montant minimum de 6 millions 500 mille dollars américains soit environ 3 milliards 250 millions de Fcfa et sur le bloc 28 un montant minimum de 3 millions 900 mille dollars américains soit environ 1 milliard 950 millions de Fcfa.

2°) Un projet de décret portant approbation de la convention de concession entre le gouvernement de la République du Mali et la Société New Catalyst Capital Investments portant sur le bloc 4 du bassin de Taoudéni pour la recherche, l’exploitation, le transport et le raffinage des hydrocarbures liquides ou gazeux.

En application des dispositions de la loi du 2 août 2004 portant organisation de la recherche, de l’exploitation, du transport et du raffinage des hydrocarbures, le Conseil des ministres a approuvé la convention pétrolière de concession entre le gouvernement de la République du Mali et la Société New Catalyst Capital Investments portant sur le bloc 4 du bassin de Taoudéni.

Cette convention a pour objet de déterminer les conditions générales économiques, juridiques, administratives, financières, fiscales , douanières et sociales dans lesquelles la société procédera à titre exclusif aux travaux de recherche d’hydrocarbures à l’intérieur d’un périmètre défini en vue de déterminer l’existence de gisements susceptibles d’une exploitation industrielle, le cas échéant, l’exploitation desdits gisements.

Aux termes de ladite convention la Société New Catalyst Capital Investments fournira tous les moyens financiers et techniques nécessaires au bon fonctionnement des opérations pétrolières et supportera en totalité tous les risques liés à la réalisation de celles-ci.

Pendant la période initiale du permis de recherche, New Catalyst Capital Investments s’engage à dépenser sur le bloc un montant minimum de 69 millions 310 mille USD soit environ 34 milliards et 655 millions de Fcfa.

En cas de découverte d’un gisement d’hydrocarbures économiquement exploitable, la participation de l’Etat sera de 20 % au maximum. La production résultant des opérations sera sujette au paiement de redevances ».

Collision avec les paradis fiscaux ? 

Deux semaines auparavant, c’est-à-dire le 10 juillet, le Conseil des ministres a adopté, sur le rapport du ministre des Mines, un projet de décret de décret portant approbation de la Convention de partage de production entre le gouvernement de la République du Mali et la Société Corvus Resources Management LTD portant sur le bloc 6 du bassin de Taoudéni pour la recherche, l’exploitation, le transport et le raffinage des hydrocarbures liquides ou gazeux.

« Dans le cadre de la promotion de la recherche et de l’exploitation d’hydrocarbure pour favoriser le développement économique du Mali, le Gouvernement a signé une convention avec la Société Corvus Resources Management LTD, société de droit des Iles Caïmans. Aux termes de ladite convention, sur une période de 4 ans, la Société Corvus Resources Management LTD s’engage à effectuer sur le bloc n°6 du bassin de Taoudéni, des travaux de recherche et un forage pour un montant de 35 millions de dollars des Etats Unis, soit 17 milliards 500 millions de Fcfa environ. La convention détermine les droits et les obligations de la Société Corvus Resources Management LTD et de l’Etat. Elle précise les modalités du recouvrement des coûts et de partage de la production en cas de découverte de gisements commercialement exploitables », détaille le conseil des Ministres dans un communiqué officiel.

 Cerises sur le superflu 

Preuve d’acharnement superflu de marquer davantage son territoire lucratif, le ministère des Mines s’est payé le luxe d’organiser un séminaire de trois jours, du 26 au 28 août 2013, dans le but d’initier les hommes de média aux terminologies de l’industrie extractive, soit moins d’une semaine avant l’investiture officielle du nouveau président élu et connu depuis de 11 août 2013 : Ibrahim Boubacar KEITA Alias IBK.

Ce dernier avait pourtant prévenu dans son discours d’investiture, le 4 septembre 2013, au CICB : « Je puis, Monsieur le Président de la Cour, Mesdames et Messieurs, vous dire que le Président de la République que je suis désormais, grâce à cette confiance massive des Maliennes et des Maliens, fera de ce socle, le départ du renouveau de notre pays dans tous les domaines. Ah, Maliennes et Maliens ! J’ai compris votre message. Il m’est allé jusqu’au fond de l’âme. Je prends l’engagement de le traduire désormais au quotidien, pour l’Honneur du Mali. Pour le bonheur des Maliens !  Le Mali d’abord ! La confiance, la grande, la très grande confiance placée en moi ne sera jamais galvaudée. Je veillerai désormais à sauvegarder notre peuple, en ses personnes et ses biens ».

IBK s’est montré encore plus menaçant en ces termes : « En tant que Président de la République, je m’attellerai sans relâche à restaurer l’Autorité de l’Etat. Nul ne sera au-dessus de la loi. Elle s’appliquera de manière égale à tous. Je mettrai fin à l’impunité, aux passe-droits qui sont à l’origine du dévoiement des institutions judiciaires et étatiques. La restauration de l’autorité de l’Etat se conjuguera avec une lutte sans répit contre la corruption qui inhibe notre capacité à sortir du sous-développement économique et social. En tant que Président de la République, je veillerai à la bonne gestion des deniers publics. Je mettrai en place les mécanismes appropriés pour assurer la transparence et l’efficacité de la dépense publique. Nul ne pourra s’enrichir de manière illicite sur le dos du Peuple Malien. Je bâtirai avec le concours de tous, un Etat fort, impartial, qui sera totalement dédié au service du Bien-Etre moral et matériel de la Nation Malienne ».

La transition désavouée 

En tous les cas, cette sortie du ministre CISSE est un désaveu implicite de la transition sur certains grands dossiers de la république, par-delà l’hommage dithyrambique rendu à Dioncounda par IBK lui-même : « Ton calme olympien légendaire, ta grande sérénité dans la tempête, ton éternel et inébranlable optimisme auront permis de franchir bien des handicaps. La construction du Mali nouveau aura besoin de l’expérience fabuleuse acquise dans la douleur, la patience, et un courage certain ».

Bref, à n’en pas douter, le dossier minier sera au fronton de l’audit de l’Etat, en termes d’urgence, au même titre que celui des inondations qui ont dévasté les quartiers riverains des cours d’eau, en communes I et IV.

« La vie du Malien vaudra désormais son prix inestimable. Aussi, voudrais-je ici, solennellement, engager tous ceux qui ont mission et vocation à protéger et sauvegarder notre peuple, à s’acquitter très consciencieusement de leurs missions. C’est le lieu, chers compatriotes, de vous dire ma révolte et mon indignation tout en m’inclinant avec la plus grande piété et une compassion réelle sur toutes les victimes récentes de la cupidité de certains et que des eaux maîtrisables ont emportées, les arrachant à notre pays et aux leurs. Une enquête  approfondie devra établir sans tarder toutes les responsabilités à l’origine de la tragédie récente. Il en sera désormais ainsi en République du Mali, inch Allah ! », avait martelé IBK pour marquer « la fin de l’impunité dans le pays ».

Sur ce point, les dossiers miniers comportent leur lot d’humiliation et de brimade à l’encontre des travailleurs Maliens.

Ils sont quotidiennement licenciés, pour des considérations sordides, liées souvent à leur engagement syndical, en violation flagrante des lois maliennes, à qui il est rétorqué d’aller se plaindre là où ils veulent, comme s’il n’y a pas de justice dans le pays.

De plus, pour des raisons de maquillages financiers et comptables, la plupart de ces mines changent de dénominations juridiques, comme on change de chemises, au grand dam de l’Etat, le plus souvent floué sans discernement, avec la complicité de certains de ses propres représentants.

Comme quoi, l’audit des dossiers miniers est plus que nécessaire…

(Avec Sékouba SAMAKE et Tiemoko DIALLO)