Maroc | Développement de l’intelligence territoriale dans l’Oriental

D’une région porteuse d’une exécrable image, enclavée, difficile d’accès, tournée vers l’Est, espace de contrebande, de trafic de drogue, où l’on envoyait les fonctionnaires punis en «relégation», l’Oriental est devenu, en quelques années, une région à fort potentiel, au positionnement géostratégique euro méditerranéen et maghrébin convoité. Cette région avec  sa mise à niveau et sa capacité aujourd’hui à réunir des conditions d’attractivité des investissements devrait désormais figurer au coté de la région du Nord, en bonne place comme « exemple » dans les cycles de formation à l’intelligence et à la veille économique.

Par Farida Moha

C’est en effet la démarche de l’intelligence territoriale qui consiste à relier la veille économique et l’action publique au service du développement durable d’un territoire, pour faire de celui-ci un pole de compétitivité qui a été déclinée dans cette région. Comment et par quels moyens? L’exercice, complexe, a nécessité tout d’abord de comprendre et d’analyser l’environnement de la région et ses capacités à s’ancrer dans une globalisation et mondialisation des économies.

Pour cela, il fallait anticiper et préparer les évolutions réfléchir et expérimenter des solutions, créer, innover coordonner le travail de multiples acteurs, tout en veillant comme l’a fait le Souverain à l’évaluation constante des multiples chantiers et à la gouvernance de l’ensemble. Premiers objectifs, la mise à niveau de la capitale de l’Oriental Oujda, et le désenclavement de la région par le lancement et la réalisation de grands projets: autoroute Fès Oujda, rocade côtière qui relie Beni Nssar à Tanger, réseau ferroviaire Nador Taourirt, réhabilitation de la route Oujda Figuig, réaménagement et construction d’aéroports internationaux à Oujda, Nador et Bouarfa, vols intérieurs décuplés par la compagnie nationale, création à Nador d’une zone franche pour renforcer le complexe Tanger Med. Oujda, désormais ville sans bidonvilles, dispose de bibliothèques, de salles couvertes de sport, de stade municipal de rugby, de programmes d’assainissement de déchets ménagers et d’assainissement liquide, d’alimentation en eau potable des villes d’Oujda et de Taourirt.

Le souci de la qualité de vie est présent et l’inauguration d’un espace oasien cher aux cœurs des gens de la région Sidi Yahia Benyounés conforte une longue tradition de convivialité et de rayonnement culturel. Tous ces projets qui ont été récemment inaugurés par le Souverain comme celui d’Urba pole, ce grand espace urbain des plus modernes, permettent à la ville, à la fois, espace de proximité de la vie quotidienne d’être également une clé d’accès à l’économie mondialisée. L’apport des investissements notamment du fonds Hassan II, la mise en œuvre des grands projets de développement par des grands opérateurs parapublics comme la CDG ou Al Omran qui mettent leur action et leurs compétences au service des priorités définies. De grands projets comme la technopole d’Oujda, le parc industriel de Sellouane et l’agropole de Berkane intégrant des filières viande et oléicole qui valorisent le terroir dans un bassin agricole important réalisé par la CDG va dans ce sens de faire de cette région un moteur de développement et de lui donner plus de visibilité comme l’a souligné à Oujda, le Directeur général de la première institution publique financière dont le rôle est précisément d’accompagner les politiques sectorielles à travers le développement régional.

En quelques années et grâce à l’intérêt porté par la plus haute autorité du pays, très présente dans cette région et extrêmement attentive au suivi de la synergie de l’ensemble, grâce à une prise en compte des différentes dimensions de l’intelligence économique par l’ensemble des acteurs économiques, les compétences territoriales de cette région ont été mises en évidence. La région, désormais riche en industries de l’environnement avec notamment la centrale thermo solaire à combiné intégré de Ain Beni Mathar qui fournira 10% de la production d’électricité nationale, du parc Kyoto parc Printec destiné au développement durable, du campus universitaire, des laboratoires de recherche et développement se positionne désormais comme une éco- région. L’inflexion est donnée à travers cette politique de « clusters » dont l’objectif est de mettre en réseau les entreprises, les fournisseurs, les institutions publiques, universités, associations.

Une politique qui présente de multiples avantages notamment en terme d’économies d’échelle, de partage d’informations, de mise en commun de moyens, d’intégration de stratégies de différents secteurs et d’attractivité des pôles. Dans l’Oriental, un territoire en mutation, le développement durable joue une carte importante et bénéficie aujourd’hui de plusieurs programmes de coopération internationale notamment de l’Union européennes et du programme TAC des Nations unies destiné à encourager les régions qui s’orientent vers le développement durable, la valorisation énergétique hydraulique, éolienne et surtout solaire.

L’exemple du décollage de cette région qui dispose désormais de plus de visibilité pourrait être ainsi dupliqué aux autres régions, pour peu qu’il existe une « élite locale » porteuse d’intérêt collectif. Derrière ce récent « take off »de l’Oriental, riche de son capital humain, des compétences de sa diaspora, de ses savoirs faire, se dessine également un autre souci : faire évoluer les fondamentaux de l‘action publique en direction de la région en s’appuyant sur le développement des initiatives locales. La modernisation de l’action publique passe en effet par cette démarche difficile et complexe qui nécessite un apprentissage du partenariat et du travail en commun entre les différents acteurs, institutions collectivités locales, entreprises Qui nécessite également une coordination interministérielle cohérente, une fonction d’interface entre le national et les démarches locales à travers notamment un partenariat public-privé et une fonction de mobilisation de l’expertise et du développement des savoir-faire. L’Oriental, moteur de développement pour le Maroc mais aussi pour toute la région qui partage quelques 550km de frontières avec, le pays voisin, l’Algérie. Car demain, quelles que soient les vicissitudes de l’histoire présente, l’avenir est aux grandes régions.

Grâce à une coopération transfrontalière réussie, l’Oriental pourrait être avec l’Oranie et la ville d’Oran, l’une des plus belles villes de la Méditerranée située à quelques encablures d’Oujda (220 km), un poumon de développement, un espace de richesse et d’échange des biens, des compétences, des richesses pour le plus grand bien des peuples. C’est le message, sans doute le plus important, qu’il faut retenir du discours royal du 18 Mars 2003 consacré au développement de l’Oriental, celui de la fraternité avec le peuple algérien. Cette région souligne le Souverain « devrait se hisser à la place qui lui revient, conformément à sa vocation de pôle maghrébin, et au rôle qui lui revient comme pont solide de bon voisinage et de fraternité sincère avec le peuple algérien frère auquel nous unissent les liens de l’Histoire, les défis du présent et les aspirations de l’avenir, et auquel nous souhaitons le plus grand bien ». La région a changé, le message est resté le même, langage de paix, véritable ode au Maghreb uni et aux Maghrébins.