Pourquoi les entrepreneurs Ivoiriens exigent plus d’incubateurs

[Africa Diligence] Le 27 mai 2015, le Groupe Compagnie financière africaine annonçait la mise sur le marché, du premier incubateur des PME créé par une institution financière en Afrique de l’Ouest. 35% des startups ferment durant les 12 premiers mois d’existence dans la région, d’après Knowdys Database, trois points de moins qu’en Côte d’Ivoire.

Dans les métropoles africaines comme Lagos ou Accra, les nouveaux entrepreneurs et des jeunes ambitieux s’agglutinent dans l’un des incubateurs locaux, toujours plus nombreux, pour échanger des idées et élaborer leur business plan. À Nairobi, des hubs spécialisés ont ouvert pour soutenir la croissance du secteur technologique et de l’innovation ces cinq dernières années.

Il n’existe rien de tel pour les jeunes entrepreneurs d’Abidjan, la capitale économique de Côte d’Ivoire. Pour pallier ce manque, ils se donnent rendez-vous après le travail et le week-end, dans des fast-foods et des cafés, pour se soutenir mutuellement.

Il n’y a pas d’écosystème pour les entrepreneurs ici” se plaint Bacely Yorobi, 27 ans. Il tente de lancer une application pour mobile qui recensera les endroits où se connecter gratuitement au wifi, dans le pays et à l’étranger. Elle s’adresse aux Ivoiriens qui cherchent tous à se connecter gratuitement, où qu’ils se trouvent.

Pour faire avancer votre idée de start-up, vous devez apprendre, parler avec d’autres entrepreneurs, bénéficier de leur expérience. L’esprit startup commence par l’éducation, puis avec un écosystème et des tuteurs. Quand ce type d’aide existe, vous ne pouvez pas échouer, vous savez comment réussir” plaide-t-il.

Mais étant donné l’absence de telles structures en Côte d’Ivoire, M. Yorobi a jusqu’ici passé plus de temps à remplir des candidatures pour participer à des conférences et des programmes de formation à l’étranger, surtout aux États-Unis, que sur son business plan.

L’accès aux fonds et à des conseils, toujours difficile pour les nouveaux entrepreneurs dans d’autres marchés émergents, est presque totalement impossible en Côte d’Ivoire. Le pays émerge d’un conflit qui a duré presque dix ans et s’est achevé en 2011. Mais il est devenu l’une des locomotives économiques du continent. Le gouvernement ivoirien veut faire de la Côte d’Ivoire un véritable marché émergent, plutôt qu’un marché frontalier, d’ici à 2020.

Le PIB augmente à hauteur d’environ 9% par an ces trois dernières années. Des banques étrangères, sans aucun passé dans ce pays, se bousculent pour obtenir des licences. Elles veulent anticiper les investissements dans les infrastructures que le gouvernement prévoit, en partenariat avec des groupes privés. De nouveaux restaurants, des projets immobiliers, des expositions et des conférences : les signes sont là, Abidjan, ville de 4,5 millions d’habitants, est en plein boom.

Mais M. Yorobi, tout comme les autres nouveaux entrepreneurs ivoiriens, a peu de chance de profiter de la renaissance économique. Selon lui, le problème se situe en amont : “Dans nos écoles, nous ne pouvons pas étudier les sciences et l’informatique. Le gouvernement dit qu’il veut créer une génération d’entrepreneurs, mais il ne se donne pas la peine de s’occuper de nos besoins”.

Abdourahmane Cissé, ministre du Budget, est conscient du problème. “Environ 74% de nos étudiants à l’université ont choisi une filière non scientifique. Nous devons examiner nos besoins et savoir exactement ce qui est enseigné” dit-il.

Jean-Louis Billon, le ministre du Commerce, affirme que le gouvernement s’occupe maintenant de ses entrepreneurs. Auparavant, la priorité était d’attirer des investissements étrangers. Une Agence des PME a été fondée pour suivre les petites et moyennes entreprises, et il existe aussi un ministère de l’Entrepreneuriat, de l’artisanat et des PME.

Selon le guide 2015 ‘Doing Business in Ivory Coast’ de la Banque Mondiale, lancer une entreprise est devenu plus facile. Mais ce guide ne prend en considération que les entreprises employant entre 10 et 50 salariés. Bien des nouveaux entrepreneurs ivoiriens sont des sociétés à une ou deux personnes.

Parmi ces entrepreneurs, Cynthia Wodié, 33 ans, a créé Virgin Bohème, un site de e-commerce qui vend des accessoires de mode français en Côte d’Ivoire. “Mon principal problème n’est pas financier, c’est plus le coaching et les contacts” précise-t-elle. Melle Wodié s’autofinance avec ses économies. Elle travaille comme comptable. Elle dit qu’il est difficile d’obtenir des financements, les banques en Côte d’Ivoire n’ayant aucune structure spécifique pour les micro-entreprises comme la sienne. “En Afrique de l’Est, au Ghana et au Nigeria, il y a plus de possibilités pour les entrepreneurs, c’est moins vrai dans les pays francophones d’Afrique.”

Pendant ce temps, à Abidjan, M. Yorobi organise des rencontres avec d’autres jeunes qui aimeraient lancer leur entreprise. Il souhaite pouvoir insuffler un “esprit startup” qui, il l’espère, entraînerait ses compatriotes. S’il existait un soutien adéquat.

(Avec Maggie Fick)