Que faire pour que l’Afrique profite de son dividende démographique ?

[Africa Diligence] C’est incontestable : la démographie africaine est la plus dynamique au monde. Entre 2000 et 2015, elle a gagné plus de 370 millions d’habitants, portant le chiffre de la population à 1.2 milliard contre 814 millions en 2000. En 2050, un terrien sur quatre sera Africain, d’après les prévisions de l’ONU. Quel impact sur le PIB ?

Une population jeune en plein essor est en général associée à un « dividende démographique » qui, en venant gonfler les rangs de la population active et en âge de travailler, soutient la croissance du PIB et du PIB par habitant.

Dans les prochaines décennies, l’Afrique aura les données démographiques les plus favorables du monde pour ce qui concerne l’essor de sa population en âge de travailler (le groupe des 15-64 ans), qui augmente vite et plus rapidement que la population générale. Cette hausse absolue et relative de la main-d’œuvre potentielle est une occasion unique pour doper la croissance annuelle du PIB par habitant de pratiquement 0.5 point de pourcentage sur les 15 prochaines années. Mais la quantification des effets positifs mécaniques de cette évolution démographique sur la main-d’œuvre et la croissance n’est que le point de départ d’une analyse qui voudrait englober ces impacts dans leur totalité. Car il faut aussi tenir compte du marché du travail et de la productivité. Les incidences positives de l’offre de main-d’œuvre sur la croissance ne pourront pas se concrétiser s’il n’y a pas suffisamment d’emplois créés. Sinon, les jeunes n’auront pas envie de faire leur entrée sur le marché du travail (ce qui induira une baisse de la participation) ou, s’ils y accèdent, seront incapables de décrocher un emploi (d’où une hausse du chômage). Pour éviter cela, les pays d’Afrique doivent remettre totalement à plat leurs politiques puisqu’ils ont échoué à créer suffisamment d’emplois de qualité ces dernières années, alors même qu’ils bénéficiaient d’une croissance.

L’effet démographique sur la hausse de la productivité est associé aux impacts en termes d’épargne, d’investissement, d’efficience et d’innovation. En principe, la productivité des jeunes doit augmenter dans chacun de ces domaines. Avec le déclin du taux de natalité, les ménages et les gouvernements auront davantage de ressources disponibles par enfant et pourront donc leur offrir une éducation et des soins de santé de meilleure qualité ce qui, à terme, renforce la productivité. Le fait que la population en âge de travailler augmente devrait entraîner une hausse du taux d’épargne mais aussi une hausse de la productivité, par le biais d’une recrudescence des investissements. Le déplacement des travailleurs vers des zones affichant des niveaux de revenus et de productivité supérieurs, notamment les villes, devrait également doper la productivité du continent. À l’horizon 2035, la moitié environ des Africains vivront en ville.

Un certain nombre de facteurs susceptibles d’entraver cette hausse de la productivité doivent néanmoins être pris en compte. En particulier, le fait que cette main-d’œuvre plus abondante n’ait pas forcément les compétences requises (capital humain) ou que les entreprises et les infrastructures publiques peinent à fournir un capital physique adapté. La démographie africaine soulève par ailleurs un certain nombre de questions : les niveaux actuels de productivité agricole, plutôt faibles, et le changement climatique risquent-ils de saper l’aptitude du continent à garantir la sécurité alimentaire d’une population toujours plus nombreuse ? Face à cette pression démographique et à l’essor de l’activité économique, l’Afrique réussira-t-elle à préserver durablement son environnement ?

L’avenir démographique du continent est donc à la fois riche en opportunités et en défis. La « Renaissance économique » africaine des 20 dernières années conforte l’espoir de voir le continent tirer tout le parti de ce dividende dans les décennies à venir. Mais comme beaucoup dépend de la réaction des décideurs politiques à ces difficultés, personne ne peut vraiment dire quel scénario prévaudra en définitive.

Ces remarques laissent à penser que l’Afrique de l’Est, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale pourront bénéficier d’un dividende démographique non négligeable, contrairement à l’Afrique australe et à l’Afrique du Nord, en nettement moins bonne position. Pour ce faire, les pays doivent faire de la gestion de la transition démographique une de leurs priorités. Ils doivent impérativement :

(i) lever toutes les entraves persistantes à la demande de main-d’œuvre, en promouvant l’esprit d’entreprise et, d’une manière générale, l’activité du secteur privé tout en aidant les jeunes à acquérir les compétences et les qualifications nécessaires pour décrocher un emploi décent, d’après les analystes de la Banque africaine de développement ;

(ii) garantir la sécurité alimentaire et la durabilité de l’environnement ; et

(iii) accélérer la transition démographique vers une natalité moins dynamique, à travers l’amélioration des soins de santé, de l’éducation et de la planification familiale.

LA Rédaction (avec BAD, BM, FMI, et Knowdys Database)