Vainqueurs et vaincus du Mining Indaba 2012

La quasi totalité du gotha minier mondial était-là les 6-7-8-9 février 2012. Dans ce Davos minier, difficile d’imaginer que les décideurs réunis au Cap, comme chaque année depuis 18 ans, étaient en guerre. Une guerre économique feutrée. Car au-delà des politesses et des déclarations,  Mining Indaba 2012 aura été un vrai bal de stratèges. Retour sur quatre jours au pays de Nelson Mandela.

Par Guy Gweth

 100 pays, 1200 entreprises, 7200 professionnels

Quasiment tous étaient présents  au Cap, en Afrique du Sud, de 6 au 9 février 2012, à l’occasion du plus grand salon minier africain: dirigeants politiques, investisseurs internationaux, experts miniers, analystes financiers, avocats d’affaires, conseils en stratégie, consultants en intelligence économique et médias. Au total, 7200 professionnels, 100 pays représentés et 1200 entreprises liées à plusieurs branches du secteur minier.

L’objectif affiché du Mining Indaba étant de faciliter la perception des investissements afin de faire croître les entreprises minières, de promouvoir les investissements miniers et les technologies et systèmes applicables aux activités géologiques et minières, les participants ont devisé sur le potentiel des minerais africains, sur l’exploitation et la commercialisation, ainsi que sur l’importance du secteur financier pour les investissements miniers.

Mais pour saisir l’agenda caché de cette XVIIIème édition, par-delà les discours et les amabilités, il fallait avoir la cartographie des paramètres du secteur minier en Afrique avec ses principaux pôles de tension, d’une part ; et d’autre part, lire le jeu des majors que sont BHP Billiton, Rio Tinto, Vale et Xstrata. Pour ces derniers, l’objectif stratégique était de créer deux camps parmi les Etats africains, celui des « bons élèves » et celui des « mauvais élèves. »

Les grands « perdants » : la Guinée, la RDC et l’environnement

Depuis la première édition du Mining Indaba, les principaux acteurs miniers se sont passé le mot : « En Afrique, quelles que soient les conditions, il suffit de venir avec un chèque et une pelle pour creuser. » La preuve, les bruits des manifestants anti-Kabila au Cap, « l’instabilité politique à Kinshasa » et « la ras-le-bol Chinois », n’ont pas empêché de négocier avec la République Démocratique du Congo (RDC) dont le sous-sol est évalué à 24 000 milliards USD. Ils ont juste permis de déprécier la marchandise. Ce qui n’a surpris aucun stratégiste, la devise étant bien connue de tous : « s’il faut toujours dire la vérité à la clientèle, il n’y a pas de commerce possible. » Les agents d’influence qui ont pour mission d’enfoncer les marques Guinée et RDC jusqu’en 2013 utilisent quasiment la même stratégie que celle déployée dans le business du coltan [1]. On « démolit » la marchandise pour l’acheter au prix le plus bas.

Côté guinéen, on a entendu certains acteurs locaux travaillant en joint-venture avec les poids lourds comme Rio Tinto, Vale ou Chinalco crier au scandale après le discours de leur ministre des mines, Mohamed Lamine Fofana. L’idée d’appliquer le nouveau code minier cher à Conakry [2] passe mal chez ces acteurs car le nouvel arsenal juridique pourrait remettre en cause les droits acquis. Alpha Condé pourra-t-il aller au bout de ses réformes ?

Malgré le retentissant succès du Mining Indaba 2012, du point de vue de l’organisation et de la participation, la meilleure perdante est de taille. Après le discours d’ouverture, on n’a pratiquement plus entendu parler d’elle, celle qui constitue pourtant le principal challenge de l’exploitation minière des temps modernes : l’écologie. Un oubli qui raconte une histoire.

 Les vrais gagnants : Bhp Billiton, Rio Tinto, Vale et Xstrata

Grâce à leurs lobbyistes respectifs, les grands groupes ont finalement réussi le tour de force de classer d’un côté « les mauvais élèves » qui sont instables, fabriquent de nouveaux codes miniers et reviennent sur leurs engagements… Et de l’autre côté, « les bons élèves » tels que le Burkina, la Côte d’Ivoire, le Liberia, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique et… l’Afrique du Sud, les pays qui respectent le droit des affaires et jouent le jeu de la libre concurrence…

 « Les nationalisations sont bonnes dès lors qu’il s’agit de mettre à la raison un monopole dans un secteur clé de l’économie », disait François Mitterrand. Mais lorsque le ministre zambien des mines, Wylbur Simuusa, a présenté le graphique montrant la chute des revenus miniers de son pays après les années 70, tout le monde a souri. Lorsque son homologue sud-africaine, Susan Shabangu, a pris la parole pour confirmer que l’ANC était aussi opposé à la nationalisation, les observateurs ont perçu du soulagement chez les représentants de BHP Billiton, Rio Tinto, Vale, Xstrata et leurs associés locaux, les vrais gagnants de ce rendez-vous.

 Ce que vous ne lirez pas dans la presse

Durant ce bal des stratèges, les investisseurs les plus vigilants ont noté la relative discrétion des Chinois, grands absents de l’édition 2011 [3]. Pourquoi cette discrétion ? Par pure stratégie. Car la vraie moralité de ce XVIIIème Mining Indaba, celle que vous ne lirez pas dans la presse, est contenue dans l’un des plus célèbres conseils de Warren Buffet : « la plupart des gens s’intéressent aux actions quand tout le monde s’y intéresse. Le moment d’acheter est quand personne ne veut acheter. Vous ne pouvez acheter ce qui est populaire. »

Notes

[1] Guy Gweth, « Ils ont juré de plomber le coltan africain», 12 janvier 2011

[2] Guy Gweth,  « Guinée : les enjeux du nouveau code minier», 15 avril 2011

[3] Guy Gweth, « Les tops et les flops de la Chinafrique minière», 9 mars 2011