Et si les Marocains osaient les marchés à risques


(Le Matin/CASABLANCA) Là où il y a des risques, il y a des opportunités d’affaires. C’est la conviction du spécialiste en intelligence économique Guy Gweth qui recommande aux opérateurs marocains d’accélérer leur offensive sur le marché subsaharien. La concurrence chinoise et brésilienne guette !

 «Il faut oser les marchés à risque en Afrique subsaharienne». C’est ce que recommande Guy Gweth aux hommes d’affaires marocains qui veulent faire des affaires sur cette partie du continent. Le patron du cabinet Knowdys, spécialisé dans le conseil en intelligence économique en Afrique subsaharienne, animait une conférence-débat organisée le 12 juin à Casablanca par AOB Consulting. L’expert a été on ne peut plus direct avec les opérateurs économiques marocains. «Ne vous contentez pas des analyses risques effectuées en dehors des marchés cibles et par des analystes qui n’auront jamais mis les pieds dans ces marchés ! Essayez de tâter le terrain, évaluez le risque par vous-mêmes en vous rendant sur place !».

Le très pragmatique Gweth affirme que sept secteurs en Afrique subsaharienne offrent des opportunités en or depuis 2010. Évidemment, l’exploration et l’exploitation de l’or noir figurent en tête de liste. C’est un secteur qui recèle un potentiel «providentiel» puisque le continent cumule 12% des réserves mondiales en pétrole. Gweth conseille également les technologies de l’information qui sont en pleine croissance dans pratiquement tous les pays de l’Afrique subsaharienne. Un clin d’œil que le patron de Knowdys fait aux opérateurs des TIC marocains qui doivent, selon lui, accentuer leurs campagnes de prospection sur un marché qui commence d’ores et déjà à succomber au charme du «smartphone-magna».

Les spécialistes BTP, quant à eux, ne doivent aucunement rater le filon des infrastructures, où se trouve le gratin du business. «Il faut savoir que plusieurs pays notamment la Côte-d’Ivoire, le Nigeria et le Gabon ont adopté des plans d’émergence. Et ces plans veulent automatiquement dire de lourdes infrastructures à mettre en place : des autoroutes, des aéroports, des zones industrielles, etc. C’est un secteur à ne pas rater !» À ce niveau, Gweth n’a pas hésité à adresser un warning aux hommes d’affaires marocains : «il faut faire vite, car la Chine, le Brésil et bien d’autres puissances émergentes s’y sont déjà mis et peuvent marquer leurs territoires, vous barrant ainsi la route».

Une autre manne et non pas des moindres, l’eau et les énergies renouvelables. Pour Gweth, ce marché recèle un business «fou» dont les opérateurs marocains peuvent profiter vu l’expérience du pays dans le domaine. Sans oublier l’agroalimentaire qui a de beaux jours devant lui. L’argument de l’expert, «la classe moyenne dans le continent est parmi les plus importantes au monde. Elle est estimée à 340 millions de personnes. Et le plus intéressant dans tout cela, c’est que cette classe, en plus de consommer, elle investit aussi. Cela sans perdre de vue que d’ici 2050, l’Afrique devrait peser 2 milliards de personnes. Automatiquement, la classe moyenne va nettement s’élargir et les habitudes de consommation vont également changer. Une opportunité affriolante pour les spécialistes de l’agroalimentaire», fait valoir le spécialiste en intelligence économique qui dispose aussi d’un bureau en Europe et aux États-Unis.

Gweth a recommandé aux hommes d’affaires marocains qui veulent investir en Afrique de s’armer de patience, car dans bon nombre de pays africains, la notion de temps n’est pas forcément prioritaire, ce qui veut dire que la conclusion d’une affaire pourrait durer des mois sinon des années. «En Afrique, les gens vous disent : nous, nous avons le temps et vous, vous avez la montre», schématise Gweth. Un postulat que confirme d’ailleurs Bachir Rachdi, le président d’Involys, société spécialisée dans les solutions informatiques. Rachdi, dont l’entreprise opère sur le marché africain depuis des années, assure que «le cycle moyen pour conclure un contrat en Afrique est de trois ans. Les impatients doivent donc s’abstenir».

Quels produits offrir aux Africains ? «Des produits de qualité, mais aussi et surtout des produits maroco-marocains», réplique Gweth qui regrette que des entreprises marocaines mettent sur le marché africain des produits estampillés CE (Communauté européenne). «Essayez d’imposer votre offre de produits made in Morocco. Vous n’avez pas besoin d’expédier vos produits en Espagne ou en France avant de les réacheminer vers le marché africain. Essayez d’être vous-mêmes», leur a-t-il conseillé. Conclusion, il faut s’affranchir des convenances et aller vers le détail. Et comme tous les marchés du monde, l’Afrique subsaharienne a, certes, des atouts, mais aussi des contraintes. Gweth en sait d’ailleurs quelque chose. À l’en croire, la corruption continue de peser sur le climat des affaires. Le phénomène des pots-de-vin représenterait aujourd’hui 25% du PIB du continent, soit quelque 148 milliards de dollars, selon ses estimations.

L’expert africain a souligné que, globalement, le climat des affaires demeure peu attrayant du fait d’une insuffisance de capitaux et du poids de l’informel. Mais cela, estime-t-il, ne doit pas pour autant freiner les investisseurs marocains. Ces derniers doivent se tailler une place dans un environnement de concurrence farouche. «Si les investisseurs étrangers européens, chinois et brésiliens s’imposent en force sur ce marché, c’est qu’ils sont…

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