La Microfinance sert-elle les intérêts des pauvres en Afrique ?

[Africa Diligence] Le développement rapide de la microfinance, l’espoir qu’elle suscite comme outil de lutte contre la pauvreté, mais aussi l’ampleur des ressources investies, ont conduit très tôt à s’interroger sur l’impact de la microfinance.  L’analyse de l’impact de la microfinance consiste à comprendre, à mesurer et à évaluer ses effets.

Avant l’éclosion de la microfinance, beaucoup de personnes en Afrique et comme ailleurs étaient exclus du système économique. Avec son avènement, des gens vivant dans l’extrême pauvreté ont pu accéder à des financements et certains sont même sortis de la misère.

Le plus célèbre acteur de la microfinance, est sans doute l’économiste bangladais Muhammad Yunus qui a fondé, en 1976, la première institution de microcrédit, la Grameen Bank.

Dans une tribune au journal Le Monde le 25 avril 2008, Yunus explique sa théorie : « Tout le monde espère gagner de l’argent en faisant des affaires. Mais l’homme peut réaliser tellement d’autres choses en faisant des affaires. Pourquoi ne pourrait-on pas se donner des objectifs sociaux, écologiques, humanistes ? C’est ce que nous avons fait. Le problème central du capitalisme “unidimensionnel” est qu’il ne laisse place qu’à une seule manière de faire : rentrer des profits immédiats. Pourquoi n’intègre-t-on pas la dimension sociale dans la théorie économique ? Pourquoi ne pas construire des entreprises ayant pour objectif de payer décemment leurs salariés et d’améliorer la situation sociale plutôt que chercher à ce que dirigeants et actionnaires réalisent des bénéfices ? ». Sa vision a porté ses fruits.

Cependant, malgré le succès des débuts, la microfinance, avec parfois des taux d’intérêt excessifs, des pratiques de recouvrement abusives, et naturellement la course aux bénéfices, a connu une crise d’adolescence comme le faisait remarquer, il y a quelques années le site Slate.fr.

Pour réparer ces imperfections, les pauvres qui perçoivent ses crédits doivent revenir au centre de la réflexion. Il s’agit pour le banquier de maîtriser davantage les besoins de ces derniers et leur environnement. Il s’agit aussi pour le pauvre, de mettre en avant la volonté de sortir de la misère et d’avoir une vie décente, plutôt que de rentrer dans un système ultra-capitalistique qui a terme est ruineux. C’est ainsi qu’une la campagne de protection des clients en microfinance a même été lancée. Elle promeut sept principes fondamentaux qui devraient à terme être respectés par tous les praticiens. Parmi  ceci : La transparence des coûts et la facturation raisonnable des services.

Sachant l’engouement que ce système de financement suscite chez les pauvres, les pays africains, la zone UEMOA en tête a pris à bras le corps le phénomène afin de l’encadrer au mieux.

Selon un rapport de la BCEAO, à la fin mars 2017, le nombre d’institutions de microfinance  s’est établi à six cent quarante-neuf (649). L’accès des populations aux services financiers offerts s’est élargi. Le nombre de bénéficiaires des prestations de ces institutions est ressorti à près de 13,23 millions à fin mars 2017 contre 11,8 millions à fin mars 2016.

Si l’on peut observer  une évolution du nombre de bénéficiaires des micro-crédits  en 2017 par rapport à l’année 2016,  il convient cependant de noter que, l’action des micro finances n’a pas toujours eu un impact significatif durable sur l’amélioration des conditions de vie des bénéficiaires. Les conditions d’emprunt (montant faibles, taux d’intérêt probablement élevé, échéance trop courte, …); mais aussi l’absence d’un cadre d’accompagnement dans l’exécution des projets ont pu limiter les avantages du microcrédit.

La Rédaction (avec Amadou Dieng)