Les businessmen africains à l’assaut de la Chine

Au moment où s’ouvre l’exposition universelle de Shanghai (et ses 70 millions de visiteurs attendus), Le Monde Diplomatique (N° 674 de mai 2010) a choisi de titrer sur « L’improbable saga des Africains en Chine » (P. 12 & 13). Un reportage curieusement axé sur de petits commerçants…

Envoyé spécial à Canton, capitale de la province du Guangdong (à deux 2h de train de Hongkong), Tristan Coloma nous apprend que 90% des Africains résidant dans cette ville sont des « hommes d’affaires», à l’instar de cet entrepreneur ivoirien qui témoigne : « on n’est pas là pour s’amuser. On fait des affaires vite et bien. A Abidjan, les gens ne jurent encore que par la France, où ils peinent à économiser 10 000 euros en vingt-cinq ans, alors qu’en Chine on peut avoir une cagnotte de 100 000 euros au bout de cinq ans. »

Comme en écho à la conférence sur « La perception africaine des investissements chinois en Afrique » que nous avons donnée le 30 mars 2010 à Paris en présence du ministre LIU Haixing, premier secrétaire de l’ambassade de Chine en France, Tristan Coloma raconte comment les Chinois perçoivent l’Afrique. Il s’appuie pour cela sur Les Cygnes sauvages où, parlant de la vision qu’avaient les Chinois des Africains en 1970, l’écrivaine chinoise Jung Chang écrit: « ils sont moins développés et ne maîtrisent pas leurs instincts. »

On pourrait rétorquer à ce cliché que jusqu’à la fin de la décennie 90, les manuels d’histoire-géo de nombreux pays d’Afrique francophone présentaient la Chine comme « un géant aux pieds d’argile ». Mais on ne le fera pas. Car 10 ans ont suffi pour changer les lunettes avec lesquelles l’Afrique regarde l’Empire du Milieu. Quelques lignes plus loin, le reporter précise d’ailleurs que «comme la politique et le droit, le racisme s’arrête souvent là où commencent les affaires ».

Absolument intéressant à lire, le reportage de Tristan Coloma a cependant les défauts de ses qualités. Même s’il évoque brièvement l’idée d’une « bourgeoisie africaine transnationale », l’envoyé spécial du Monde Diplomatique semble n’avoir rencontré que de « petits commerçants » aux « bras cassés », des étudiants victimes de racisme et des « sans papiers »… Ce qui confine au reportage humanitaire.

Même avec le talent de Bob Woodward, imaginez si, pour une enquête sur les businessmen africains à Paris, le célèbre journaliste américain racontait l’histoire de quelques petits commerçants de Barbès en une du Washington Post, quelques jours avant l’Expo universelle en France… Pas sûr que cela suffise à dissuader ceux que Roland Marchal appelle les « fantassins africains de la mondialisation », encore moins les « généraux».

Guy Gweth