Les tops et les flops de la Chinafrique minière

Au début des années 2000, tout allait bien. Les Chinois apportaient capitaux et infrastructures. En échange, l’Afrique fournissait les minerais (30% des réserves mondiales). Puis il y a eu le coup de théâtre de février 2011 au Mining Indaba (en Afrique du Sud) où, par leur absence, les entreprises chinoises ont marqué le plus grand rendez-vous minier africain. Grandeur et décadence de la Chinafrique minière:  décryptage.

Par Guy Gweth

La fin de l’histoire ?

Depuis 17 ans, le rendez-vous annuel du Mining Indaba est reconnu par l’ensemble de la profession comme le plus important évènement minier du continent africain. Chaque année, ce sont en moyenne 4000 personnes (investisseurs, gestionnaires de fonds, diplomates, analystes et autres experts en intelligence économique) représentant 40 gouvernements et 800 firmes qui font le déplacement du Cap en Afrique du Sud. En choisissant d’être absents de l’édition 2011, les Chinois ont voulu  changer de tactique, marquer le coup, et montrer qu’ils savent jouer la défense en ligne. Loin d’être la fin de l’histoire, c’est une nouvelle aventure minière, aussi délicate que stratégique, qui commence pour les firmes chinoises. Plus que  jamais, leurs collaborateurs africains sont encouragés à faire de la veille concurrentielle.

Ce qui marche encore

Avec 30% des réserves de minerais connues sur la planète pour seulement 10% de la production mondiale, l’Afrique est très clairement dans la ligne de mire de la deuxième économie mondiale dont la consommation, en métaux précieux, n’a de cesse de croître. En 2010, les investissements chinois dans le secteur minier africain ont atteint 10,5 milliards de dollars US, ce qui fait également les affaires de géants tels que l’australien Rio Tinto ou des acteurs africains tels qu’Anglogold Ashanti ou Randgold Resources. En échange des contrats d’exploitation, les Chinois ont réussir à construire de nombreuses infrastructures (routes, hôpitaux, écoles, stades, et autres bâtiments divers) qui ont considérablement amélioré le quotidien des populations africaines et facilité l’intégration des opérateurs chinois au paysage local.

Ce qui marche moins

Bien qu’absentes du Cap, les entreprises chinoises étaient pourtant sur toutes les lèvres. Un certain nombre d’experts européens du secteur estiment que les acteurs chinois ne veulent prendre aucun risque dans un secteur qui en redemande. La vérité est que, grâce à la puissance de la diplomatie économique menée par Pékin, les sociétés chinoises préfèrent négocier directement avec les gouvernements africains, de manière à obtenir des garanties exclusives d’exploitation de minerais pas chers contre des infrastructures (nous l’avons vu plus haut) ou des prêts sans condition et aux meilleurs taux. Ce procédé annihile la capacité de potentiels associés non-chinois à lever des capitaux sur les principales places boursières internationales telles que Londres, Toronto ou Sydney où sont cotées la majorité des entreprises minières.

Ce qui ne marche plus

Une tendance lourde se dessine depuis cinq ans : sur les recommandations des stratèges du PCC, les entreprises chinoises de sidérurgie optent progressivement pour la sécurisation de leurs approvisionnements en fer afin de pouvoir fabriquer de l’acier en Chine. Conséquences : certains Etats (Gabon, Zambie et Zimbabwe notamment) qui voulaient pousser les Chinois à prendre eux-mêmes la gestion de certains gisements ont vite déchanté. Non seulement les Chinois semblent peu intéressés par cet aspect du business – ne le maitrisant pas pour l’instant – mais lorsqu’ils l’acceptent comme ce fut le cas pour les mines de cuivre zambiennes gérées par la China Nonferrous Metal Mining Company ou le gisement de fer gabonais de Belinga confié à la China Machiner & Equipment Company, les résultats sont peu reluisants.

Ce qui marchera demain

Pour de vieux routiers comme Frank Timis, président d’Africa Minerals, c’est en Afrique de l’ouest que se joue l’avenir. Les gisements de fer, de cuivre ou de bauxite encore inexploités dans cette partie de l’Afrique (et sa relative proximité  géographique avec l’Europe), méritent une plus grande attention des Occidentaux. Pourtant, lorsqu’on demande à cet Australo-Roumain pourquoi l’entreprise qu’il dirige a accepté de s’associer aux firmes chinoises, malgré les critiques de ses homologues européens, le businessman anticipe l’avenir : « quand ils auront réussi à répondre à leur gigantesque demande intérieure, dans une vingtaine d’années, avec leur compétitivité économique, ils ne feront qu’une bouchée d’entreprises sidérurgiques comme ArcelorMittal ! Autant s’associer avec eux dès maintenant… »

Que faut-il retenir ?

Primo : les acteurs miniers chinois ont une culture différente de celle de leurs compatriotes des secteurs automobile ou aéronautique, férus de foires et de salons dans lesquels ils collectent de l’information et/ou recrutent des sources. C’est un élément qui, de notre point de vue, devrait relativiser leur absence au super rendez-vous du Mining Indaba. Deuxio : en Afrique, l’extraordinaire dispositif développé par Pékin en matière de diplomatie économique depuis 20 ans donne bien plus de résultats que les cartes de visites récoltées lors de manifestations publiques. Enfin, tertio : le faisceau d’indices collectés entre janvier et février 2011 par Knowdys Intelligence économique montre, de manière probante, qu’en matière de management des gisements miniers africains, les Chinois sont engagés dans un discret programme d’apprentissage accéléré dont les résultats risquent de surprendre ceux pour qui la Chinafrique minière est à l’agonie.