L’Inde menace-t-elle les positions chinoises en Afrique?

De l’Ile Maurice à la Réunion, les Africains d’origine indienne racontent une histoire qui ne plaît pas aux Chinois. Surtout lorsqu’elle est reprise par des analystes occidentaux. Selon eux, l’Afrique a plus de choses en commun avec l’Inde qu’avec la Chine. L’implantation des entreprises indiennes va d’ailleurs crescendo en Ouganda, en Tanzanie, au Kenya et en Afrique du Sud, où les traces de l’immigration indienne remontent au XIXè siècle. Puissance émergente et discrète, l’Inde constitue-t-elle une menace pour les positions chinoises en Afrique?

Pour Jean-Claude Beaujour, avocat français spécialisé sur l’Asie, il y a une double façon de voir les choses: «l’Inde est appelée à s’alimenter, voir s’approvisionner en matières premières à l’extérieur, et donc à s’intéresser au continent africain. En outre, les entreprises indiennes ont bien compris qu’il est important de se consolider sur les marchés où elles sont déjà présentes. Le continent africain est au nombre des débouchées possibles pour les entreprises indiennes, même si cela ne concerne qu’un nombre très limité d’entreprises. En effet, d’une manière générale, les entreprises indiennes considèrent qu’elles ont beaucoup à faire sur leur marché domestique avant d’aller à la conquête des marchés étrangers.»

 «Il convient d’observer, poursuit Jean-Claude Beaujour, que l’Inde a développé une industrie de nouvelles technologies qui n’a pas de frontières aussi étendues que pour la commercialisation d’autres produits manufacturiers. Donc, le fait que les Indiens regardent du côté de l’Afrique pour vendre un certain nombre de produits et de services, rentre dans l’ordre des choses possibles. Pourquoi est-ce que les véhicules indiens à bas prix et les produits de santé ne pourraient-ils pas être commercialisés en Afrique?».  A condition que l’offre indienne n’entre pas en concurrence frontale avec l’offre chinoise sur le sol africain.

 «Les Indiens offrent beaucoup dans le secteur de l’industrie, des nouvelles technologies et des produits de santé. Alors que l’offre chinoise est plus concentrée dans le commerce, le bâtiment et les infrastructures. Il est vrai que dans le contexte régional asiatique, les deux pays sont déjà concurrents. Mais, ce que je constate c’est que sur le plan culturel par exemple, il y a une forte proximité entre les Indiens et les Africains, et peut-être plus forte qu’entre les Chinois et les Africains. Il y a une raison toute simple à cela. Les indiens ont eu un bout de vie avec les Anglais, et l’Afrique a une partie anglophone. De ce point de vue, on peut dire que les Indiens sont plus proches des Africains que ne le sont les Chinois», avance notre analyste.

 A la différence des Chinois, dont les investissements sont pour la plupart publics, les investissements indiens sont d’origine privée. Leur stratégie de négociation est souvent jugée plus rigide, mais leurs activités plus durables – ce qui est très apprécié par les États africains partenaires africains.

Le partenariat Inde-Afrique peut paraître opportun dans la mesure où ces deux régions du globe partagent des objectifs communs, notamment en matière de lutte contre la pauvreté, de développement humain et de croissance économique.

Ces dernières années, l’Inde a amorcé un formidable développement économique qui accroît ses besoins en matières premières, et New Delhi a pris conscience que l’Afrique pouvait devenir un partenaire économique stratégique qui lui permettrait de sécuriser ses approvisionnements et ainsi maintenir son développement. En face, les pays africains sont en quête de nouveaux partenariats pour développer l’économie du continent.

 Malheureusement, si l’on constate aujourd’hui que la stratégie commerciale de l’Inde en Afrique va bien au-delà de l’exploitation de ressources à la chinoise, les activités indiennes ne sont pas toujours génératrices d’emploi. Sur ce point précis, l’Inde fait à peu près jeu égal avec la Chine.

 Alexis NDONG (avec Nicole SUZIS)