Nigeria | Ce que les investisseurs redoutaient…

Il est désormais établi que les 30 jours qui suivent la proclamation des résultats d’une élection présidentielle en Afrique sont redoutés par les investisseurs. A l’exception, quelquefois, des investisseurs dont le business concerne l’armement, la sécurité, les soins de premiers secours et les épidémies consécutives aux catastrophes. Les émeutes nées de l’élection du président Jonathan Goodluck lors du scrutin du 16 avril 2011 au Nigeria confirment les pires craintes des analystes, en particulier dans la région pétrolifère du Delta du Niger.

C’est sans surprise que le président sortant, le chrétien Jonathan Goodluck, a été proclamé vainqueur (à 57% des suffrages) lors d’un scrutin jugé globalement satisfaisant par la majorité des observateurs internationaux. Au moment où nous mettons en ligne, les émeutes qui affectent la moitié des 36 Etats que compte la fédération ont causé plus de 200 morts selon l’ONG Civil Rights Congress, près de 400 blessés et environ 40 000 déplacés d’après la Croix-Rouge.

Sur l’ensemble du pays, de nombreuses entreprises ont également été pillées par des bandes armées, provoquant un ralentissement de l’activité économique. Quelques investisseurs contactés par nos sources sur place songent déjà à quitter le pays, même si la plupart estiment que la situation qui est « un mélange de contestation post-électorale et de conflit inter-religieux (entre chrétiens et musulmans) pourrait se calmer dans quelques semaines… » Quelques exploitants d’or noir caressent le rêve d’un choc pétrolier…

Pour le président élu, ces émeutes ressemblent à celles qui ont conduit à la guerre du Biafra en 1967. Dans un discours solennel à la nation, Goodluck a déclaré : « ces actes de désordre sont de tristes réminiscences des événements qui ont plongé [le] pays dans trente mois d’une regrettable guerre civile… » La guerre du Biafra avait fait un million de morts entre 1967 et 1970.

Dans le Delta du Niger que suit particulièrement Knowdys Intelligence économique, le général Muhammadu Buhari, ancien chef de la junte militaire en 1984-1985, et principal candidat de l’opposition, estime qu’il n’y a pas vraiment eu d’élection dans cette région puisque ses partisans ont été empêchés d’y voter. Le leader musulman appelle cependant au calme.

Avec 32 millions d’habitants en 2010, le Delta du Niger (70 000 km²) représente plus de 75% des ressources pétrolières du Nigeria. Depuis 50 ans, l’or noir y a généré pas moins de 700 millions USD ; et l’instabilité  sociopolitique a entrainé la perte de près de 12 millions de barils de pétrole dans la nature, faisant du Delta du Niger l’un des plus importants désastres écologiques du XXIè siècle.

Pour comprendre les enjeux dans la région, lisez ou relisez : Shell Nigeria sous kevlar onusien.

Guy Gweth