Les partenariats stratégiques ONG-entreprises décryptés

Depuis 30 ans, les alliances stratégiques entre Etats et ONG montrent la preuve de leur redoutable efficacité […]. Les stratégies d’intelligence économique qui conduisent entreprises et ONG à nouer des partenariats à des fins de renseignement, de financement, d’influence et de conquête de nouveaux marchés sont relativement plus récentes, bien que les anglo-saxons aient une longueur d’avance sur le monde francophone. Décryptage.

Au milieu des années quatre-vingt-dix, la réputation d’Ikea, le géant suédois du mobilier et de la décoration subit une attaque informationnelle qui porte sérieusement atteinte à l’image de l’entreprise. Accusé de s’approvisionner en tapis auprès de fournisseurs indiens qui font travailler des enfants, l’entreprise décide dès 1997 d’aller au devant du problème en s’associant ni plus ni moins qu’à l’Organisation des Nations Unies pour l’enfance, l’Unicef. « Nous aurions pu décider de ne plus travailler avec ce fournisseur et de partir de la région, mais cela n’aurait rien changé au travail des enfants sur place [1] », déclarera Isabelle Crémoux, responsable des relations extérieures d’Ikea France.

Grâce à l’Unicef, à son influence et à sa connaissance du terrain, Ikea a pu se rattraper dans le cœur des consommateurs en construisant un projet qui répond aux exigences des Nations Unies et des associations de lutte contre le travail des enfants. Pour y parvenir, le groupe suédois a entrepris de sensibiliser ses acheteurs, d’effectuer des audits chez ses fournisseurs et de soutenir financièrement des programmes d’éducation pour les enfants de 500 villages indiens. L’entreprise fait aujourd’hui partie des pionniers dans cette approche […].

S’engager contre le travail des enfants, promouvoir le commerce équitable, lutter contre la pollution environnementale ou venir en aide aux victimes de catastrophes sont autant de positives attitudes qui forcent la sympathie de l’opinion publique et renforcent l’affectio societatis avec les salariés des entreprises dont certains militent d’ailleurs au sein des associations. « N’oublions pas que bien des salariés d’entreprise militent pour des ONG ou soutiennent leurs actions […] Ce sont autant d’hommes et de femmes qui, finalement, partagent les mêmes valeurs humanistes. »[2]

En interne, une entreprise éthique, écologique, citoyenne ou socialement responsable est intéressante lorsque les marges des actionnaires sont indemnes. C’est pour cette raison que, concentrées sur leur cœur de métier et soucieux de leur réputation, certaines multinationales préfèrent externaliser le soft power lié à la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) en nouant des alliances stratégiques avec des ONG qui leur apportent, en plus du savoir-faire, une bonne connaissance du terrain [3] et, par dessous tout, une caution morale [4] en échange de financements [5]. Une autre catégorie de donateurs publics et privés investit le champ humanitaire dans une perspective stratégique de conquête des marchés en s’appuyant, elles aussi, sur ces alliés influents et insoupçonnables a priori que sont les ONG, à des fins de renseignements [6] et d’influence […].

En fait d’ONG, il faut entendre une catégorie ad hoc, le terme ayant un contenu pour le moins flou, qui répond davantage aux intérêts variés et variables des réseaux, entreprises, Etats et organisations internationales qui les investissent [7] de plus en plus, les suscitent [8] dans certains cas, ou les accréditent [9] s’il y a lieu. C’est ce qui fait dire à certains analystes que le sigle ONG est « un fourre-tout qui recouvre des dizaines de milliers d’associations émanant de la société civile, théoriquement indépendantes des Etats, qui sont très différentes » [10].

[…] Mais il faut bien comprendre que la raison d’être des ONG est avant tout fondée sur la combativité. « Il s’agit, explique Ludovic François, d’organisations vindicatives dont la seule raison réside dans le combat pour une cause. Elles n’ont pas pour objectif de proposer une solution de remplacement mais de dénoncer une situation qu’elles trouvent inadmissible. L’immersion des plate-formes pétrolières en mer du nord (Shell versus Greenpeace), les OGM (affaire Monsanto), l’Oréal et l’expérience sur les animaux, Nike et ses sous-traitants non respectueux des droits du travail, etc. Bref, la logique intrinsèque de ces entités est bien l’influence par le combat » [11].

Parfois pointés du doigt pour leurs connivences, les humanitaires ne sont pas exempts de reproches. Mais s’ils utilisent parfois des « kits à penser » ou autres « Guidelines » de communication, comme le précisent Paul Dauvin et Johanna Siméan dans leurs travaux [12], c’est parce que leur organisation, les ONG, en se professionnalisant, deviennent bien souvent des forces économiques autant que politiques. A ce titre, ajoutent les deux auteurs, elles risquent à tout moment l’instrumentalisation par leurs bailleurs de fonds ou de servir de relais à la propagande des Etats.

En France, le Répertoire du Mécénat d’entreprise remarquait déjà en 2001: « alors que les dix dernières années avaient été marquées par un recentrage du mécénat de solidarité sur l’hexagone, il semble que l’action internationale reprenne, se structure davantage, au travers d’ONG plus conscientes de l’importance du mécénat et d’entreprises plus organisées et prêtes à réagir dans des situations graves, pour mettre à disposition des biens et des services. » [13] Et même si Alain juillet [14] affirme que « 70% des ONG sont payées par des entreprises » [15], il n’en demeure pas moins que les principaux bailleurs de fonds des ONG (humanitaires en particulier) demeurent les organisations internationales dont certaines sont des agences spécialisées du système des Nations Unies, d’aucunes des instances inter-étatiques à l’instar de l’Union européenne, et d’autres des Etats auxquels elles servent parfois de chevaux de Troie

Aussi bien via la RSE que par le biais de l’aide humanitaire, les ONG apparaissent donc comme de redoutables agents d’influence dans les dispositifs d’intelligence économique des entreprises en quête de nouveaux territoires.

1. Le business de la RSE

Une « guerre » couve sous les déclarations de bonnes intentions relatives à la responsabilité sociale des entreprises, celle de la production, du contrôle et de la diffusion des normes éthiques et environnementales. Remporter ce challenge, c’est prendre une longueur d’avance sur la concurrence, c’est investir dans un marché en amont que les entreprises partagent bon gré mal gré avec les ONG. Alors que ces dernières font face à la pression de leurs donateurs pour rester fidèles à leurs missions et obtenir des résultats, les entreprises de leur côté doivent répondre aux demandes contradictoires de leurs actionnaires, de leurs salariés, des consommateurs et du grand public. Malgré des différences qui peuvent paraître irréconciliables, entreprises et ONG peuvent-elles partager des objectifs communs et avoir un minimum de dialogue constructif ? La réponse est « oui ». Ce type de partenariat comporte des avantages et des limites mais aussi des clés pour une collaboration gagnant-gagnant.

1.1 Les avantages d’un partenariat stratégique ONG-Entreprise

Si pour une grande majorité d’ONG, ces partenariats répondent à un besoin de financements difficilement avouable, les avantages pour les entreprises vont bien au delà de la motivation fiscale. Pour ces dernières, en effet, ces partenariats constituent à la fois une réponse en termes d’image (voire de blanchiment) comme l’a révélé le rapport sur les relations entre les ONG et entreprises canadiennes [16] en 2008 et un levier de conquête de nouveaux territoires comme nous le montrerons plus loin.

Dès 2004, l’Institut français des relations internationales et l’institut de l’entreprise ont retenu trois des principaux symptômes de ce type de rapprochement stratégique dans leurs réflexions sur les relations ONG-entreprises:

« – La création, au sein des ONG, de départements en charge des relations avec les entreprises. Amnesty International a ainsi ouvert dès la fin des années 1980 sa première section « Entreprises » ; l’ONG en compte aujourd’hui une dizaine à travers le monde.

« – La prise en compte de plus en plus systématique des ONG par les entreprises dans l’élaboration de leur politique à destination de la « société civile » – cette politique revêtant progressivement un caractère stratégique pour un nombre croissant d’entreprises. A cet égard, un chiffre est éclairant : au cours de la décennie 1990, le nombre de mentions des ONG dans les deux titres de références de la communauté financière anglo-saxonne que sont le Wall Street Journal et le Financial Times s’est accru de 2 000 % [17].

« – La multiplication des partenariats, forme la plus aboutie de ces coopérations, qui voient

l’Ong coopérer avec l’entreprise pour la définition voire la mise en œuvre opérationnelle de ses actions dans le domaine social, sociétal ou environnemental. En France, c’est Lafarge et le WWF qui ont été, en mars 2000, les précurseurs de ce type d’accord. »

Cette progression est aujourd’hui relativement assumée dans l’Hexagone, aussi bien par les acteurs du monde associatif que ceux du monde l’entreprise. « Qu’il s’agisse d’intervenir dans l’urgence humanitaire, la post-urgence ou le développement, nombreuses sont les entreprises qui aujourd’hui s’intéressent à l’action internationale », signale le Répertoire du Mécénat d’entreprise de Admical.

Pour ce qui est de la responsabilité sociale, remarque le patronat français, les  entreprises et les ONG se sont souvent affronté pour défendre des visions différentes, « mais pas forcément opposées, sur des questions allant du changement climatique au commerce international. Nous sommes toutefois d’accord pour dire que le dialogue et une synergie de nos compétences sont désormais indispensables, et peuvent être aussi profitables aux ONG qu’aux entreprises, » reconnaît Laurence Parizot.[18]

Bien malgré eux, les partenariats Ong-Entreprises ont cependant généré un marché de la transparence dans le management des organisations de la société civile auquel il convient de s’intéresser. Car les ONG ne se limitent pas au rôle de bouclier que veulent leur fait jouer les entreprises avec lesquelles elles sont en partenariat. Loin s’en faut. Dans bien des cas, elles se révèlent comme d’impitoyables juges pour les entreprises lorsqu’il s’agit de traquer la corruption ou les violations des normes internationales en matière d’environnement ou des droits humains. Cette réalité est singulièrement mise en évidence lors des Public Eye Awards [19] (« prix de la honte ») décernés chaque année aux « entreprises les plus irresponsables ». La session 2010 qui a vu la création du Greenwash Award [20] a notamment épinglé :

– Royal Bank of Canada à qui il a été décerné le Global Award pour son rôle de principal financier des producteurs de pétrole à partir des sables bitumineux ;

– Roche à qui deux prix ont été décernés: le People’s Award et le Swiss Award, en raison de ses essais du groupe pharmaceutique bâlois en Chine sur 300 organes dont elle refuse de révéler la provenance. Les ONG estiment qu’ « environ 90% des organes transplantés dans ce pays sont issus de détenus condamnés à mort ».

Soulignant l’influence étatsunienne dans ce domaine, Ludovic François [21] rappelle la thèse de Bernard Carayon [22] pour qui « les Etats-Unis ont tout fait pour exporter leur législation anti-corruption à travers les instances internationales et des ONG comme Transparency International. » Dans son rapport rendu au premier ministre français en 2003, le parlementaire avance en effet que: « l’ONG serait financée par de grandes entreprises US sous le regard bienveillant de la CIA. » [23]

S’appuyant sur les conclusions de Pierre Abramovici [24] du Monde diplomatique sur les liens personnels entre Transparency International et l’agence américaine de renseignements, Ludovic François pousse plus loin le bouchon, laissant subodorer que « General Motors,  Exxon, Ford, IBM, Lockheed Martin ou encore Pfizer Pharmaceutical » [25] auraient sponsorisé la prestigieuse ONG de lutte contre la corruption.

Quoi qu’il en soit, ce qui paraissait il y a une dizaine d’années comme la solution idéale à savoir : « un rapprochement entre les entreprises et les ONG institutionnelles » [26] pour parer aux attaques ne se suffit plus à elle seule. Il n’est que de lire les propos sans concession de Greenpeace et de La Déclaration de Berne lors de la remise du Greenwash Award 2010 : le CEO Water Mandate [27] de l’ONU « est l’exemple même du rôle ambigu des organisations internationales qui permettent aux entreprises de s’acheter une bonne réputation ». Le jury précise que « des groupes comme Nestlé, Coca Cola ou Dow Chemical font partie de ce « club » et prétendent lutter contre la crise de l’eau, mais poursuivent en réalité leur politique de privatisation de l’eau sans tenir compte des normes écologiques et sociales. » [28]

Plusieurs enquêtes [29] menées au cours des dernières années en France et au Canada notent une montée de la méfiance chez certaines ONG face aux entreprises qui cherchent à se donner bonne conscience. Les retours d’expérience montrent de plus en plus nettement que le fait d’entamer un partenariat avec une ONG ne doit pas signifier que l’entreprise achète l’indulgence de cette dernière. « Elle peut fort bien se retrouver embarrassée par les critiques émises par son partenaire. » [30]

Toutes les alliances stratégiques ONG-Entreprises ne sont donc pas vouées à devenir des success stories. Les partenariats de Total et Statoil avec l’ONG Pro-Natura [31] dans le Delta pétrolier du Niger depuis 2000 (au profit de cent mille personnes vivant dans les Etats d’Akwa Ibom et du Rivers State) ne les mettent pas à l’abri des enlèvements d’étrangers travaillant dans l’industrie pétrolière au Nigeria. Cet exemple, parmi d’autres, rappelle que dans le fond comme dans la forme, ces partenariats stratégiques pourtant intéressants montrent leurs limites lorsqu’ils sont mis en place en dehors d’une stratégie concertée pluri-acteurs impliquant les autorités locales.

1.2 Les limites des partenariats Donateurs/ONG

La synthèse des rapports d’enquêtes menées au cours des dernières années sur les partenariats ONG-entreprises permet de mettre en exergue les sept principaux points ci-après (en se plaçant du point de vue des ONG). Car  « avant de s’engager dans un partenariat, il est très important de savoir exactement à quelle genre d’organisation l’entreprise a affaire. Est-elle réputée pour son ‘agressivité’ ou bien considérée comme plus ‘favorable aux entreprises’, quels sont ses objectifs et son mode de fonctionnement ? Qui sont ses membres ? » [32]

1. Les ONG considèrent généralement la participation des entreprises, moins comme un idéal que comme une solution au règlement des problèmes sociaux et environnementaux. La majorité est néanmoins disposée à travailler avec les entreprises à certains niveaux et estiment que l’engagement effectif du secteur privé est possible.

2. Les questions liées à la dépendance des ONG vis-à-vis des entreprises a donné naissance à une nouvelle tendance (en Amérique du nord notamment et au Canada en particulier): l’augmentation des collaboration et coalitions entre ONG de grande et de petite tailles.

3. Les ONG considèrent généralement leur « légitimité » et leur « authenticité » comme des attributs-clés dans leurs relations avec les entreprises.

4. Le souci de légitimité des ONG provient de leur scepticisme à l’égard de l’engagement des entreprises sur les questions sociales et environnementales. Ce scepticisme imprègne les relations entre ONG et entreprises ; et les premières voient leur légitimité engagée lorsque les secondes enfreignent leurs engagements en matière de responsabilité sociale.

5. Les ONG sont partagées lorsqu’il s’agit d’élever le niveau de leur gouvernance, de leur responsabilité et de leur transparence. Plusieurs sont mal à l’aise à l’idée d’appliquer ce qu’elles perçoivent comme des business models du monde l’entreprise à des organisations à but non lucratif. D’autres affirment en revanche que le fait d’adopter des bonnes pratiques, d’où qu’elles proviennent, permet d’éviter d’apparaître comme « vendues aux entreprises. »

6. Bien que sceptiques à l’égard des initiatives sociales et environnementales des entreprises, les ONG sont généralement enfermées dans une relation de dépendance du fait de leurs besoins financiers.

7. Le cynisme et la colère des ONG sont davantage dirigés vers leur gouvernement à cause de l’inaction de ce dernier dans leurs domaines de compétence. Cette situation contraint les ONG à se tourner vers les entreprises pour leurs besoins de financements, démarche qu’elles regardent comme susceptible de créer des conflits d’intérêt parmi les ONG (considérées comme garantes de la performance du secteur privé en matière sociale et environnementale).

Dans l’Hexagone, des auteurs tels François Mabille en parlent comme d’une dérive qui consiste en la manipulation des ONG au nom d’intérêts privés : « ce qui émerge actuellement, c’est aussi une volonté d’instrumentalisation des ONG, précisément en raison du soft power qui est le leur. Des entreprises créent des fondations ou des associations qui sont fréquemment des leurres. » [33]

Dans le monde anglo-saxon, des chercheurs tels que Roy Goldson voit dans les ONG, « l’un des moyens de déstabilisation les plus efficaces dans le futur.» [34] Mais lorsque les analystes se demandent pourquoi les ONG ont un discours politique aussi radical « qui met en scène une opposition éthique avec les Etats et le marché, alors qu’elles entretiennent avec eux d’étroites relations de coopération », lorsqu’ils sondent les mobiles de « ce radicalisme rhétorique et de cette posture de dénonciation, quand les pratiques se révèlent, au final, réformistes et pragmatiques » [35], il apparaît que les entreprises et les ONG ont en partage le désir d’être remarquées et reconnues par l’opinion publique. « Ainsi l’histoire ne se joue-t-elle pas à deux mais à trois, et c’est de l’équilibre de ce rapport triangulaire ONG / entreprise / grand public que dépendra également l’harmonie du partenariat » [36].

1.3 Les clés d’une collaboration gagnant-gagnant

Différents rapports d’enquêtes montrent que les partenariats stratégiques ONG-Entreprises ne sont efficaces que s’ils sont mis en place dans une dynamique explicitement gagnant-gagnant. Cela exige, de part et d’autre, de prendre des engagements clairs et chiffrés et de travailler sur des bases communes. Le guide sociétal de Total les résume en quatre facteurs-clé de succès :

1. L’acceptation en interne (nécessité d’avoir le soutien du Top-management de l’entreprise et l’engagement de l’ensemble des parties prenantes au projet ;

2. L’établissement d’un climat de confiance (basé sur une communication transparente, une réelle volonté de coopérer, le respect des engagements et de la patience), la confiance se construisant dans la durée et la connaissance mutuelle ;

3. La définition d’objectifs réalistes et des succès à portée de main (qui permettent d’en voir plus facilement les résultats et sur cette base, pouvoir lancer des projets plus ambitieux) ;

4. La mise en place d’un système de suivi et d’évaluation (avec les ressources techniques idoines).

Dans certains pays comme la France, quelques acteurs ont pris conscience d’un nouveau marché de « rencontres » et proposent désormais « un accompagnement à la mise en place de projet de partenariat entre ONG et entreprises. » [37] Ces projets dits de partenariats public-privé (PPP) se développent clairement dans une dynamique de responsabilité sociale des entreprises (RSE). « Les entremetteurs » recherchent des « synergies entre les causes sociales et les bénéfices économique de l’entreprise (réduction du risque, exploration de marchés potentiels, coopérations avec les acteurs de la société civile… » [38] Ils opèrent le casting des ONG partenaires, organisent les premiers contacts, assurent la facilitation des échanges ainsi que le déploiement et la mobilisation en interne. « Les entreprises qui ont déjà un portefeuille d’actions de générosité » et qui souhaitent le renforcer peuvent se voir proposer un « portefeuille d’actions » spécifique, pouvant inclure des programmes d’aide humanitaire.

2. Profiter du créneau de l’aide humanitaire

Il importe avant tout de rappeler que l’action humanitaire telle qu’on la connaît aujourd’hui prend naissance à la fin des années 60 dans ce qui fut le plus important programme d’urgence après la deuxième guerre mondiale : « SOS Biafra ». C’est dans cette région que se trouvent 75% des ressources pétrolières du Nigeria – ressources convoitées par les grandes puissances et les multinationales pétrolières-, c’est de là que partiront le sans-frontiérisme,[39] l’ingérence humanitaire [40], la militarisation des parties belligérantes [41] par ONG interposées et l’hypermédiatisation [42]des situations d’urgence. Les mille jours [43] que durent les combats entre sécessionnistes biafrais et le gouvernement fédéral nigérian font des centaines de milliers de morts, plus de trois millions de déplacés et de nouveaux contrats d’exploitation pétrolière.

Dans les pays fraîchement dévastés par la guerre (ex : le Soudan [44] après 21 ans de guerre civile), un tremblement de terre de grande ampleur (ex : le tsunami du 26 décembre 2004 en Asie du Sud) ou la famine (ex : l’Ethiopie 1984-1985 et son million de morts), les Nations Unies et ses agences spécialisées, les ONG (telles que Médecins du Monde et de plus en plus de confessions religieuses comme l’église de Scientologie rencontrée, mi-janvier 2009 sous les décombres haïtiennes) sont des ambassadeurs pas comme les autres. Dans la phase de premiers secours, d’aucuns arrivent en éclaireurs, certains au sens propre, d’autres au sens figuré ; car après les premiers secours viennent la reconstruction [45] et la concurrence internationale sui generis. Bien que les Nations Unies cherchent à encadrer l’intervention humanitaire privée, force est de constater que cette dernière permet encore, dans certains cas, de s’ouvrir des marchés jusque-là fermés, voire hostiles et quelques d’enfermer les consommateurs visés dans leur dépendance.

2.1 S’ouvrir un marché grâce à la « philanthropie »

Parce que le business des catastrophes est l’un des plus lucratifs au monde, les pays dévastés par la guerre et/ou menacés par la famine et/ou les épidémies constituent d’excellents sites de déploiement pour les entreprises en quête d’expansion.

Quand la France lorgnait vers le Soudan dévasté

La manipulation des ONG par les Etats en vue de remporter des marchés est regardée – à juste titre- par des analystes tels que Eric Denécé et Gilles Sohme comme relevant du registre de « l’intelligence humanitaire » [46], mais nous allons voir qu’en l’absence de stratégie concertée pluri-acteurs, un contexte – même largement favorable- ne suffit pas à faire de bonnes affaires.

Nous appuyant sur le compte rendu[47] de visite d’une délégation du groupe sénatorial France-Soudan en visite au Soudan du 6 au 12 juin 1998, on apprend qu’avec seulement 15% de ses ressources agricoles utilisées, le pays détient l’un des plus hauts potentiels de développement dans ce secteur avec plus de quatre-vingt millions d’hectares de terres cultivables et presqu’autant d’hectares de pâturage. Il faut se rappeler qu’à l’époque, le secteur agricole soudanais représente environ 80% des exportations du pays et contribue pour près de 40% de son PIB.

Au niveau du sous-sol, les parlementaires relèvent qu’en dehors des réserves d’or, de chrome et de gypse qui y sont exploitées, le Soudan est doté d’immenses gisements d’uranium, d’amiante de chrome, de manganèse, de mica, de talc, de plomb, de fer, de zinc, de cuivre, de colbalt, de marbre, de coblat, de granit, de nickel, d’argent et d’étain. Ils évaluent approximativement les réserves pétrolières du pays à « 900 millions de barils » (suivant les chiffres officiels, précisent-ils) et saisissent les contours de la bataille que s’y livrent les compagnies pétrolières internationales.

Le rapport très détaillé de ces parlementaires offre une photographie quasi complète de la situation du pays. Une mine d’informations de premier choix susceptibles d’ouvrir la porte aux affaires.

Après la guerre, les affaires

Les rédacteurs rapportent que grâce à la renommée des organisations humanitaires françaises et à l’action de la diplomatie hexagonale dans le pays et au sein des instances internationales, Paris jouit d’un bon « capital de sympathie » auprès de la population soudanaise. Pour les parlementaires, cette influence pourrait et devrait permettre à la France de profiter du retour de la paix pour remporter d’importants marchés dans le cadre de la reconstruction du pays.

Dans leur rapport, les rédacteurs ont pris soin de citer des projets qui, bien que gelés à cause de la guerre ou en raison de l’opposition des autorités de Khartoum, demeurent suffisamment prometteurs pour l’Hexagone. Il en va ainsi, écrivent-ils, de « l’exploration de la concession de 120.000 km2 détenue par Total dans la région de Bor ;  la culture du blé sur surface irriguée par Rhône-Poulenc ; et la construction d’un tronçon d’autoroute de 120 kilomètres entre Khartoum et Port-Soudan, » à condition que chaque partenaire (Etat, ONG, entreprises) joue sa partition.

Le chainon manquant

En l’espèce, la visite des parlementaires (muée en mission de reconnaissance et surtout de collecte d’informations à haut valeur ajoutée) profite à plusieurs entreprises en plus de celles déjà répertoriées dans le rapport. Le soft power français précédant les entreprises hexagonales qui visent le Soudan, le gain indirect généré au profit des entreprises aurait pu se renforcer s’il s’était tissé, au préalable, un partenariat gagnant-gagnant explicite et de longue durée.

Evaluation faite, on sait à présent que si l’initiative des rédacteurs de ce rapport parlementaire avait été prise dans le cadre d’une stratégie concertée tripartite regroupant l’Etat, les ONG et les entreprises intéressées, les résultats auraient été de loin plus intéressants pour l’ensemble des parties prenantes, voire pour les populations et l’économie soudanaises. La démarche est tout autre chez qui ceux exploitent l’influence des Ong pour créer la dépendance à l’aide humanitaire.

2.2 Créer la dépendance chez les consommateurs

« L’aide est une drogue pour l’Afrique. Depuis soixante ans, on la lui administre. Comme tout drogué, elle a besoin de prendre régulièrement sa dose et trouve difficile, sinon impossible, d’imaginer l’existence dans un monde où l’aide n’a plus sa place. Avec l’Afrique, l’Occident a trouvé le client idéal dont rêve tout dealer » [48] comme nous l’avons relevé dans les cas de la Zambie et du Malawi.

Zambie : le maïs jaune qui venait d’Amérique

Pour percer le marché africain des semences, les multinationales [49] ont mis les pays-cibles sous surveillance, guettant l’instant où les aléas climatiques seraient les plus rudes pour l’agriculture locale. L’objectif stratégique était de prendre prétexte de l’aide humanitaire pour apprivoiser la cible et créer une dépendance de facto aux semences des agro-industriels étatsuniens.

Il faut souligner que les Etats-Unis mélangent leur production classique et transgénique de soja ou de maïs sans distinction d’étiquetage et qu’ils n’ont pas signé le protocole de Carthagène du 29 janvier 2000 relatif à la prévention des risques biotechnologiques. Cet accord appelle des règles d’étiquetage claires pour toute exportation d’OGM de manière à informer les destinataires sur le type de graines.

En été 2002, une grave crise alimentaire frappe l’Afrique australe. Plus de 13 millions de personnes sont menacées de famine dans six pays de la sous-région (Lesotho, Malawi, Mozambique, Swaziland, Zambie et Zimbabwé). C’est alors que les Etats-Unis proposent de venir au secours des pays sinistrés en fournissant du maïs jaune (dont une partie transgénique) au Programme alimentaire mondial (PAM). Se pose alors un problème humanitaire et éthique.

Dépasser l’éthique par l’humanitaire ?

Contrairement aux cinq autres pays touchés par cette vague de famine exceptionnelle, la réaction des autorités zambiennes va surprendre car à Lusaka, la capitale, on perçoit d’autres enjeux, sous-jacents ceux-là, et surtout non évoqués par le « généreux donateur » qui sont liés au commerce, à la santé publique, voire à la souveraineté alimentaire du pays une fois la crise passée. Suivant les recommandations des experts en nutrition réunis le 12 août 2002 dans la capitale du pays, le chef de l’Etat zambien, Levy Mwanawasa, fait un discours mémorable devant le parlement dans lequel il déclare très clairement que : « la Zambie préfère mourir de faim que de manger les produits toxiques. »

La position du gouvernement est pourtant loin de faire l’unanimité [50]. Des scientifiques comme Faston Ngoma, professeur à la faculté de médecine de Lusaka, avancent que le maïs transgénique n’étant pas impropre à la consommation, « il serait criminel de refuser de sauver des Zambiens et même des refugiés de la mort. » D’autres, à l’instar du docteur M. Lewanika, chercheur à l’institut national de la recherche scientifique et industrielle de Zambie, soutiennent l’inverse. « La Zambie, dit-il, n’est pas un dépotoir de médicaments périmés et d’OGM qu’on ne consomme pas ailleurs. »

Les enjeux commerciaux

Au delà de l’émotion suscitée par l’urgence humanitaire, quelques experts indépendants ont tenu à souligner les enjeux économiques de l’introduction du maïs américain dans les pays sinistrés.

Pour éviter que ce maïs en provenance des Etats-Unis ne se retrouve dans les plantations et ne s’hybride irrémédiablement avec le maïs local, quelques universitaires à l’instar du professeur Like Mumba ont proposé au PAM de faire moudre les grains. L’organisation onusienne a écarté cette proposition pour raison financière. Une position d’autant plus incompréhensible pour Bernadette Lubozhya, chercheuse au Centre agricole de Kasisi, que « les bovins et les caprins sont également menacés par la famine. Si l’on donne ces graines comme nourriture aux bovins, si nous commençons à cultiver des OGM dans notre pays, poursuit-elle, nous seront exclus du marché européen. Ni la Hollande, ni le Royaume-Uni n’importeront nos viandes, nos oranges, nos fleurs, nos bananes, notre coton, etc. »

Le père Peter Henriot, directeur du Centre jésuite de recherche et de théologie de Zambie, abonde dans le même sens. Pour lui, il serait « criminel de la part du gouvernement d’introduire l’agriculture OGM dans le pays. Les semences OGM, poursuit-il, seront inaccessibles aux pays comme les antirétroviraux le sont aux sidéens de Zambie[51] une situation similaire à celle où sont engagés Monsanto et World Vision [52] au Malawi.

Quand Monsanto et World Vision volaient au secours du Malawi

Pendant que la Zambie tergiversait, le Malawi tendait les bras… Le 20 décembre 2005, Monsanto promettait 700 tonnes de « semences de maïs hybride de premier choix » à cent quarante milles familles d’agriculteurs du pays via « des ONG et des organismes d’aide humanitaire et des agences gouvernementales qui travaillaient dans les réseaux de transport et de distribution » d’après la multinationale. Ce don s’est élevé à huit cent quarante milles dollars.

Pour le ministre de l’agriculture Uladi Mussa, cette généreuse donation est arrivée à un moment critique pour le Malawi », une opinion renforcée par le docteur Antonio Valencia de Sasakawa Global 2000 : « en permettant aux agriculteurs locaux de bénéficier de graines hybrides, Monsanto aide le gouvernement malawite à stopper le cycle de la pauvreté[53]

Pour parvenir à un consensus minimal, Monsanto a organisé « un débat avec des ONG, le gouvernement du Malawi, certains organismes humanitaires, et plus particulièrement une ONG appelée ‘Vision du Monde’ (World Vision). Nous nous sommes réunis et sommes tombés d’accord que cette situation n’allait pas cesser de se reproduire si nous ne changions pas de politique. Et c’est ce que nous avons fait, » [54] déclarera le Top-management de Monsanto.

Les semences brevetées de Monsanto

L’astuce commerciale de Monsanto, c’est que les gènes contenus dans ses semences OGM sont brevetés. Cela implique que les agriculteurs qui achètent des semences sont tenus de signer un contrat de licence pour la saison suivante, et ainsi de suite, ad vitam eternam, les producteurs étant interdits de conserver les semences des récoltes précédentes comme le veulent leurs traditions agricoles. Conserver les semences d’une récolte à l’autre est un vieux procédé qui a toujours permis aux agriculteurs pauvres de faire des économies. Grâce aux clauses contraignantes glissées dans ses licences, Monsanto les met pratiquement sous prélèvement automatique et veille rigoureusement au respect de ses droits de propriété intellectuelle, en traquant cultivateurs, semenciers et coopératives agricoles. Même les producteurs dont les champs sont accidentellement contaminés sous l’effet du vent, par exemple, sont susceptibles d’être poursuivis s’ils viennent à conserver les semences d’une saison au profit de la suivante.

La caution du cousin britannique

Alan Eastham, Haut-Commissaire de Grande Bretagne au Malawi en 2005, salue ainsi l’action de Monsanto : « le don de semences hybrides aux agriculteurs aura sans doute des répercussions importantes sur la qualité de la production de l’année prochaine et est dans la plus pure tradition du comportement socialement responsable des entreprises privées aux Etats-Unis… » [55] Le diplomate britannique fait l’éloge de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) au moment où on s’y attend le moins.

Depuis 2002, Monsanto s’est officiellement donné pour vocation de « construire un monde meilleur pour les générations futures ». Les ONG partenaires [56] et les réseaux internationaux [57] auxquels il appartient (et/ou qu’il finance) l’aident à propager son évangile aux quatre coins de planète. Les importants dons de la fondation Bill & Melinda Gates en 2008 et 2009 en faveur du développement de l’agriculture [58] et des OGM [59] en Afrique sont loin d’être d’anodines activités d’aide humanitaire.

2.3 Encadrer l’aide humanitaire privée ?

Depuis le Tsunami du 26 décembre 2004 en Asie du sud, le secteur privé manifeste un intérêt croissant dans le soutien aux opérations humanitaires à travers le monde comme l’ont montré l’ouragan Katrina et le terrible séisme d’Asie du sud en 2005. Devant cet intérêt croissant, le World Economic Forum Humanitarian Relief Initiative et la Coordination des Nations Unies pour les affaires humanitaires (plus connue sous le sigle OCHA) a développé 10 principes pour encadrer l’engagement philanthropique des entreprises et autres donateurs privés.

1. L’engagement du secteur privé dans l’action humanitaire identifiée comme philanthropique est entièrement pro bono ;

2. L’engagement philanthropique du secteur privé dans l’action humanitaire ne doit pas être dans un but commercial ;

3. L’engagement philanthropique du secteur privé dans l’action humanitaire doit être entreprise en partenariat et en coordination avec les humanitaires locaux et internationaux ;

4. L’engagement philanthropique du secteur privé dans l’action humanitaire doit se faire dans le cadre et les limites fixées par les gouvernements ;

5. L’aide des acteurs du secteur privé doit être dirigée de manière à répondre aux besoins identifiés et dans le respect des us et coutumes locales ;

6. Les salariés du privé déployés dans le cadre des missions humanitaires de leur entreprise doivent être entrainés au préalable et adhérer aux codes de conduite de référence tels que celui bien connu des « principles of Conduct for international Red Cross and Red Crescent Movement and NGOs in Disaster Responses Programmes » ;

7. La communication du secteur privé autour de son engagement philanthropique dans le cadre de missions humanitaires doit être précise, vraie et respectueuse des communautés bénéficiaires et des acteurs humanitaires ;

8. Le secteur privé doit utiliser des politiques éprouvées et transparentes pour rendre compte de leur engagement philanthropique dans l’action humanitaire ;

9. Les acteurs du secteur privé doivent prendre des mesures pour surveiller l’impact de leur apport philanthropique sur les activités humanitaires ;

10. Les acteurs du secteur privés doivent faire des efforts  afin de rendre leur concours philanthropique prévisible.

De manière empirique, il n’est pas étonnant que les premières tentatives d’encadrement des activités philanthropiques privées par les Nations Unies aient, en premier lieu, visé les grandes entreprises anglo-saxonnes et leurs puissants réseaux.

3. L’exceptionnelle efficacité des réseaux anglo-saxons

Trois organisations différentes à bien des égards ont été choisies pour rendre compte de l’extraordinaire dynamisme et de la complexité de réseaux anglo-saxons : la fondation Bill et Melinda Gates, la World Cocoa Foundation et la Moon Organization.

3.1 Une organisation complexe nommée Moon

Initialement connue sous l’appellation « Unification Church », la Moon Organization [60] a été fondée en 1950 [61] par Sun Myung Moon sous la dénomination « Holy Spirit Association for Unification of World Christianity ». Soixante ans plus tard, le business de Dieu étend ses tentacules aux quatre coins du monde avec des profits évalués à plusieurs milliards de dollars.

Naissance d’une nébuleuse

Dès sa création, l’organisation se présente comme un mouvement religieux malgré ses multiples connexions avec de nombreuses personnalités politiques et le monde l’entreprise. Très vite, elle s’internationalise [62] et part à la conquête des Etats-Unis dès 1960 où son siège est transféré en 1972. Sun Myung Moon fait parler de lui une première fois en organisant des séances de prières en soutien au président Nixon alors empêtré dans le scandale du Watergate. [63] Plus tard, on découvre que Moon est impliqué dans une affaire de jeunes femmes chargées de se lier d’amitié avec des membres du congrès des Etats-Unis et de leur staff. [64] En 1973, Moon obtient malgré tout la « carte verte » qui lui accorde la résidence permanente sur le sol américain. Il n’est pour autant pas exempté de poursuites.

Les poursuites judiciaires

A partir de 1978, le Congrès des Etats-Unis lance une vaste enquête sur le rôle de la Moon Organization dans un gigantesque scandale qui sera baptisé Koreagate [65]. Le rapport des élus révèle également les efforts de la Moon Organization pour contrôler des banques américaines, ses activités dans la fabrication et la commercialisation des armes à feu et ses connexions avec un service de renseignement étranger, en l’occurrence, la Korean Central Intelligence Agency. Les enquêteurs notent que pour échapper au fisc, l’organisation paie ses employés en cash ou via des prêts déguisés et mobilise d’importantes quantités d’argent liquide d’un pays à l’autre, de manière absolument illégale au regard des lois américaines notamment. Le rapport parlementaire explicite par ailleurs comment Moon fait un remarquable usage marketing des noms et images de personnalités américaines, coréennes et japonaises à son avantage personnel et au profit de son organisation. Les malversations de la nébuleuse Moon sont mises à nu et sanctionnées.

La sanction pénale

En 1982, la cour fédérale des Etats-Unis condamne Sun Myung Moon à 18 mois de prison assortis d’une amende de 25000 dollars aux motifs d’évasion fiscale. Moon enclenche alors une succession d’appels contre la sentence, essayant à chaque fois de s’abriter sous le parapluie du premier amendement de la constitution américaine, la liberté de religion. Mais en dernier ressort, il est condamné par la cour suprême et incarcéré en juillet 1948 à la prison fédérale de Danbury [66]. C’est entre quatre murs qu’il conçoit une vraie stratégie mondiale pour son organisation.

Une stratégie mondiale

Dès le début des années 90, la Moon Organization opère sous le couvert d’une kyrielle d’articulations allant des fondations aux ONG en passant par des associations d’étudiants et des groupes sociaux, culturels ou religieux [67]. Chaque année, Moon organise de gigantesques manifestations internationales où sont invitées de hautes personnalités dont des anciens chefs d’Etats et des hauts responsables de l’ONU. La plupart ignorent les multiples connexions de la Moon Organization et elles contribuent parfois, malgré elles, à lui donner plus d’envergure qu’elle n’en a en réalité. En février 1999, le Révérend Moon lance la Fédération Inter-Religieuse pour la Paix mondiale. En s’appuyant sur un message de rassemblement religieux de type œcuménique, Moon fédère pour mieux régner.

Une fédération d’ONG

C’est dans cette même perspective que la Moon Organization décide de jouer un rôle de tout premier plan dans l’univers des ONG internationales. Trois groupes affiliés à l’organisation ayant acquis le statut d’ONG avec avis consultatif auprès des Nations Unies, Moon saisit cette opportunité pour infiltrer les institutions onusiennes, allant jusqu’à organiser des événements publicitaires et des célébrations de mariage dans les salles de conférence au siège de l’ONU. L’année 2000 couronne les efforts de Moon par la création de la World Association of Non-Governmental Organisations (Wango) qui se donne pour mission d’apporter du soutien et des mécanismes d’action aux ONG du monde entier qui le souhaitent en vue de contribuer à solutionner les problèmes de base de l’humanité. A travers « l’optimisation des ressources et le partage d’informations vitales, Wango [68] offre aux ONG les moyens d’être plus efficaces dans la poursuite de leurs objectifs primordiaux», peut-on lire sur le site de l’organisation.

Une organisation sûre

Pour son efficacité, la Moon Organization table sur un noyau dur composé d’hommes sûrs. Dong Moon Joo qui est par exemple président de la Fédération des Jeunes pour la Paix mondiale (créée en 1994) est également membre du directoire de l’université de Bridgeport dans le Connecticut, et président du Washington Times. L’autre exemple est celui du Neil Salonen qui est à la fois président de l’université de Bridgeport et secrétaire général de la Fédération Inter-Religieuse pour la Paix Mondiale (évoquée plus haut). Troisième connexion et non des moindres, le révérend Chung Hwan Kwak est à la fois président de l’Association mondiale des ONG (plus connue sous son sigle anglais « Wango »), président du Forum mondial de la culture et des sports et président du directoire de la Fédération Inter-Religieuse pour la Paix Mondiale. La liste est non exhaustive. Ce réseau sûr étend son influence jusque dans la sphère culturelle.

Un excellent réseau culturel

La Moon Organization contrôle un réseau culturel qui s’étant des établissements d’enseignement supérieur (exemple : l’université de Bridgeport [69] aux Etats-Unis et l’université Sung Wha en Corée du Nord), des fondations à vocation culturelle (à l’instar de l’International Cultural Foudation, ou le Littel Angels Art School) ainsi qu’aux groupes de recherche scientifique (tels que l’International Conference on the Unity of the Sciences). Il est remarquable de noter que stratégiquement et territorialement, l’activité culturelle et académique de la nébuleuse Moon accompagne l’expansion spirituelle, économique, politique de son organisation comme nous le verrons par la suite. Il en va de même pour ses médias.

Un bouquet médiatique étoffé

Deux ans avant le transfert du siège de son organisation à New York, Moon y crée un journal, le News World. Douze ans plus tard, il fonde le Washington Magazine, l’un des plus importants journaux de la capitale politique, alors que Reagan entre à la Maison-Blanche. En 1996, Moon lance Tiempo del Mundo, un hebdomadaire en langue espagnole à destination de la communauté hispanique du Canada et des Etats-Unis ainsi que quinze pays d’Amérique latine. Ce trio contrôle [70] à son tour plusieurs médias dans différents pays tels la United Press International (plus connue sous son sigle UPI), Middle East Times, Insight Magazine ou The World and I… aux Etats-Unis, le mensuel canadien Our Canada, les quotidiens Sekai Nippo au Japon, Segye Ilbo en Corée du nord et Ultimas Noticias en Uruguay. Ces médias qui ne produisent aucun bénéfice au plan financier participent davantage de la stratégie d’influence et d’expansion d’autres business de l’organisation.

Des business variés

La Moon Organization possède un large réseau d’entreprises extrêmement diversifié dans plusieurs pays. On y dénombre aussi bien les banques que les agences immobilières, les hôtels, les casinos, que les ateliers de construction navale. D’après Marc Fisher and Jeff Leen du Washington Post, « cette vaste et ahurissante multinationale pourrait s’appeler Moon Inc. » [71] Toutes ces entreprises sont apparemment la propriété de de l’Unification Church International (dirigée par Dong Moon Joo), laquelle contrôle plusieurs autres entreprises via des intermédiaires tels que True Family Trust au Liechtenstein et One-Up Enterprises basé en Virginie. Ce dernier est notamment propriétaire du groupe industriel Saeilo USA Inc.[72] dont l’une des filiales, la Kahr Arms (spécialisée dans la fabrication des armes à feu), est dirigée par Kook-jin alias « Justin » Moon. Des armes à feu au profit d’une politique de paix, précise le fils Moon.

Des contacts politiques de choix

Depuis le soutien inattendu apporté à Richard Nixon dans l’affaire du Watergate, la Moon Organization investit d’énormes sommes pour s’entourer de célébrités et de personnalités politiques, avec une nette préférence pour d’anciens hommes d’Etat tels que Ronald Reagan [73] ou l’ancien premier ministre britannique Edward Heath [74]. Entre 1995 et 1996, George Bush père aurait perçu environ un million de dollars pour ses apparitions dans les manifestions de la Moon Organization. L’ancien président des Etats-Unis délivra cinq discours pour la seule année 1995 dans le cadre des rencontres de la Women’s Federation à Washington. La sympathie de l’organisation pour les républicains ne s’est jamais démentie. Elle a activement participé à l’élection de George W. Bush en 2000 et tous les analystes se souviennent de la violence des attaques du Washington Times contre l’administration Clinton de l’époque. Aujourd’hui âgé de 90 ans, le révérend Moon se dit convaincu que l’Afrique est une terre d’espoir pour son organisation.

3.2 Deux fondations à l’assaut du cacao africain

La fondation Bill & Melinda Gates

Elle a été portée sur les fonds baptismaux durant l’été 1999 [75] à Seattle dans l’Etat de Washington. Dès l’origine, elle se présente comme une fondation humaniste et philanthropique qui s’occupe de santé, d’éducation [76]… Ses financements proviennent du couple Gates et de plusieurs hommes d’affaires et entreprises. Le 16 juin 2006, Bill Gates annonce qu’il quitte ses fonctions à la tête de leader mondial de logiciel afin de consacrer l’essentiel de son temps (il garde cependant la présidence du conseil d’administration de Microsoft) et de sa fortune (95%) [77] à sa fondation. Neuf jours plus tard (le 25 juin très exactement), le milliardaire Warren Buffett (alors deuxième fortune de la planète) offre 31 milliards de dollars et s’engage à verser jusqu’à 80% de sa fortune à la fondation à condition que cette dernière soit directement dirigée par Bill et/ou Melinda Gates. C’est ainsi que la fondation devient la plus riche des organisations philanthropiques au monde.

Mais à regarder de près, les activités de la fondation Bill & Melinda Gates sont-elles si philanthropiques qu’elles paraissent ? s’interrogent de nombreux analystes. Les premiers à répondre sont des journalistes américains. Dans une enquête publiée le 7 janvier 2007, Los Angeles Times explique que dans la région pétrolifère du Delta du Niger, les populations font face à de graves problèmes de santé publique. La plupart souffrent de cancers, de problèmes respiratoires, d’épidémies de bronchites chez les adultes, d’asthme et de  troubles de la chez les enfants, dus aux fumées toxiques dégagées par les gisements en feu dans la région.

Ce qui retient l’attention des analystes ici, c’est que « la fondation Gates a versé 218 millions de dollars pour la recherche et l’immunisation contre la polio et la rougeole à travers le monde, y compris dans la région du delta du Niger. Mais, en même temps qu’elle finançait des campagnes de vaccination, elle a investi 423 millions de dollars dans Eni, Royal Dutch Shell, Exxon Mobil, Chevron et Total, des compagnies éminemment responsables de la pollution dans cette région. » [78] L’enquête du Los Angeles Times rapporte que si 5% des fonds annuels de la fondation sont consacrés à l’exemption d’impôts, en revanche les 95% restants sont des investissements rémunérateurs gérés par « des financiers chargés de diversifier leur portefeuille au maximum en vue d’assurer la pérennité de l’organisation », selon les propos de Monica Harrington, senior policy officer à la fondation, rapportés par le journal californien.

La World Cocoa Foundation (WCF)

D’après son site internet, la World Cocao Foundation [79] (Fondation mondiale pour le Cacao) créée en 2000 a pour but de promouvoir l’économie du cacao à travers le développement social économique et environnemental des communautés agricoles. Elle promeut – entre autres – l’éducation, la santé, la recherche et tout particulièrement les pratiques agricoles qui maintiennent et accroissent la biodiversité et la diversification des cultures au sein des communautés productrices de cacao. L’organisation se targue de compter soixante-dix membres allant des PME aux multinationales « basées en Amérique, en Europe, en Asie et en Australie » [80] qui contrôlent 80% du marché mondial du chocolat.

Le Programme d’Innovation de Financements (PIF) dans le secteur du Cacao 2009-2010 lancé début septembre 2009 par la fondation au profit de la Côte d’Ivoire porte par exemple sur « la recherche de technologies innovantes au profit des communautés de petits producteurs de cacao de la plante aux fèves. »[81] Doté d’une enveloppe maximale de vingt mille dollars par projet étalée sur 12 mois, ce programme vise exclusivement les instituts de recherche, universités, groupements d’exploitants agricole et ONG de Côte d’Ivoire.

L’ONG regroupe des structures gouvernementales de plusieurs pays du nord et du sud. On y trouve aussi bien le ministère américain de l’agriculture, le ministère camerounais du commerce, le ministère allemand de l’industrie, le ministère nigérian de l’agriculture et du développement rural, l’agence danoise de développement, le Fonds de développement et de promotion des activités des producteurs de café et de cacao de Côte d’ivoire que l’USAID, la très réputée agence américaine pour le développement international.

Au croisement des deux fondations

Dans le registre des organisations internationales et/ou non gouvernementales, WCF compte une bonne trentaine d’organisations aussi plurielles par leurs statuts, leurs missions que par leur origine géographique. Y siègent côte à côte: la Fondation Jacobs, Norwegian Chocolate Manufacturers Association, Family Health International, Windrock international, Bioversity international, et plusieurs universités dont celles du sud du Mindanao aux Philippines, Cape Cost au Ghana ou encore la Rutgers University dans le New Jersey, aux Etats-Unis, et bien sûr la fondation Bill & Melinda Gates.

Début 2009, cette dernière a justement co-financé un nouveau programme [82] de 40 millions de dollars avec les entreprises de l’industrie chocolatière (membres de WCF) au profit des cacaoculteurs du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Ghana, du Libéria et du Nigeria. Le programme entend renforcer les capacités de production (qualité/quantité), la compétitivité des producteurs et améliorer l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement. Mais pour bien comprendre les enjeux de cette mobilisation, il suffit de se rappeler que 70% du cacao mondial provient de l’Afrique de l’ouest et principalement de Côte d’ivoire (39%), du Ghana (21%), du Cameroun (5%) et du Nigéria (5%), d’après les chiffres de l’OCDE, fin 2009.

Conclusion

Du Biafra [83] à Haïti [84] en passant par Copenhague [85], la trilogie ONG-Etats-Entreprises n’a pas attendu l’émergence de l’intelligence économique pour tirer profit de la médiatisation des situations d’urgence et de l’émotion de l’opinion publique pour accroitre leur influence et/ou conquérir de nouveaux marchés, aussi bien en temps de crise (secours d’urgence et reconstruction post-catastrophe) qu’en période de paix (comme on le voit dans les développements du green business).

Et si on observe encore une quantité assez peu élevée de partenariats ONG-Entreprise-Etats dans l’espace francophone (due à une catéchèse qui souffre d’allier explicitement aide et bénéfices ou écologie et profits), les anglo-saxons, en revanche, sont à l’avant-garde d’une dynamique qui concilie « les opposés » autour d’intérêts communs, fût-ce de manière provisoire.

In fine, ce que l’intelligence économique apporte en termes de valeur ajoutée à ces « mariages de raison » réside dans la flexibilité et la sécurité du cycle de renseignement (du fait des différences culturelles), dans la traçabilité des réseaux d’acteurs (souvent très variés par leur statut) et dans l’élaboration de stratégies (concertées pluri-acteurs) gagnant-gagnant.

Guy Gweth, Conseil en Intelligence économique, GwethMarshall Consulting


[1] Propos cités par David Naulin in « Entre entreprises et ONG, des intérêts partagés », cdurable.info, 30 août 2005.

[2] Jean-Louis Vielajus, (président de la Coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale),  Entreprises et ONG de solidarité internationale : quels partenariats pour quels objectifs, Paris, 2009.

[3] Comme nous le verront dans le cas de Monsanto, le volet « connaissance du terrain » qui va de paire avec la capacité des ONG partenaires à collecter du renseignement de première main est particulièrement privilégié pas les entreprises souhaitant conquérir des parts de marchés dans des territoires sinistrés.

[4] Dans le cas des « partenariats produits » ou « contrat de licence » du Word Wide Fund for nature(WWF) par exemple,  l’association promeut et soutient des produits éco-responsables. A terme, WWF (et ses 4000 employés engagés dans 2000 projets dans 100 pays) influence l’ensemble de la gamme de produits de ses partenaires. Dans ce type de partenariat, les droits d’utilisation de la marque WWF sont concédés pour la promotion, la vente et la diffusion des produits. Parmi les partenaires stratégiques de WWF France, on peut citer Carrefour, Castorama, Ikea ou encore le groupe La poste.

[5] A titre d’exemple, Lafarge (leader mondial des matériaux de construction) verse un million d’euros/an de subvention au World Wide Fund for nature (WWF) depuis 2000.

[6] Au printemps 1999, la guerre du Kosovo permit de mettre à jour le contrat qu’avait passé la branche canadienne d’une ONG américaine avec les services étatsuniens en vue de recruter des «volontaires» chargés de collecter du renseignement.

[7] Pour le département de l’information des Nations Unies, une ONG est « un groupe de citoyens volontaires, sans but lucratif et organisé à l’échelon local, nationale ou internationale. » Cf. François Rubio, Dictionnaire pratique des organisations non gouvernementales, Ellypse, Paris 2004, P. 26

[8] Selon les conclusions d’une étude ARPEA parue en janvier 2009, près de 90 % des entreprises considèrent qu’il est légitime de créer des associations pour améliorer leur image.

[9] C’est le cas des agences spécialisées des Nations Unies telles que la l’Unicef ou la FAO, etc.

[10] Lire « Du Biafra au ’droit d’ingérence’ », Libération, 3 mars 2002.

[11] François Ludovic, « Entreprises et société civile, nouveaux acteurs des relations internationales »
Enjeux Diplomatiques et Stratégiques, Economica, Paris, 2006.

[12] Paul Dauvin et Johanna Siméan, Le travail humanitaire : les acteurs des ONG, du siège au terrain ; Presses de Sciences PO, Collection académique, 18 avril 2002.

[13] Répertoire du Mécénat d’entreprise 2001-2002, Admical, p. 120.

[14] Alain Juillet était à l’époque le Haut Responsable français à l’intelligence économique.

[15] Propos recueillis par Alexandre Haederli lors des Public Eye Awards 2009  et publiés dans le journal suisse, Le Matin dimanche, du 31 janvier 2009.

[16] NATIONAL Public Relations, Spanning the Great Divide: A Report on the Relationship between Canadian NGOs and Corporations, Canada, November 2008.

[17] D’après Michaël Yaziji, Les relations Entreprises-ONG – Campagnes et partenariats, présentation au séminaire Ifri- Institut de l’entreprise du 15 juin 2004.

[18] Laurence Parizot, présidente du Medef (Mouvement des entreprises de France), avant-propos de l’étude Entreprises et ONG de solidarité internationale : quels partenariats pour quels objectifs, Paris, 2009.

[19] Public Eye Awards sont décernés chaque année les ONG Greenpeace et la Déclaration de Berne depuis 1999, en marge du Forum économique de Davos.

[20] Le Greenwash Award est attribué aux entreprises « connues pour leur agissement néfaste ». Ces entreprises pratiquent généralement de l’éco-blanchiment grâce à des partenariats avec des ONG et avec l’expertise des agences de communication.

[21] Ludovic François, « La société civile instrumentalisée à des fins concurrentielles : quand l’éthique devient un outil d’influence », Risques & Management international, n°4, Editions de l’Harmattan, Paris, 2007.

[22]Bernard Carayon, Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale, La documentation française, novembre 2003.

[23] Rossigneux, « La guerre France-USA sur le front du bakchich », Le Canard enchaîné, 27 janvier 1999.

[24]Pierre Abramovici, « Une ONG contestée », Le monde diplomatique, Novembre 1999.

[25] Bernard Carayon, Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale, La documentation française, novembre 2003.

[26] Ludovic François, « ONG et réputation d’entreprises: la guerre de l’information au nom de l’éthique »
Revue d’Etudes du Renseignement et des Opérations Spéciales, n°8, Editions de L’Harmattan, août 2001.

[27] CEO Water Mandate est un projet du Pacte mondial de l’ONU initié en juillet 2007 par Peter Brabeck, le PD-G de Nestlé. Il regroupe des partenaires publics et privés en faveur, déclare-t-il, d’une gestion durable de l’eau.

[28] http://www.novethic.fr/novethic/planete/institution/evenements/

[29] Voir Spanning the Great Divide: A Report on the Relationship between Canadian NGOs and Corporations, Op. Cit. Dans le cas de la France, voire: Nouvelles alliances dans la sphère privée : ONG et entreprises, Analyse des rapprochements ONG/ entreprises dans l’urgence et la post-urgence humanitaire, Fondation de France 2002 ; Relations ONG/entreprises, contraintes et opportunités, Novethic 2003 ; et  Partenariat ONG-entreprises : une construction de la responsabilité sociale des entreprises – Université de Marne-la-Vallée OEP/PRISM, 2002.

[30] Groupe de travail Ifri-Institut de l’entreprise (Synthèse d’Eddy Fouguier et Jean-Damien Pô) du rapport Relations ONG-entreprises : bilan et perspectives, Working paper n°6, Avril 2004.

[31] L’ONG Pro-Natura a été fondée en 1985 au Brésil avec comme mission de promouvoir le développement participatif en milieu rural dans les pays en développement. Pour en savoir plus, voir : www.pronatura.org/

[32] Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises in Partenariats stratégiques ONG/Entreprises, Rapport de mission remis au ministère français de la jeunesse, des sports et de la vie associative, juin 2005.

[33] François Mabille, L’influence des ONG, Revue Agir n°14, Mai 2003.

[34] Roy Goldson, Dirty Tricks or Trump Cards: U.S. Cover  Action and Counterintelligence, Transaction Publisher, 2000.

[35] Sgard, J., note de lecture « Thierry Pech, Marc-Olivier Padis Les multinationales du cœur : les ONG, le politique et le marché », Critique internationale n°23 avril 2004.

[36] Nouvelles alliances dans la sphère privée : ONG et entreprises, Admical – Fondation de France, 2002.

[37] Les Ateliers du Leadership Humaniste sont organisés par Nextmove

Voir http://www.alhum.fr/ ou www.conseil.nextmove.fr/ongrel.html

[38] Propos de Pascal Ponty in « Partenariat ONG-Entreprise », le 15 mai 2009,

http://www.alhum.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=323

[39] Après Médecins sans Frontières (MSF) et Médecins du Monde (MDM), l’univers des ONG s’enrichit d’une kyrielle d’associations à l’instar de Reporters sans Frontières, Educations sans Frontières, Télécoms sans frontières… etc., dont la propension à s’affranchir des frontières de la souveraineté territoriale de pays indépendants va constituer un tournant important dans les relations entre les Etats et les ONG.

[40] Lire Mario Bettati et Bernard Kouchner, le Devoir d’ingérence, Denoël, Paris, 1987 ;

Mario Bettati, Le Droit d’ingérence, Odile Jacob, Paris 1996.

[41] François Xavier Verschave, La Françafrique, Stock, Paris, 2001.

[42] Lire Max Récamier et Bernard Kouchner, « Biafra, deux médecins témoignent », Le Monde, 27 novembre 1968.

[43] La guerre du Biafra dure de mai 1967 à janvier 1970.

[44] A titre d’exemple, la reconstruction de la ligne de chemin fer entre le sud-Soudan, l’Ouganda et le Kenya, longue de 2500km  a été évaluée à 5 milliards de dollars. Principales intéressées : les entreprises européennes de fabrication de matériels ferroviaires en tête desquelles le Thormaehlen Schweisstechnik Group allemand.

[45] Lire Didier Cannet et Frédéric Jaquet, «De l’intervention en temps de crise à la reconstruction », Humanitaire, n° 16, 2007.

[46] Eric Denécé et Gilles Sohme, Les enjeux de l’intelligence humanitaire, Veille, Avril 1997.

[47] http://www.senat.fr/ga/ga-023/ga-0230.html

[48] Dambisa Moyo, L’aide fatale, J.C. Lattès, Paris, 2009.

[49] « Quand la faim fait des heureux », Le Monde, 19 novembre 2002.

[50] « OGM et aide alimentaire : la polémique fait rage », Afrique Relance, Vol.16, février 2003, p. 5.

[51] Propos recueillis et retranscrits par Demine Williams et Bethuel Kasamwa Tuseko le 1erseptembre 2003 sur http://www.syfia.info/ article n°2792.

[52] D’après l’enquête de Michel Galy,  « des ONG comme World Vision, riches et puissantes, refusent toute coordination avec les autres associations ou avec les gouvernements. » Propos extraits de « A Kinshasa, aventuriers africains et professionnels occidentaux » Le Monde Diplomatique, PP. 22-23, Septembre 2008.

[53] Termes repris dans le communiqué de presse publié par Chris Horner au nom de Monsanto Company sur : http://www2.prnewswire.com/gh/cnoc/comp/114341.html

[54] Genetic modified maize in Malawi: visions of a problem, GM-free Scotland, juin 2009.

[55] Lire « U.S. Company Donates Maize Seed to Farmers in Malawi – Monsanto’s contribution expected to feed more than 1 million people, in http://www.america.gov/st/washfile-english/2005/December/.

[56] Lire Javier Rulli, « La soja mata » (Texte traduit par Christian Berdot de l’association Les Amis de la Terre) http://terresacree.org/wwfroundupready.html, sur le rôle que jouent les grandes ONG environnementalistes comme le World Wide Fund (WWF), The Nature conservancy (TNC), l’Union Mondiale pour la Nature (UICN) (qui sont notamment partenaires de Monsanto dans  plusieurs processus multipartites) sur la Responsabilité Sociale des Entreprise (RSE) à l’instar de la Table Ronde pour un soja responsable (citée note 29 ci-dessous).

[57] Depuis février 2009, Monsanto a par exemple rejoint la  « Table Ronde pour un Soja responsable » qui est une large coalition comprenant de grands groupes industriels et des groupes environnementalistes. Depuis 2004, ce réseau tente de définir une série de critères « durables » pour la production intensive en monoculture du soja en Amérique du Sud. Détail très important: les critères de la Table Ronde n’excluent pas les OGM.

[58] La fondation Bill & Melinda Gates a versé 5,6 millions de dollars en octobre 2008 à l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture pour permettre à 17 pays d’Afrique « d’améliorer considérablement la qualité, l’accès et la pertinence de leurs statistiques nationales sur l’alimentation et l’agriculture… »

[59] Un don de 5,4 millions de dollars a été allouée au Donald Danforth Plant Science Center (Etats-Unis) en janvier 2009 par la fondation Bill & Melinda Gates pour « lutter contre la famine » par l’introduction de cultures génétiquement modifiées enrichies d’éléments nutritifs. Ce financement couvrait également les actions de lobbying destinées à convaincre les gouvernements africains d’accepter des essais en champ de plants de banane, riz, sorgho et manioc transgéniques enrichis de vitamines, de minéraux et de protéines.

[60] « Moon organization » est l’appellation la plus couramment usitée dans les rapports d’enquête portant sur l’ « Unification Church », du fait des activités à la fois spirituelles, économiques et politiques de cette entité.

[61] Pour plus de détails, lire Benjamin Beit Hallahmi, « Unification Church, » dans Illustrated Encyclopedia of Active New Religions, Sects and Cults, New York, 1993; ainsi que Robert Parry, « Dark Side of Rev. Moon: Truth, Legend & Lies, » The Consortium, Août 1997.

[62] Lire Bruno Fouchereau, « Les sectes, cheval de Troie des Etats-Unis en Europe, » Le Monde Diplomatique, Mai 2001. Voir aussi: Jennifer Butler, « For Faith and Family – Christian Right Advocacy at the United Nations », The Public Eye, Summer/Fall 2000, Volume IX, N° 2/3.

[63] Report of the Subcommittee, « Activities in Support of Nixon, » pp. 340-43.

[64] Lire: Michael Isikoff, « Church Spends Millions to Defend Its Image » dans le Washington Post, du 17 septembre 1984.

[65] 187 membres du Congrès américain furent impliqués dans ce scandale qui partait à l’origine des activités de lobbying de l’homme d’affaires coréen Tongsun Park. A l’époque, l’homme se présentait comme un marchand de riz et la Moon organization l’aurait aidé à transférer des fonds, en violation des règles de change en vigueur à l’époque. En 2005, Tongsun Park s’est également retrouvé au cœur du scandale « Pétrole contre nourriture ».

[66] Lire: « Not quite Sing Sing » dans The Economist du 19 mai 1984.

[67] Le cas du « Collegiate Association for the Research of Principles » (CARP) qui fait partie de ces structures-satellites est dévoilé dans le Boston Globe du 20 avril 1988.

[68] D’après la page « About Wango » du site de l’organisation à l’adresse : http://www.wango.org/about.aspx

[69] L’université de Bridgeport dans le Connecticut était proche du dépôt de bilan lorsque ses caisses ont été renflouées par des dons de la Moon Organization pour un total de 92 millions de dollars, laissant le contrôle de l’établissement au généreux donateur.

[70] Se reporter pour cela au site de Tiempos del Mundo http://www.tdm.com/. D’autre part, Dong Moon Joo, nous l’avons vu plus haut, a été identifié comme étant à la fois président du Washington Times, Insight, The World & I, The Middle East Times et Noticias del Mundo.

[71] Lire Marc Fisher and Jeff Leen, « A Church in Flux is Flush with Cash: Moon linked to bewildering array of entities » dans le Washington Post, du 23 novembre 1997.

[72] Voir la présentation du groupe sur http://www.saeilo-smi.com/greeting.html

[73] Les liens de la Moon Organization avec Ronald Reagan existaient déjà avant l’élection de ce dernier à la Maison Blanche. Sun Myung Moon était d’ailleurs invité « VIP » lors de la cérémonie de prestation de serment du républicain. Le nouveau président déclara aux reporters que le Washington Times était le premier journal qu’il lisait chaque matin.

[74] Lire Marc Fisher, « Celebrities Pulled into Moon’s Orbit; Speakers Unaware of Conclave’s Cult Link » dans le Washington Post du 30 juillet 1996.

[75] D’après l’histoire de la « Bill and Melinda Gates Foundation » publiée sur http://www.historylink.org/

[76] Lire “Coverage of the Gate Foundation”, article du Los Angeles Times mis en ligne le 7 janvier 2007 à l’adresse : http://www.latimes.com/business/la-na-gatesx7jan07

[77] De 1993 à 2007, Bill Gates est consacré « homme le plus riche du monde » par le magasine américain Forbes.

[78] Lire « Dark cloud over good work of Gates Foundation” de Charles Piller, Edmund Sanders et Robyn Dixon,

une enquête publiée dans le Los Angeles Times du 7 janvier 2007.

[79] http://www.worldcocoafoundation.org/who-we-are/mission.html

[94] On y retrouve les grands noms de l’industrie chocolatière tels que Ferrero, Friesland Campina, Ghirardelli Chocolate Company, Guittard Chocolate Company, Kraft Foods, Lake Champlain Chocolates, Lindt & Sprüngli, Nestlé, Nidar AS, Noble Cocoa, Panda, Rogers’ Chocolates Ltd., Romero Trading SA, Starbucks Coffee Company, etc.

[80] http://www.worldcocoafoundation.org/what-we-do/

[81] D’après le communiqué de presse publié à cet effet par la World Cocoa Foundation, le West Africa Cocoa Livelihoods Program vise à améliorer les conditions de vie de 200 000 producteurs de cacao.

[82] Lire Pierre Micheletti, « Sur fond d’indignation et de pétrole, tout a commencé au Biafra », Le Monde diplomatique, septembre 2008, PP. 24-25.

[83] Le séisme du 23 décembre 2009 en Haïti a fait de ce pays un gigantesque marché à ciel ouvert. Le montant de la reconstruction sur cinq ans a été évalué par les experts des Nations Unies à 10 milliards USD.

[84] En référence au sommet mondial sur le changement climatique tenu dans la capitale danoise de 7 au 12 décembre 2009 en présence de 192 Etats et des dizaines d’ONG internationales.

Guy Gweth