Pour des politiques d’intelligence économique en Afrique

(Africa Diligence) Les problématiques de la recherche, de la diffusion et de la protection des informations sont devenues aujourd’hui de véritables leviers de pouvoir, et posent avec acuité des défis aux économies mondialisées. Ainsi, s’interroger sur la construction d’une perspective d’énonciation et d’organisation d’une action des Etats africains dans le domaine de l’intelligence économique s’avère légitime.

Les disciples de la « main invisible », inspirés des théories d’Adam Smith, estimaient que le libéralisme permettrait des avancées économiques qui aboutiraient à la fin des déséquilibres, à la paix entre les peuples, au partage des valeurs et surtout à une autorégulation des marchés. Suivant cette logique, le pouvoir des États devait peu à peu s’étioler.

Pourtant, avec l’avènement de la mondialisation et les multiples crises, notamment économiques, financières, sociales, environnementales, etc. que connait le monde aujourd’hui, la concurrence est de plus en plus rude. Les seules lois du marché, ainsi que l’action de la « main invisible » sont faussées. Le capitalisme et l’interventionnisme des Etats se mêlent pour la défense des intérêts des entreprises et ce, en contournant les lois du marché.

Les Etats font donc leur retour dans la compétition économique mondiale. D’ailleurs, ne doivent-ils pas assurer la défense et accompagner la croissance économique au bénéfice de leurs citoyens ? Il apparait clairement qu’un Etat incapable de créer des industries concurrentielles doit tout au moins concourir à la création d’un environnement dans lequel les entreprises puissent obtenir l’avantage concurrentiel. Dès lors, devenir stratège et partenaire des entreprises s’imposent aux Etats comme un impératif catégorique.

En outre, en matière de développement économique, il existe une convergence d’intérêts entre Etats et entreprises. Comme le souligne Rémy Pautrat, « l’observation des pratiques des Etats les plus actifs en matière d’intelligence économique montre aujourd’hui une imbrication plus étroite encore entre les intérêts géopolitiques étatiques et les intérêts économiques des entreprises nationales, au point que sont mis à leur disposition les moyens autrefois réservés à un usage régalien…». Il est donc légitime de s’interroger sur la consistance d’une action publique en termes d’intelligence économique (IE) dans les pays africains. La plus part d’entre eux étant par ailleurs engagés dans un processus d’émergence (Cameroun à l’horizon 2035, Côte d’Ivoire en 2020, etc.). Les enjeux de l’IE pour ces pays sont ainsi davantage liés à leur compétitivité et à la défense de leur intérêt national, gage de leur développement.

Il s’agit par conséquent de se convaincre que l’émergence, l’accès à la technologie, au savoir et à la connaissance, pourraient être un acquis pour tout le monde. Il suffit de le vouloir. En effet, un Etat puissant est d’abord un Etat qui le veut. Seulement, il reste la question des moyens et instruments à mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs. L’IE serait donc une voie. Il faut alors s’approprier cette démarche, ses outils et ses méthodes, afin d’agir sur son environnement au lieu de le subir.

Junior Sagne, Stagiaire